Répression contre Aube dorée en Grèce

Au cours du week-end, le gouvernement grec a mené des actions concertées contre des dirigeants du parti fasciste Aube dorée. C'est la première fois que ce genre de mesures est utilisé contre un parti politique depuis la fin de la dictature militaire de 1974. 

Dix-huit membres dirigeants d'Aube dorée, dont le président du parti, Nikos Michaloliakis, ont été arrêtés et accusés d'association de malfaiteurs. Au cours d'une perquisition dans la maison de Michaloliakis, trois armes illégales ont été confisquées ainsi que 40 000 euros en liquide. Trente autres membres d'Aube dorée ont également été arrêtés. 

Ces accusations font suite au meurtre de l'artiste de hip-hop et antifasciste Pavlos Fyssas par un gros bras d'Aube dorée. Deux officiers de police ont démissionné la semaine dernière en raison de leur coopération avec les fascistes, et d'autres ont été suspendus de leur service jusqu'à nouvel ordre ou mutés à d'autres postes. Samedi également, une loi a été votée pour retirer le financement public aux partis dont les députés sont poursuivis devant les tribunaux. 

Les 18 députés d'Aube dorée ont menacé de démissionner en masse, ce qui déclencherait de nouvelles élections dans leur circonscription et augmenterait encore les tensions politiques. Des centaines de partisans d'Aube dorée se sont rassemblés devant les bureaux du parti pour protester contre les raids de la police. L'Association des réservistes des forces spéciales (KEED) qui a des liens haut placés a appelé à un coup d'Etat militaire mercredi dernier, soutenant implicitement les fascistes. 

Cette action contre Aube dorée intervient en pleine crise politique. Le gouvernement trouve de plus en plus difficile d'imposer les coupes sociales et les licenciements massifs dictés par l'Union européenne face à la résistance de la population, et il y a une profonde colère populaire contre Aube dorée, suite au meurtre de Fyssas. 

Des milliers de gens manifestent tous les jours contre la terreur fasciste et les attaques sociales. Neuf universités ont fermé leurs portes pour protester contre l'élimination de 37 pour cent de tous les effectifs dans l'administration. Les élèves ont occupé 200 établissements scolaires. Les syndicats ont de plus en plus de difficulté à limiter les grèves ou à les trahir. 

Samedi, le quotidien grec Kathimerini a fait savoir que la plupart des maires du pays refusent d'envoyer leurs budgets prévisionnels au gouvernement central, comme l'exige une nouvelle loi. 

La "troïka", Union européenne (UE), Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI), sont actuellement de retour à Athènes, exigeant encore plus de mesures d'austérité et de licenciements. Dans les cercles dirigeants, la crainte monte que la résistance massive aux coupes sociales et l'opposition à la violence fasciste n'aient des implications révolutionnaires. 

Un débat a éclaté au sein de l'élite dirigeante sur la question de savoir s'il fallait restreindre les activités d'Aube dorée pour tenter de calmer la situation. Des sections de l'armée et de la police, qui ont financé et construit Aube dorée au cours des cinq dernières années comme fer de lance de la lutte contre la classe ouvrière, réfléchissent à un coup d'Etat. 

Une autre section s'inquiète du risque de déstabilisation de la situation s'ils utilisent ouvertement les fascistes maintenant. Les manifestations de masse contre le meurtre de Fyssas indiquent qu'une alliance ouverte avec Aube dorée intensifierait les conflits sociaux. 

Le gouvernement a par conséquent décidé de "contenir" Aube dorée, comme le dit le ministre de la Sécurité Nikos Dendias du parti conservateur Nouvelle démocratie. Certaines personnalités importantes seront placées derrière les verrous, pour un temps au moins, mais les réseaux plus larges des principaux responsables de la police et des services de sécurité qui sympathisent avec Aube dorée se maintiendront. 

Cette manœuvre n'a rien à voir avec une défense de la démocratie. Au contraire, l'Etat va s'emparer du précédent établi par les mesures visant Aube dorée, y compris une possible interdiction du parti, pour préparer des attaques plus importantes contre les droits démocratiques de l'ensemble de la population, et surtout de la classe ouvrière. 

Les représentants de ND ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que l'action de l'Etat vise « les deux extrêmes, » c'est-à-dire qu'elle s'appliquera également en fin de compte aux organisations de gauche. 

Plusieurs manifestations antifascistes ont été attaquées brutalement ou interdites par la police ces dernières semaines. 

La classe dirigeante est unie quand il est question de l'usage de la répression étatique pour faire taire l'opposition sociale des travailleurs. Des travailleurs en grève ont déjà été placés sous la loi martiale et contraints de reprendre le travail trois fois cette année par la violence policière. Les interdictions portées au droit de réunion et les attaques contre les manifestations font partie de la vie quotidienne. 

Le parti d'opposition le plus important, la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA, est en train de jouer le rôle clef dans la tentative de stabiliser la situation tout en soutenant en pratique les mesures d'austérité. Ce parti soutient l'UE et a promis son soutien au paiement de la dette publique aux banques, tout en appelant à la renégociation des termes du renflouement de la Grèce.

Ce parti a répondu à l'action de l'Etat contre Aube dorée en se plaçant entièrement derrière l'appareil d'Etat et le gouvernement. Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision Skai, le dirigeant de SYRIZA Alexis Tsipras a fait l'éloge de la police, qui entretient des liens étroits avec Aube dorée, disant que c'est une force démocratique. 

« L'intervention montre que notre démocratie est solide et en bonne santé, » a-t-il dit. « Même si certains essaient de nous ramener aux années 1960, il y a une opposition qui l'empêchera. » 

Tsipras a également renouvelé son appel à Nouvelle démocratie pour qu'il négocie avec SYRIZA et discute d'une action commune contre Aube dorée. 

Le parti a déjà montré qu'il est lui-même une force de « stabilité » et indiqué qu'il est prêt à entrer au gouvernement afin d'aider à imposer les mesures d'austérité. Un gouvernement qui impliquerait SYRIZA poursuivrait les attaques sociales et les appliquerait par des attaques de l'Etat contre la classe ouvrière. Cela servirait de transition vers des formes de gouvernement plus brutales et autoritaires. 

Pour défendre leurs droits sociaux et démocratiques, les travailleurs doivent intervenir dans les événements politiques indépendamment de tous les partis bourgeois et de l'appareil d'Etat. Ils doivent lutter contre les fascistes aussi bien que contre les attaques qui viennent du gouvernement, avec leurs propres méthodes. Des comités de défense indépendants doivent être formés et il faut se préparer à une grève générale.

Avant tout, ce qu'il faut c'est l'indépendance politique de la classe ouvrière par rapport à tous les partis et politiciens bourgeois, y compris les tendances de la pseudo-gauche comme SYRIZA, qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour désarmer les travailleurs et les subordonner à l'Etat et aux représentants politiques de la classe dirigeante. 

(Article original paru le 30 septembre 2013)

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