La guerre en Syrie et la menace d’un conflit mondial dominent le sommet du G20

La menace d’une guerre de grande ampleur et de graves tensions entre les Etats-Unis et la Russie au sujet de la Syrie ont éclipsé à Saint Petersbourg le sommet du G20 des dirigeants des 20 principales économies du monde. Le prétendu point crucial à l’ordre du jour du sommet, à savoir les crises des économies des « marchés émergents » comme l’Inde et la Turquie, a été intégré dans la discussion sur l’impact économique mondial dévastateur d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Durant les heures qui ont précédé le sommet, les responsables iraniens ont indiqué vouloir défendre leur allié, le président syrien Bachar al-Assad, face à une attaque américano-israélienne. Le Guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, a dit que Washington et ses alliés « utilisent [les allégations] des armes chimiques comme un prétexte… et disent qu’ils veulent intervenir pour des raisons humanitaires. »

Le commandant des Forces al-Qods de l’Iran, Qassem Soleimani, a publié une déclaration disant : « L’objectif des Etats-Unis n’est pas de protéger les droits humains mais de détruire le front de résistance [contre Israël]. Nous soutiendrons la Syrie jusqu’au bout. »

Un compte rendu de la réunion du 25 août qui a eu lieu à Téhéran entre le sous-secrétaire général des Nations unies, Jeffrey Feltman, et des responsables iraniens, et qui a été divulgué au journal égyptien Al Ahram, a fourni de plus amples détails sur les projets iraniens. Les responsables iraniens ont dit pouvoir garantir que la Syrie n’avait pas utilisé d’armes chimiques. Ils ont signalé que si toutefois Israël s’associait à une attaque américaine contre la Syrie, ils entreraient en guerre pour défendre la Syrie.

Ces derniers mois, Israël a déjà perpétré plusieurs frappes aériennes contre des cibles syriennes et se bat depuis longtemps contre l’organisation Hezbollah du Liban qui a été entraînée dans le combat aux côtés d’Assad. Il existe une réelle possibilité d'intervention tant israélienne qu’iranienne dans une guerre lancée contre la Syrie par Washington, la France et leurs alliés et qui créerait les conditions pour une guerre régionale plus vaste.

Jeudi, dès l'ouverture du sommet du G20, les porte-parole russes ont rapporté que les pays du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) avaient mis en garde contre les effets économiques d’une guerre en Syrie. L’on craint tout particulièrement l’impact sur le prix et l’approvisionnement pétrolier au cas où un conflit entre les Etats-Unis et l’Iran fermerait le commerce du pétrole du Golfe persique.

Le vice-ministre chinois des Finances, Zhu Guangyao a prévenu qu’« il est absolument clair qu'une action militaire aurait définitivement un impact négatif sur l’économie mondiale, notamment sur les prix du pétrole. »

Les responsables des pays dits BRICS ont aussi critiqué les projets de la Réserve fédérale américaine de commencer à réduire son programme d'«assouplissement quantitatif » de création de monnaie. Ils se sont plaints de ce que la Réserve fédérale minait leur économie en alimentant des attentes de taux d’intérêt plus élevés aux Etats-Unis, encourageant ainsi les investisseurs à retirer leur capital des soi-disant économies « en voie de développement » pour l’investir aux Etats-Unis dans l’espoir d’obtenir un rendement plus élevé. Les responsables russes et brésiliens ont exhorté Washington à coordonner la politique monétaire avec les autres gouvernements.

Au cours de la réunion du sommet même, le premier ministre David Cameron a défendu sa décision de soumettre la question de la participation de la Grande-Bretagne à la guerre à un vote au parlement. Dans ce qui est une défaite cuisante pour Cameron, le parlement a voté la semaine passée contre une action militaire lorsqu’il est devenu évident que Cameron ne disposait d’aucune preuve pour étayer les accusations américaines, françaises et britanniques selon lesquelles Assad aurait perpétré une attaque chimique sur Ghouta.

Cameron a dénoncé ceux qui s’étaient opposés à sa décision de mener la guerre contre la Syrie en disant qu’ils avaient manqué une occasion d'« adopter une attitude ferme contre le gazage d’enfants » et qu’ils auraient « ce vote sur la conscience. »

Les responsables russes ont indiqué que Washington n’avait aucune preuve pour soutenir ses accusations disant qu’Assad avait employé des armes chimiques. Ils ont exigé que Washington permette à l’ONU de mener à bien ses enquêtes sur les attaques.

Plusieurs autres pays du G20, dont le Brésil, le Mexique et l’Inde, ont demandé que l’ONU supervise les enquêtes et les négociations. L’Afrique du sud et le Brésil ont insisté pour dire qu’une action unilatérale de la part des Etats-Unis et de leurs alliés (la France, la Turquie et les émirats pétroliers du Golfe persique) contre la Syrie serait une violation du droit international.

La course à la guerre menée par les Etats-Unis contre la Syrie souligne l’effondrement de l’ordre juridique international et l’intensification des divisions entre les principales puissances.

Comme la France, du fait de la défaite de Cameron, est pour l’heure l’unique pays européen à être prêt à participer à une attaque américaine contre la Syrie, la guerre imminente est en train de provoquer une crise diplomatique au sein de l’Union européenne. Le président de l’UE, Herman Van Rompuy, a publié hier un communiqué demandant que la crise syrienne soit traitée « au moyen du processus de l’ONU. » Il a dit « il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien. »

Van Rompuy a ajouté, « Quant à savoir quelle sera la réaction de l’Union européenne en cas d’intervention militaire de la France, nous ne le savons pas encore, nous y travaillons. »

Le quotidien conservateur français, Le Figaro a écrit avec amertume qu’il s’agissait d’un camouflet pour le président français François Hollande et d’un alignement de l’UE sur la politique étrangère allemande.

Mais surtout, la guerre syrienne a mis en évidence le conflit qui existe entre les Etats-Unis et le principal allié de la Syrie, la Russie, qui voit la promotion par Washington de groupes terroristes islamistes au Moyen-Orient comme une menace sur ses intérêts en Eurasie et sa propre sécurité nationale. (Voir : « NATO’s Afghan draw-down stokes Kremlin’s fears of lash with US »)

Tandis que la CIA et ses alliés européens et arabes sont en train d’armer l’opposition islamiste en Syrie, la Russie a déployé une flotte navale au large de la côte syrienne au moment même où Washington a envoyé des navires de guerre en Méditerranée orientale afin d’envisager des frappes de missile contre la Syrie. Le Kremlin a aussi vendu à Assad une partie du système de défense anti-aérien hautement sophistiqué de type S-300

Dans le même temps, les responsables russes ont signalé à plusieurs reprises leur intérêt à parvenir à un accord avec Washington. Mercredi, le président russe Vladimir Poutine a dit qu’il n’excluait pas un appui de l’action militaire américaine contre la Syrie si l’ONU fournissait la preuve que les forces d’Assad avaient commis les attaques chimiques. Il a aussi confirmé avoir gelé de nouvelles livraisons de batteries sol-air S-300 à la Syrie.

Jeudi, les responsables russes ont fait un certain nombre de nouvelles déclarations conciliantes, affirmant que les déploiements de la marine russe en Méditerranée avaient avant tout pour but d’évacuer leurs citoyens hors de la Syrie. Ces remarques n’ont, toutefois, rien fait pour freiner la course à la guerre de Washington et le face à face entre les navires russes et américains en Méditerranée orientale continue.

Il y a plusieurs semaines de cela, Poutine avait essuyé une rebuffade lorsqu’Obama avait annulé une réunion bilatérale entre les deux hommes, prévue avant le sommet du G20. La raison manifeste de la réprimande diplomatique était la décision de la Russie d’accorder l’asile provisoire au lanceur d’alerte de l’Agence nationale de sécurité (NSA), Edward Snowden. Les tensions au sujet de Snowden se sont à présent accentuées avec les préparatifs de Washington pour lancer une guerre d’agression non provoquée contre la Syrie, l’alliée de la Russie.

Mercredi, dans son témoignage au congrès, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry avait dit qu’il était « fondamentalement incorrect » de considérer que l’opposition syrienne était dominée par al Qaïda. Par cette déclaration, Kerry choisit d'ignorer les conclusions officielles américaines selon lesquelles des milices liées à al Qaïda ont effectué en Syrie des centaines d’attentats terroristes à la bombe.

Là-dessus Poutine a fait remarquer, « Nous parlons aux [responsables américains] et nous assumons que ce sont des gens honnêtes et décents, mais il ment, il sait pertinemment qu’il ment. C’est bien triste. »

Ces tensions diplomatiques et militaires croissantes traduisent l’incapacité de quelque gouvernement que ce soit à arrêter la course à la guerre. Cette guerre ne peut être combattue que sur la base de la mobilisation de la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme. Il y a six ans, Poutine avait réagi aux menaces du gouvernement Bush de déclencher une guerre contre l’Iran en déclarant qu’un tel conflit conduirait à la Troisième guerre mondiale. Aujourd'hui, la course à la guerre contre la Syrie pose précisément le risque d’un tel conflit.

(Article original paru le 6 septembre 2013)

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