Le ministre français de la Défense visite le Mali

Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian s’est rendu le 7 mars au nord du Mali, région que les soldats français tentent encore de reconquérir. Le Drian essayait de prendre la température du moral des soldats et de s’assurer de la mise en place d’une force africaine qui interviendra elle aussi au Mali pour servir les intérêts impérialistes de la France dans la région.

Les chiffres concernant le nombre de tués dans la guerre au Mali, qui a commencé le 11 janvier, ne sont pas très précis mais on compte des centaines de djihadistes, 4 soldats français, une centaine de soldats maliens, une centaine de soldats tchadiens. Une centaine de civils maliens dont des enfants ont été tués, et l'un d'entre eux est mort la veille de la visite-surprise du ministre. L’opération militaire de la France au Mali a permis de reprendre aux forces islamistes les principales villes du Nord malien : Gao, Tombouctou et Kidal. Les islamistes se sont repliés dans les massifs des Ifoghas qui sont le théâtre d’affrontements violents avec l’armée française et tchadienne. 

La situation de la population malienne est catastrophique. Les villes et les villages ont été en grande partie détruits, obligeant des centaines de Maliens à fuir les zones de combats pour se réfugier dans des camps dans les pays voisins. L’accès à l’eau et à la nourriture est de plus en plus rare, ce qui risque de provoquer des catastrophes humanitaires.

Les forces que combat l’armée française sont des milices touarègues et des forces islamistes qui ont éte armées et organisées par la France et d’autres pays de l’OTAN pour combattre en Libye et en Syrie. Ces dernières sont financées par les monarchies réactionnaires des pays du Golfe. 

Le ministre a voulu remobiliser les troupes françaises en faisant appel au patriotisme des soldats : «Au-delà des 4 morts, c’est l’engagement de la France que vous portez, l’engagement pour nos valeurs ». Il a salué « les qualités professionnelles, le courage, le sang-froid, le don de soi » des militaires engagés au Mali, affirmant à la presse que « plus de 70 pour cent du travail a été fait ». 

Le retrait du Mali de l’armée française qui compte 4.000 hommes, ne se fera pas au mois de mars, contrairement à ce qui avait été annoncé, mais est repoussé à une date non connue. L’Express rapporte les propos de Hollande : « A partir d’avril, il y aura un début de décroissance des troupes. Ça ne veut pas dire qu’on va partir du jour au lendemain, il faut être pragmatique, ça dépendra de ce qui se passe sur le terrain ». La visite de Le Drian vise aussi à faire taire les critiques émises par l’opposition conservatrice en France sur l’opération « brouillonne » de la France au Mali et à maintenir le soutien de l’opinion publique suite à la mort du quatrième soldat. 

Le ministre s’est ensuite rendu à Gao et Bamako pour discuter avec ses homologues de l’après-conflit et de la mise en place de la force africaine. 

L’article du Figaro du 7 mars sur le Mali citait les craintes émises par les milieux de droite vis-à-vis des tactiques du gouvernement social-démocrate au Mali, même si personne au sein de la politique bourgeoise n’a remis en cause le principe de la guerre de recolonisation, semblable à celles entreprises en Libye et en Syrie. Alain Juppé, ancien ministre de la Défense sous l’ancien président Nicolas Sarkozy, a déclaré : « Nous sommes passés à une autre phase qui n’était pas prévue, et aujourd’hui nous sommes confrontés à des risques extrêmement élevés,… la question se pose de savoir si nous n’avons pas été d’un coup trop loin … J’ai peur que nous soyons engagés dans une spirale que nous aurons du mal à maîtriser ». 

L’intervention au Mali est un enjeu stratégique pour la France, comme pour les Etats-Unis. Elle doit assurer à la France et aux Etats-Unis la sécurisation des matières extraites ou transformées dans des sites en Afrique de l’Ouest dont la France et les Etats-Unis sont dépendantes en matière d'énergie. La prise d’otages sur le site d’In Amenas en Algérie est un exemple de risque que les puissances impérialistes redoutent . 

L’intervention militaire française en Afrique de l’Ouest et au Proche-Orient marque une nouvelle étape dans la reconquête coloniale de ces zones stratégiques pour l’impérialisme français. Depuis quelques années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique—une position qui pour les Etats-Unis et la France est insupportable, étant donné les rivalités économiques et politiques qui tenaillent le capitalisme mondial. 

La France avait employé la force contre Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et contre Kadhafi en Libye—qui s’étaient tous deux rapprochés de la Chine—dans le but de mettre en place des régimes fantoches plus dociles aux intérêts français et américains. 

La France, qui intervient militairement au Mali avec le soutien des Etats-Unis, a été avertie par deux sénateurs américains revenant d’une visite au Mali que la France devait rester au-delà du mois de mars. Le sénateur américain Christopher Coons, spécialiste de l’Afrique à la commission des Affaires étrangères, a dit : « Je suis inquiet des déclarations publiques optimistes des Français, selon lesquelles ils ont réussi à disperser les extrémistes ; La stabilisation de la situation pourrait requérir une présence militaire française plus durable. » 

Un autre sénateur qui a rencontré le commandant des forces française au Mali a dit : « Sans partenaire pour assurer les évacuations médicales, le transport aérien, la surveillance et la logistique, les villes du nord sont vulnérables et risquent d’être reprises ». 

La France s’est engagée dans une guerre longue et coûteuse. Elle a déjà coûté « un peu plus d’une centaine de millions d’euros », selon Le Drian, alors que le gouvernement PS cherche à réduire son déficit par l’application de mesures d’austérité imposées par l’UE et les banques. Les limites de l’armée et de l’économie françaises poussent la France à faire pression sur ses partenaires africains pour les charger d’assurer les intérêts de la France dans cette région de l’Afrique. 

Les puissances impérialistes avaient, au cours d’une conférence à Addis Abeba fin janvier, promis une enveloppe financière de plus de 455 millions de dollars pour le Mali, destinée à la force africaine dans ce pays et à l’armée malienne, ainsi qu’à l’aide humanitaire. L’Afrique de l’Ouest réclame 950 millions de dollars, et le ministre ivoirien des Affaires étrangères Charles Koffi Diby souhaite un relèvement des effectifs africains à 8.000 hommes.

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