De nouvelles preuves que la NSA espionne la France et le Mexique

Le journal Le Monde a publié lundi dernier un rapport basé sur des documents divulgués par Edward Snowden et qui décrivent les activités d’espionnages conduites par l’Agence de sécurité nationale (National Security Agency, NSA) à l’encontre de la population, du milieu des affaires et du monde politique français. Selon Le Monde, la NSA a collecté entre décembre 2012 et janvier 2013 plus de 70 millions d’enregistrements de données téléphoniques qui avaient alors été classés soit sous le code «Drtbox» soit sous le code «Whitebox».

Les opérations de collecte incluaient la lecture et l’écoute du contenu des communications téléphoniques.

Le rapport met de nouveau à nu les opérations mondiales d’espionnage menées par le gouvernement Obama et réalisées en violation flagrante des lois américaine et internationale. Le Monde a résumé l’espionnage de la NSA comme étant une «intrusion, à grande échelle, dans l’espace privé des citoyens français comme dans les secrets de grandes entreprises nationales». En décrivant les aspects de la surveillance, Le Monde a écrit: «Quand certains numéros de téléphone sont utilisés en France, ils activent un signal qui déclenche automatiquement l’enregistrement de certaines conversations. Cette surveillance permet également de récupérer les SMS et leur contenu en fonction de mots-clés.» Le Monde a aussi publié un document de présentation PowerPoint intitulé «PRISM/US-984X Overview» qui détaille les procédures de surveillance électronique de la NSA. La diapositive intitulée «Vous devriez utiliser les deux» mentionne «la collecte de communications téléphoniques d’Upstream prélevée au passage des données depuis les câbles sous-marins et les infrastructures d’Internet (FAIRVIEW, STORBREW, BLARNEY, OAKSTAR)» et «la collecte de PRISM prélevée en accédant directement aux serveurs des entreprises Internet américaines: Microsoft, Yahoo, Google, Facebook, PalTalk, AOL, Skype, YouTube, Apple».

Les diapos montrent que la NSA pratique la «collecte de données vocales» en recourant à la fois à des méthodes de saisie Upstream et PRISM.

Une diapo intitulée, Collecte de PRISM, énumère les «fournisseurs actuels» comme étant «Microsoft (Hotmail, etc.), Google, Yahoo!, Facebook, PalTalk, YouTube, Skype, AOL, Apple». La diapo spécifie: «Que peut-on avoir comme collecte (communications surveillées et enregistrées)? Cela dépend du fournisseur, en général: courriels, clavardage vidéo, données audio, vidéos, photos, données sur disque, appels via Internet, transferts de fichiers, conférences vidéo, notifications de certaines activités ciblées telles que: connexions et échanges sur les réseaux sociaux, requêtes spéciales, etc».

Les diapos contiennent aussi un graphique montrant les dates lorsque PRISM a commencé à collecter les données des divers fournisseurs Internet, de Microsoft en septembre 2007 et d’Apple en octobre 2012, ainsi que des diagrammes détaillés illustrant les différentes composantes de l’appareil de surveillance.

Certains hauts responsables français ont exprimé leur indignation face à l’article du Monde. S’exprimant au micro d’Europe1, le ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls a qualifié les révélations de l’espionnage de «choquantes» en déclarant: «Si un pays allié espionne la France, c’est totalement inacceptable.»

Le gouvernement français a publiquement demandé des explications à l’ambassadeur américain. Lundi dernier, le secrétaire d’Etat américain John Kerry est arrivé à Paris pour rencontrer le lendemain le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, afin de discuter de questions relatives au Moyen-Orient et à l’Iran.

Fabius a remarqué: «Ce type de pratiques entre partenaires qui portent atteinte à la vie privée est totalement inacceptable. Il faut s’assurer, très rapidement, qu’en tout cas, elles ne sont plus pratiquées.»

Au vu des divulgations précédentes selon lesquelles la NSA espionnait des alliés des États-Unis tels le Mexique, le Brésil, l’Angleterre et l’Allemagne, il n’est guère plausible que l’establishment politique français soit vraiment choqué par les nouvelles révélations. Durant l’été, les responsables français avaient commencé à effectuer des enquêtes sur les activités de la NSA après qu’il a été connu que l’agence américaine avait ciblé divers gouvernements européens pour les mettre sous surveillance.

La chaîne de télévision France 24 a interviewé à ce sujet l’ancien cadre de l’armée de l’air, le général Alain Charret. Charret a précisé que le gouvernement français était parfaitement au courant de l’espionnage de la NSA, que la France disposait de ses propres programmes de surveillance et que les autorités judiciaires de l’Union européenne étaient incapables d’empêcher l’espionnage de masse de la NSA sur le continent parce que les points d’accès aux données ne se trouvaient pas sur le territoire français.

«Lorsqu’on dit que la NSA espionne en France, il faut bien se rendre compte qu’elle le fait depuis des satellites ou au niveau des câbles sous-marins qui ne sont pas sur le territoire français», a remarqué Charret. «Même si la Cour européenne des droits de l’Homme était saisie et condamnait la NSA pour violation de la vie privée, ça n’empêcherait pas l'agence de renseignement de continuer à écouter les conversations téléphoniques en France comme ailleurs», a-t-il poursuivi.

Selon Charret, «Il y a eu, par le passé, des exemples avérés d’écoutes téléphoniques de la NSA qui ont coûté à des entreprises françaises de lucratifs contrats notamment au Brésil et en Arabie saoudite». Il a ajouté qu’au cours de l’été, des responsables français avaient reçu l’ordre de n’utiliser «que des téléphones cryptés pour certaines communications», montrant que les «autorités françaises étaient au courant que la NSA écoutait les communications de certains Français».

Au sujet de la réaction de Valls et de Fabius, Charret a dit: «Toute cette affaire est empreinte d’hypocrisie… nous en avons probablement un [programme] qui ressemble, dans une moindre mesure, à celui des États-Unis.»

L’espionnage de gouvernements étrangers par la NSA a créé des frictions entre les États-Unis et les gouvernements d’Amérique latine. La présidente brésilienne, Dilma Roussef, avait annulé en septembre une visite aux États-Unis après avoir appris être la cible de la NSA.

Selon le magazine Der Spiegel, la division de la NSA, la TAO (Tailored Access Operations, bureau des opérations d’accès sur mesure) avait réussi en mai 2010 à entrer dans le compte de messagerie du président mexicain de l’époque, Felipe Calderon. Der Spiegel a dit que les documents obtenus de Snowden montraient que la NSA avait accédé à un «serveur central» du réseau informatique utilisé par le président mexicain en permettant à l’agence d’avoir accès aux communications de Calderon ainsi qu’à celles d’autres membres de son gouvernement.

«Cette pratique est inacceptable, illégale et va à l’encontre de la loi mexicaine et internationale», a dit le ministre des Affaires étrangères du Mexique dans un communiqué.

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