France: Après la déroute aux élections municipales, Hollande nomme Manuel Valls premier ministre

Suite à la défaite du Parti Socialiste (PS) aux élections municipales de dimanche et à la victoire record du Front national (FN) néofasciste, le président François Hollande, a remanié son gouvernement et nommé à la place du premier ministre Jean-Marc Ayrault le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.

Les élections municipales, premier scrutin national depuis l'élection de Hollande en 2012, ont représenté un vaste rejet du bilan de la politique sociale d’austérité et de guerres impérialistes de Hollande. La nomination de Valls est une indication que le PS va intensifier son offensive contre la classe ouvrière tout en tentant de préserver une base politique restreinte sur une plateforme sécuritaire, en appliquant une bonne partie de la politique raciste et anti-immigration du FN.

En qualité de ministre de l’Intérieur, Valls a été le fer de lance de la déportation de masse des Roms et des sans papiers, déclarant qu’à son avis, les Roms devraient quitter collectivement la France en tant que groupe ethnique. C’est sur cette base qu’il a été mis en avant et présenté dans les médias.

S’exprimant hier soir à la télévision, Hollande a dit que ce message de l’électorat lui était adressé « personnellement ». Il a ajouté, « Il est temps aujourd’hui d’ouvrir une nouvelle étape. Et j’ai donc confié à Manuel Valls la mission de conduire le gouvernement de la France. » Hollande a dit que Valls mènerait une « équipe resserrée… un gouvernement de combat. »

Hollande a aussi fait l’éloge de Jean-Marc Ayrault pour avoir mis en œuvre des « réformes », c’est-à-dire des cadeaux fiscaux pour les entreprises et des coupes sociales à hauteur de dizaines de milliards d’euros et qui ont contribué à rendre la présidence de Hollande la plus impopulaire depuis la création de ce poste en 1958. Il a promis de nouvelles baisses d’impôts pour les patrons et « un programme d’économies budgétaires. »

Avec un taux d'abstention record de 37,3 pour cent, le PS a perdu le contrôle de 155 conseils municipaux de villes de plus de 9.000 habitants, dont un grand nombre votait pour les sociaux-démocrates depuis des décennies, voire même depuis plus d’un siècle. Parmi celles-ci on compte Toulouse, tout comme Tourcoing et Roubaix dans la région lilloise, Angers, Tours, Reims, Grenoble et Limoges qui avait eu des maires de « gauche » depuis 1912. Le PS a gardé la mairie de Paris et celle de Lyon mais n’a pas réussi à reprendre celles de Marseille ou de Bordeaux.

« Ce premier test pour François Hollande a été une véritable catastrophe, la victoire de 2008 [du PS lors des dernières élections municipales] a été complètement effacée, » a commenté Frédéric Dabi de l’institut Ifop.

Alors que Jean-François Copé, du parti gaulliste de droite l’Union pour un mouvement populaire (UMP), saluait une « première grande victoire » de son parti à des élections locales, la victoire électorale la plus significative revient au FN de Marine Le Pen. Après une nette victoire dès le premier tour dans l'ex-bastion PS d’Hénin-Beaumont, avec 50,3 pour cent des voix, le FN a fini par contrôler 15 des 259 villes de plus de 9.000 habitants où il s’était qualifié pour le second tour, et où il ne détenait précédemment aucune municipalité.

N'ayant avant les élections que 80 conseillers municipaux, le FN en détient actuellement plus de 1.200. Des maires FN dirigent maintenant des municipalités dont Fréjus, Villers-Cotterêts et le 7ème secteur de Marseille.

Le parti passe « une nouvelle étape », a dit Marine Le Pen. « Il faudra désormais compter avec une troisième grande force politique dans notre pays. »

La presse a acclamé le FN pour avoir mis fin à la « bipolarisation » de la politique bourgeoise en France entre les gaullistes et le PS et qui avait émergé après la grève générale de 1968.

Beaucoup s’attendent maintenant à ce que le FN remporte une victoire substantielle aux prochaines élections européennes du mois de mai, avec la possibilité d'obtenir un nombre de voix plus important que tous les autres partis.

Selon un sondage Ipsos-Steria, le FN recueillerait 22 pour cent des intentions de vote, devançant le PS à 19 pour cent, et juste 2 points derrière l’UMP. Des sondages antérieurs plaçaient toutefois le FN devant l’UMP.

La nomination par Hollande de Valls montre la faillite absolue des affirmations selon lesquelles les électeurs peuvent compter sur le PS ou d’autres partis bourgeois pour faire barrage à la montée du FN et à la dérive constante de la politique française et européenne vers l'extrême-droite. L’on peut prédire sans être téméraire que la nomination de Valls, tout comme la décision prise par le prédécesseur de droite de Hollande, Nicolas Sarkozy, de lancer des appels chauvins et sécuritaires à la base électorale du FN ne feront que renforcer le FN.

Les tendances de pseudo-gauche comme le Nouveau Parti anticapitaliste et le Front de Gauche, qui avaient appelé à voter pour Hollande en 2012 pour faire échouer la droite, portent la responsabilité politique des mesures réactionnaires que Valls et Hollande vont à présent appliquer.

On peut se faire une idée de la politique que va poursuivre Valls si l'on considère l'ensemble des idées réactionnaires qu’il avait avancées lorsqu'il avait annoncé sa candidature pour la primaire PS de l'élection présidentielle de 2012, finalement remportée par Hollande.

Valls, souvent comparé au premier ministre britannique Tony Blair, partisan d'une politique libérale, critiquait les programmes sociaux, exigeant que le PS s’oppose à ce qu’il appelait « une société de l’assistanat ». Pour mieux afficher sa politique droitière, il avait dit « Je pense aux moyens qu'il faut donner à la justice, à la lutte contre la criminalité ou encore au dossier de l'immigration. » Il avait aussi exigé l’augmentation de la durée légale du travail.

De façon significative, Valls avait proposé que le PS abandonne l’idée d’avoir un lien quelconque avec le socialisme et cesse de s’appeler « socialiste. » Il avait précisé, « Il faut transformer de fond en comble le fonctionnement du PS, nous dépasser, tout changer : le nom, parce que le mot socialisme est sans doute dépassé, il renvoie à des conceptions du 19e siècle. »

Ces commentaires confirment les analyses du World Socialist Web Site qui insiste pour dire que la classe ouvrière en France ne peut défendre ses intérêts de classe et avancer sur la voie du socialisme qu'en luttant contre les réactionnaires du PS et leurs partisans de la pseudo-gauche.

La politique droitière de Valls vise à imposer le genre de mesures d’austérité dévastatrices que l’Union européenne (UE) impose à l’Irlande, à l’Espagne et à la Grèce.

Dans la période précédant les élections, il y a eu de vastes débats au sein des cercles financiers sur leur mécontentement à l'égard de Hollande, lui reprochant d'avoir trop tardé à présenter son projet de réductions de dizaines de milliards d’euros de taxes et de dépenses, portant le nom de Pacte de responsabilité qu’il a annoncé l’hiver dernier.

Le Financial Times fait remarquer que Hollande subit à présent « de graves pressions de Bruxelles [l’UE] pour maintenir la pression sur les finances publiques après s’être déjà vu accorder un délai de carence de deux ans jusqu’en 2015 pour atteindre l’objectif fixé par l’UE de réduire le déficit budgétaire à 3 pour cent du produit intérieur brut (PIB). » Le déficit budgétaire de la France se situe encore nettement au-dessus de cette marque, à 4,3 pour cent, et le fardeau de sa dette atteint d’ores et déjà 93,5 pour cent du PIB.

(Article original paru le 1er avril 2014)

A voir aussi:

Comment expliquer les victoires électorales du Front national néofasciste en France ? [26 mars 2014]

Les dirigeants du Parti socialiste prônent des mesures d'austérité [6 avril 2010]

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