Le Parti québécois dévoile sa Charte des valeurs québécoises chauvine et antidémocratique

Le gouvernement du Québec formé par le Parti québécois a présenté sa «Charte des valeurs québécoises» chauvine qui, si elle devient loi, interdira à plus d’un demi-million de travailleurs du secteur public et parapublic de porter des signes religieux «ostentatoires» au travail et aux femmes musulmanes à la figure voilée de recevoir des services de l’État.

Selon la Charte qui est proposée, les fonctionnaires, les enseignants des écoles publiques et les professeurs des cégeps et universités, les médecins, les infirmières et autres travailleurs des hôpitaux, les employés des administrations municipales et des commissions scolaires, ainsi que les travailleuses des garderies publiques n’auront plus le droit de porter des «signes religieux facilement visibles et ayant un caractère démonstratif». Le turban et le kirpan sikh, la kippa juive et le hijab (foulard) musulman font partie de ces signes.

Sauf en situation d’urgence, toute femme musulmane portant la burqa ou le niqab se verra refuser tout service public, y compris les services d’éducation et de santé.

La charte du PQ, présentée en apparence comme un moyen de défendre la laïcité, l’égalité et les droits des femmes, est en fait une attaque flagrante sur les droits démocratiques qui stigmatise et ostracise les immigrants et les minorités religieuses. Le PQ tente ainsi de détourner l’attention et la colère populaires vers des questions qui ne concernent pas son programme de droite de coupes sociales, de taxes régressives et de hausse de tarifs d’électricité, et cherche à diviser la classe ouvrière.

La charte proposée est à la fois sectaire et hypocrite. Tandis que les symboles des minorités religieuses de la province sont interdits, la charte accorde de nombreuses exemptions aux signes et aux pratiques de la religion catholique. Certaines de ces exemptions sont justifiées parce qu’elles feraient partie du patrimoine historique du Québec; d’autres, selon des distinctions arbitraires.

Le hijab et le kirpan sont interdits, car ils sont ostentatoires. Mais les pendentifs en forme de croix sont permis s’ils sont «discrets».

«La religion a occupé un rôle fondamental dans l’histoire du Québec», peut-on lire dans le document proposé par le PQ pour présenter sa charte. «Nous devons protéger cet héritage.»

La charte défend explicitement la grande croix électrifiée qui trône au sommet du mont Royal (la montagne dont la ville de Montréal tire son nom) et le maintien du crucifix à l’Assemblée nationale. En 1936, le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, un ultraréactionnaire, ordonnait de suspendre le crucifix au-dessus du siège du président de la Chambre du parlement provincial pour symboliser l’union de l’État et de l’Église catholique.

De plus, malgré que le PQ prétende défendre le caractère laïc de l’État, le gouvernement va continuer de financer des écoles religieuses et d’offrir des exemptions de taxes aux institutions religieuses (dans les deux cas, la vaste majorité des institutions sont catholiques).

Bien que le PQ présente sa charte comme le prolongement logique du processus de déconfessionnalisation ou de laïcisation des systèmes d’éducation et de santé du Québec développé il y a un demi-siècle, elle est plutôt le résultat de la campagne réactionnaire qui avait été lancée en 2007 par l’ADQ, un parti populiste de droite, et les tabloïdes en prévision de l’élection provinciale. Cette campagne, qui était basée sur la déformation délibérée de quelques incidents, affirmait que la politique publique d’«accommodements raisonnables» sur les différences religieuses et ethnoculturelles avait relégué la majorité du Québec à un statut de deuxième classe.

Le tollé contre les «accommodements raisonnables» et la charte du PQ ont avivé et utilisé les préjugés antimusulmans qui avaient été attisés par les élites d’Amérique du Nord et d’Europe pour développer un appui à toute une série de guerres impérialistes (des guerres, comme en Afghanistan, dans lesquelles le Canada est un participant important).

Cyniquement, le PQ affirme que son projet permettra de mieux défendre les droits des femmes. En fait, comme l’ont fait remarquer de nombreuses critiques, les principales victimes de la charte sont les femmes musulmanes qui seront congédiées ou qui se verront refuser un poste dans la fonction publique à cause de leur foi. (En raison de l’immigration importante au Québec en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord depuis les années 1970, les musulmans constituent maintenant le deuxième groupe religieux d’importance, après les chrétiens.)

Lorsqu’on lui a demandé si la charte ne constituait pas un obstacle pour les immigrants et les minorités travaillant dans la fonction publique, le ministre responsable de la charte, Bernard Drainville, a affirmé: «Quand tu travailles pour l’État, ce n’est pas un droit, c’est un choix. Et avec ce choix viennent des responsabilités.» Drainville a dit par la suite qu’il espérait que le secteur privé adopte lui aussi la charte, demandant ainsi implicitement que ceux qui portent des signes religieux sur la tête n’aient pas non plus le droit de travailler dans le secteur privé.

Feignant l’«ouverture» et la «bonne foi» et dans le but d’apaiser l’opposition dans la région de Montréal, où les immigrants et les minorités constituent une part importante de la population, y compris dans le domaine de la santé, le gouvernement a dit que certaines institutions publiques et les municipalités pourront faire une demande de retrait de cinq ans pour passer outre à l’interdiction des signes religieux. Le PQ soutient toutefois qu’aucun retrait ne peut être accordé aux enseignants du primaire ou au personnel des garderies, car ils pourraient «influencer» les enfants.

Le principal parti d’opposition au Québec, les libéraux, s’oppose à l’interdiction des signes religieux dans le secteur public. Ils appuient cependant l’interdiction pour les femmes portant la burqa ou le niqab de recevoir ou de donner des services publics (en 2011, les libéraux, alors qu’ils formaient le gouvernement, ont eux-mêmes présenté un projet de loi en ce sens).

Même si les libéraux se présentent comme les défenseurs des droits démocratiques, il y a un peu plus d’un an ils dirigeaient une campagne de répression et de violence étatiques pour briser la grève étudiante provinciale. Ils avaient entre autres adopté la loi 12, une loi qui rendait dans les faits la grève illégale et qui imposait de sévères restrictions au droit de manifester sur n’importe quel enjeu au Québec.

Les syndicats, qui sont des alliés de longue date du Parti québécois et qui ont tout fait l’an dernier pour détourner la grève étudiante et l’opposition de masse aux libéraux derrière le PQ pro-patronal, ont appuyé la charte. Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), qui représente 40.000 travailleurs, a offert son plein appui à la charte. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), soit respectivement les deuxième et troisième centrales syndicales dans la province selon le nombre de leurs membres, ont affirmé que la charte était nécessaire, mais qu’ils devaient délibérer davantage avant de commenter l’interdiction du port de signes religieux.

Québec solidaire (QS), un parti nationaliste de la pseudo-gauche qui a deux députés à l’Assemblée nationale, donne de la légitimité à la charte du PQ. QS soutient que cette initiative chauvine, qui a d’abord été défendue pour des forces ouvertement de droite comme l’ADQ, est une tentative louable de surmonter un sérieux problème de société.

«Québec solidaire accueille favorablement plusieurs orientations proposées par le ministre Drainville», est la première phrase que l’on peut lire dans le communiqué de presse émis par QS en réponse à la présentation de la charte du PQ. Comme tous les autres partis à l’Assemblée nationale, QS appuie l’interdiction pour les femmes portant la burqa ou le niqab de recevoir ou d’offrir des services publics. Toutefois, comme les libéraux, QS affirme que le gouvernement va trop loin en interdisant systématiquement le port de signes religieux à la grandeur du secteur public.

Les principaux partis fédéraux ont tous dénoncé la charte. Le gouvernement Harper a dit que si l’interdiction des signes religieux «ostentatoires» devenait loi, il envisagerait de la contester devant la Cour suprême.

L’opposition des principaux partis de la classe dirigeante américaine à l’attaque chauvine péquiste est sélective et intéressée, et elle est nécessairement liée à la défense du nationalisme canadien réactionnaire et aux qualités «démocratiques» de l’État canadien. Ces soi-disant défenseurs des droits démocratiques ont mis en oeuvre ou appuyé de vastes attaques contre les libertés civiles et les droits des travailleurs: l’abolition des grèves, la cassation de vieux principes juridiques démocratiques dont la présomption d’innocence et l’interdiction d’obtenir des renseignements sous la torture, ainsi que la dissimulation de l’espionnage systématique des communications électroniques des Canadiens par les services de sécurité et de renseignement d’État.

Les travailleurs partout au Canada (francophones, anglophones et immigrants) doivent s’opposer à la réactionnaire charte des valeurs du PQ, mais sans confier ce rôle à des sections rivales de la grande entreprise canadienne. À cet assaut sur les droits démocratiques fondamentaux qui vise à fomenter le nationalisme et le chauvinisme doit s’opposer une lutte pour la mobilisation politique de la classe ouvrière. Cette mobilisation indépendante doit défendre les droits démocratiques de tous en opposition au programme d’austérité et de guerre mené par toute la bourgeoisie et ses représentants politiques, des conservateurs et du PQ jusqu’au NPD.

(Article original paru le 13 septembre 2013)

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