Perspectives

La fraude de la «réforme» de la NSA d'Obama

La proposition par le gouvernement Obama de modifier le programme d'espionnage des données téléphoniques de la NSA est une fraude politique. Loin de réduire les activités de la NSA, le gouvernement cherche à étendre la quantité de données auxquelles cette agence de renseignements a accès, tout en obtenant une validation par le pouvoir législatif des activités inconstitutionnelles du gouvernement américain.

Les détails du plan de la Maison-Blanche n'ont pas été publiés, mais les grandes lignes sont claires. Au lieu de fait stocker les données sur les appels téléphoniques sur les serveurs de la NSA, les informations seront détenues par les compagnies de télécommunications, qui seront obligées par la loi à les donner sur demande, dans un format standardisé et en le mettant continuellement à jour. Les compagnies de téléphonie conserveront les données pendant 18 mois, ce que la NSA et la Maison-Blanche considèrent comme suffisant dans ce but.

Les demandes de données de la part de la NSA seront approuvées par la Cour de surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Court, FISC), une institution secrète qui valide à la chaîne les demandes d'autorisation des agences d'espionnage. La NSA aura un accès aux données de toute personne à deux appels téléphoniques (ou «sauts») d'une cible, et ces «cibles» seront définies d'une manière extrêmement large.

La composante peut-être la plus importante de cette proposition a pourtant été négligée par les reportages des médias. Cette nouvelle loi demanderait aux compagnies de télécommunications de donner à la NSA un accès aux données des téléphones portables, un objectif central de l'agence de renseignements. Les responsables américains ont révélé en février que seulement 30 pour cent de toutes les données d'appels sont disponibles à la NSA en raison de l'usage très répandu des portables, qui jusqu'à présent n'ont pas fait partie des informations transférées au gouvernement.

En fin de compte, la NSA aura un accès à encore plus de données et elle collaborera encore plus étroitement avec les géants qui ont un quasi-monopole sur les réseaux téléphoniques américains.

Le fait que cette «réforme» proposée soit rédigée par et pour l'appareil militaire et les services de renseignements se voit clairement dans les personnalités qui la soutiennent. La Maison-Blanche travaille étroitement avec les dirigeants républicains et démocrates de la Commission de la Chambre des représentants sur les services de renseignements, Mike Rogers et Dutch Ruppersberger, tout deux ont dénoncé de manière hystérique Edward Snowden et les journalistes qui ont publié ses révélations pour avoir exposé la vérité au peuple américain.

Mis à part quelques différences mineures, dont le fait de savoir si la FISC doit donner son accord avant ou après que la NSA ait collecté les données des compagnies de télécommunications, les propositions d'Obama sont largement similaires à celles présentées par Rogers et Ruppersberger jeudi, un projet qui a reçu le titre orwellien de «Loi sur la fin de la collecte de masse».

L'appel à «mettre fin au programme de collecte de masse» est également soutenu par le général Keith Alexander, chef sur le départ de la NSA, le président républicain de la Chambre des représentants John Boehner et la présidente de la Commission du Sénat sur les services de renseignements, Dianne Feinstein.

La pseudo-réforme annoncée cette semaine est le résultat d'un long processus politique. Les révélations de Snowden, qui ont commencé au printemps dernier, ont révélé l'existence d'un vaste appareil d'espionnage digne d'un État policier qui fonctionne en dehors de toutes limites juridiques et constitutionnelles, créant ainsi une importante crise pour le gouvernement.

Snowden a exposé non seulement le programme sur les données téléphoniques, mais la saisie et la surveillance des courriers électroniques, des textos, des clavardages sur Internet et toute une série d'autres informations aux États-Unis et dans des pays du monde entier. Les États-Unis pratiquent maintenant un espionnage et une guerre informatiques internationaux et ont pris pour cible des dirigeants étrangers. La NSA a collaborée avec ses partenaires dans d'autres pays pour se brancher directement sur les réseaux principaux d'Internet et accéder pratiquement à toutes les activités et communications en ligne. Ils ont travaillé systématiquement pour casser les méthodes de cryptage, tout en installant des logiciels malveillants sur des ordinateurs ciblés sur toute la planète.

Les plus hauts responsables du gouvernement, dont le président et les chefs des diverses agences de renseignement, sont impliqués dans des infractions qui pourraient justifier des poursuites et des destitutions, y compris la violation systématique du Quatrième amendement qui interdit les fouilles et les saisies déraisonnables. On a aussi appris que des responsables du gouvernement, dont le directeur des renseignements nationaux, James Clapper, avaient menti sous serment.

Ces révélations ont généré une énorme opposition populaire: un fait auquel Obama a fait allusion jeudi quand il a parlé du «scepticisme» du peuple américain envers l'appareil des services de renseignements. Les révélations sur ce réseau d'espionnage totalitaire ont sévèrement sapé la légitimité de l'État.

En réaction, le gouvernement Obama et les agences de renseignements ont suivi une stratégie à plusieurs niveaux. Ils ont lancé une campagne brutale contre Snowden, qui a commis le péché impardonnable de révéler la criminalité du gouvernement. L'administration a défendu la légalité des programmes d'espionnage, menti sans vergogne sur ce que faisait le gouvernement et travaillé avec les médias pour enterrer les révélations les plus importantes.

En même temps, la Maison-Blanche a cherché à contrer les sentiments populaires en appelant à des réformes de pure forme rédigées en consultation étroite avec la NSA elle-même.

Un objectif important des «réformes» de la NSA qui sont en préparation consiste à établir un consensus bipartite au Congrès, en rapprochant la Maison-Blanche et les représentants républicains ou démocrates qui se sont posés en critiques de ces programmes d'espionnage (comme le sénateur Ron Wyden, qui a déclaré que la proposition d'Obama est «une grande nouvelle pour les droits constitutionnels du peuple américain». Ces programmes illégaux vont être codifiés dans des lois passées par le Congrès, ce qui va les consolider encore plus, tout en fournissant une couverture aux responsables de ces infractions pénales. Toute opposition populaire qui perdurera au-delà de ce moment sera traitée comme illégitime et criminelle.

Parmi ceux qui ont applaudi l'annonce d'Obama, il y a Snowden lui-même, qui a déclaré que c'était «un tournant» et «le début d'un nouvel effort pour réclamer nos droits à la NSA et restaurer la place du public à la table du gouvernement». Obama, d'après le communiqué de Snowden, a confirmé que «ces programmes de surveillance de masse […] ne sont en fait pas nécessaires et nous devrions y mettre un terme».

Dans le cas de Snowden, il ne s'agit pas de duplicité politique, mais du manque de compréhension des forces sociales et politiques qui alimentent les mesures relevant d'un État policier qu'il a courageusement révélées. Cependant, les illusions sur le caractère des propositions d'Obama sont hautement dangereuses, pour la classe ouvrière et pour Snowden lui-même. Les «réformes» du gouvernement sont entièrement compatibles avec une intensification de la vendetta contre le lanceur d'alerte de la NSA.

Tout ce processus qui a commencé avec les révélations de Snowden il y a près de 10 mois a confirmé qu'il n'existe aucune section de l'élite politique qui soit favorable à la défense des droits démocratiques. La raison en est que l'édification de cet appareil digne d'un État policier est ancrée dans la croissance immense de l'inégalité sociale et la détermination de l'aristocratie patronale et financière à mener une politique profondément impopulaire de guerres sans fin à l'étranger et de contre-révolution sociale au pays.

Un véritable tournant dans la défense des droits démocratiques ne viendra pas des actions d'Obama, cet agent en chef des services de renseignements, mais de la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière américaine et internationale contre le système capitaliste.

(Article original paru le 27 mars 2014)

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