Inde : les travailleurs persécutés de Maruti Suzuki témoignent de leur torture

Treize des 151 travailleurs de Maruti Suzuki Inde (MSI) incarcérés – dont l'ensemble des dix délégués syndicaux du Maruti Suzuki Workers Union (MSWU) – ont déposé des déclarations sous serment au tribunal accusant de hauts responsables de la police de l'Etat d'Haryana et des membres de la direction de MSI de s'être entendu pour les torturer, les agresser, les enlever, et menacer de les tuer.

Ces treize ainsi que la grande majorité des 138 autres travailleurs de MSI emprisonnés ont été maintenus en prison durant les sept derniers mois sur la base d'accusations fabriquées de toutes pièces, dont le meurtre. 

Le plus grand constructeur automobile d'Inde et le gouvernement du Parti du Congrès à Haryana ont monté une vendetta contre les travailleurs de l'usine d'assemblage de Manesar parce qu'ils se sont rebellés contre le syndicat jaune de la compagnie et les conditions de travail misérables, et ont monté une série d'actions militantes qui ont failli entraîner une révolte plus large des travailleurs dans l'importante ceinture industrielle de Gurgaon-Manesar. 

Bien que les déclarations sous serment des travailleurs soient rédigées en Hindi, leur avocat, Rajender Pathnak, a fourni une version en anglais au World Socialist Web Site 

Les déclarations sous serment donnent une description hallucinante du traitement brutal auquel les travailleurs emprisonnés ont été soumis, dont des passages à tabac, des noyades, la privation de nourriture, et le refus de traitement médical. Ces déclarations démontrent également que la police a obéi au doigt et à l'œil à la direction de MSI. Non seulement la police a arrêté les gens en utilisant des listes fournies par la compagnie, mais les responsables de MSI, d'après ces déclarations, ont insisté à plusieurs reprises auprès de la police pour qu'ils les frappent et les maltraitent de diverses manières. 

« La police, » affirment les déclarations sous serment, « a obtenu nos signatures sur les papiers vierges [c-à-d pour y mettre de fausses déclarations plus tard] en nous frappant et en usant de la force contre nous. Nous avons tous été mis dans une citerne d'eau par les policiers jusqu'à ce que nous perdions conscience. » 

L'une des déclarations affirme, « le premier jour moi et neuf collègues nous avons été emmenés à la prison du Secteur 46 à Gurgaon. Là, M. S.Y.Sidquee (le directeur général de MSI) et M. A.K.Singh (un chef de service) de notre compagnie sont venus et ont dit à la police : ce sont tous d'importants dirigeants du syndicat ; vous devriez les frapper sévèrement et préparer des preuves solides contre eux en les frappants pour qu'ils ne puissent jamais sortir de prison. » 

En incitant la police à attaquer les travailleurs, Sidquee a lancé un appel à leurs préjugés de caste : « Sidquee a dit au SHO (inspecteur) Rajveer Singh de la section criminelle, secteur 46, à Gurgaon, devant mes collègues que Ajmer Singh est un "charmeur de mort" (deadh charmer - une insulte de caste) et qu'en dépit de cela il avait osé contester la direction de notre compagnie. Vous devriez donner une sévère correction à ce charmeur de mort. Une fois cela dit, Rajveer Singh et ses subordonnés l'ont frappé durement. Puis Rajveer Singh a dit à ses subordonnés que ce charmeur de mort devrait recevoir un traitement tel que non seulement lui, mais aussi ses collègues n'oseraient plus former de syndicat. » 

Outre les informations sur les mauvais traitements et les tortures auxquelles les travailleurs emprisonnés ont été soumis, les déclarations font des révélations importantes sur une altercation provoquée par la direction de l'usine de Manesar le 18 juillet dernier et au cours de laquelle le directeur des ressources humaines de MSI Abinesh Dev a été tué. 

La compagnie, le gouvernement de l'Etat d'Haryana et la police se sont emparés de cette altercation et en particulier de la mort de Dev pour justifier les arrestations massives de toute la direction du MSWU et de plus d'une centaine d'autres travailleurs militants, et le licenciement de plus de cinq cent travailleurs en CDI et de 2000 travailleurs temporaires qui a suivi. 

Les déclarations notent que Dev avait en fait aidé les travailleurs de Manesar à obtenir la reconnaissance du MSWU par le ministère du Travail de l'Haryana. Pour cette raison, il a été soumis à des pressions de la part de la direction de MSI pour se servir de son influence sur les travailleurs et pour leur faire retirer leur demande d’augmentation de salaire. 

« [C'était] grâce aux efforts du directeur général (DG) de ladite compagnie, M. Abinesh Dev, en février 2012, que le syndicat ouvrier [MSWU] a pu être reconnu légalement, » affirment les déclarations. 

La direction a par la suite fait pression sur Dev « qu'il devrait se servir de son influence sur le syndicat des ouvriers pour qu'ils retirent ladite demande. Mais Sh. Abinesh Dev a exprimé son refus de faire quoi que ce soit à ce propos. 

« Pour cette raison, la relation entre lui et les autres directeurs s'est envenimée. Plus tard, M. Abinesh Dev a présenté sa démission de la compagnie, mais la direction de la firme n'en a pas voulu, ils craignaient que cela montre au grand jour le visage anti-ouvrier de MSI. » 

Les déclarations suggèrent que durant l'altercation organisée par la compagnie le 18 juillet, les gros bras engagés par MSI ont pris Dev pour cible parce que les membres les plus importants de la direction le considéraient comme une épine dans le pied. 

Les déclarations affirment, « [la] direction de ladite compagnie a réussi à créer les violences du 18 juillet 2012 dans les locaux de ladite compagnie avec l'aide des videurs (gros bras engagés) et ont fait tuer M. Abinesh Dev. La police a mené l'enquête en suivant ce que disait la direction de ladite compagnie et le gouvernement de l'Haryana. D'après la plainte abusivement déposée par la compagnie susnommée, la police et le gouvernement de l'Etat ont lancé des procédures pour meurtre contre [les] délégués [du MSWU] et […] leurs collègues de ladite compagnie. » D'après l'avocat des travailleurs Rajender Pathak, « la direction a fait d'une pierre deux coups en éliminant M. Abinesh Dev et le syndicat le 18 juillet 2012. La violence a été prévue par la direction [de MSI] […] Les videurs en grand nombre ont été appelés à l'intérieur pour créer la violence. » 

Dans leurs déclarations, les travailleurs expliquent que s'ils ne remplissent leurs déclarations sous serment sur leurs tortures que maintenant c'est parce que des officiers de police haut placés ont menacé de les tuer s'ils tentaient de révéler les brutalités policières. 

L'un des travailleurs, Suresh, a dit dans sa déclaration que la police l'avait prévenu, « si vous lancez une action juridique contre nous, la police aura tellement de moyens de vous éliminer en déclarant que vous tentiez de vous évader. » 

Il continue, « Après avoir reçu l'assurance de mon conseil [Rajender Pathak] que la police ne peut rien faire durant la détention judiciaire, j'ai pu réunir le courage de vous [à la cour] envoyer cette plainte. » 

Actuellement, un total de 13 plaintes séparées pour inconduite de la part de la police, y compris pour collusion avec la direction de MSI, ainsi qu'une demande à part pour obstruction à la justice ont été déposées. Avant qu'elles soient déposées devant un tribunal de l'Haryana le 5 mars, les plaintes sont passées devant le commissaire de police fédérale de Guangaon le mois dernier. Cependant, comme Pathak l'a expliqué au WSWS, « aucune action n'a été prise par la police à ce jour car l'un des officiers membres de leur propre IPS (Indian Police Service) a été désigné et accusé aux côtés de la direction de MSI dans chacune des 13 plaintes. 

Le gouvernement du Parti du Congrès de l'Haryana et l'Etat fédéral indien sont déterminés à écraser les travailleurs de Maruti Suzuki à Manesar pour intimider l'ensemble de la classe ouvrière et démontrer au monde des affaires indien et international qu'ils feront tout le nécessaire pour supprimer l'opposition aux conditions de travail misérables qui existent dans la nouvelle industrie automobile, ou autre, indienne, intégrée à l'économie mondiale. Cette offensive de la guerre de classe est facilitée par les appareils syndicaux, y compris ceux de l'AITUC (All India Trade Union Congress) aligné sur le CPI (Parti communiste de l'Inde) stalinien et le CITU (Centre of Indian Trade Unions) aligné sur le CPM (Parti communiste d'Inde - marxiste). Ils ont isolé les travailleurs emprisonnés et persécutés de MSI, refusant d'organiser la moindre action industrielle en leur défense et les ont poussé à faire appel au gouvernement du Parti du Congrès et à ses responsables de l'inspection du travail alors même que ceux-ci avaient durement persécuté les travailleurs. 

Les travailleurs d'Inde et du monde entier doivent demander la libération immédiate des travailleurs de Maruti Suzuki ainsi que l'abandon de toutes les charges contre eux. La lutte contre leur persécution doit être liée à une lutte pour mobiliser la classe ouvrière dans son ensemble contre les conditions de travail misérables et les emplois précaires et pour le développement d'un mouvement politique de la classe ouvrière indépendant contre le système d'exploitation capitaliste. 

(Article original paru le 20 mars 2013)

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[25 octobre 2012]

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