La CGT condamnée pour détournement des fonds du plus grand comité d’entreprise français

Par Pierre Mabut
9 octobre 2014

S’il y avait besoin d’une preuve supplémentaire du fait que les syndicats ne sont pas des organisations ouvrières mais bien les annexes des entreprises et de l’Etat bourgeois, le jugement du 1er octobre rendu par le Tribunal correctionnel de Paris contre le Comité central d’entreprise d’EDF/GDF l’aurait apportée. Afin de compenser l’effondrement de leur base cotisante parmi les travailleurs, la CGT et le Parti communiste français (PCF) stalinien sont financés de façon massive et illicite par la bourgeoisie.

L’affaire de corruption dans laquelle est impliqué le Comité central d’entreprises d’EDF/GDF dont la caisse centrale des activités sociales (CCAS), dirigée par la CGT, est la plus importante de France, s’est terminée par la condamnation de huit individus et quatre organisations. Ils ont été déclarés coupables de détournements de fonds, d’abus de confiance et de recel d’abus de confiance. Le jugement implique directement le journal quotidien stalinien l’Humanité.

La CCAS était illicitement utilisée par la CGT pour financer ses opérations dont la rémunération d’emplois fictifs, le financement des activités du PCF et la Fête annuelle de l’Humanité. Si les sommes totales n’ont pas été rapportées, on sait que la CCAS a un budget annuel de €400 million, et il est clair que les syndicats ont reçu des fonds illicites à hauteur de millions d’euros.

Malgré, ou plutôt, à cause de la nature corrompue de la gestion de la CCAS d’EDG/GDF, l’entreprise a cherché à protéger ses relations avec la CGT en renonçant à se porter partie civile dès l’ouverture du procès en juin dernier.

Les sentences rendues sont plutôt indulgentes. L’Humanité s’est vu infliger une amende de €75 000, de même pour IFOREP (Institut de formation de recherche et de promotion), financé par la CCAS, pour « recel d’abus de confiance » dans l’utilisation frauduleuse des fonds de cette caisse pour la captation des images de la grande scène de la Fête de l’Humanité de 1997 à 2005, au coût de €1,11 million.

La CGT et sa Fédération des mines et de l’énergie (FNME) ont reçu chacune €20,000 d’amende pour « recel d’abus de confiance ».

Celui considéré comme « le personnage central » du dossier, l’ancien président du conseil d’administration de la CCAS, Jean Lavielle, a écopé de dix-huit mois de prison avec sursis et de seulement €4,000 d’amende.

Le sénatrice PCF Brigitte Gonthier-Maurin s’est vue infliger 10 mois de prison avec sursis pour avoir occupé un emploi fictif payé par la CCAS pendant qu’elle travaillait à la Fédération du PCF des Hauts-de-Seine.

L’affaire a été mise à jour du à un conflit entre différents courants au sein de la CGT après qu’ un de ses membres, Jean-Claude Laroche, a été nommé pour diriger la CCAS en 2002. Il s’était rendu compte que la CCAS rachetait des dizaines de milliers d‘exemplaires de l’Humanité, payait des sommes faramineuses aux organisations liées au PCF, et payait les systèmes de sonorisation lors des réunions électorales pour le candidat présidentiel du PCF, Robert Hue. Une lutte s’est déclarée quand Laroche, qui n’est pas membre du PCF mais associé à l’ancien politicien du Parti socialiste, Jean-Pierre Chevènement, chercha apparemment à couper ce financement au PCF.  

L’intégration des syndicats, du PCF et plus généralement du milieu de la pseudo-gauche dans la machine de l’Etat, comme en témoigne de tels procès de corruption, reflète leur profonde hostilité envers les travailleurs. Etant privé d’une base de masse dans la classe ouvrière, ils sont devenus une force policière financée par les entreprises pour détruire le niveau de vie des travailleurs et étouffer les luttes ouvrières. Le nombre d’adhérents des syndicats est tombé de 36 percent des salariés en 1949 à 7 pourcent en 2004.

Le rapport Perruchot sur le financement des organismes professionnels, commandé par parlement en 2011, avait déjà mis en lumière la dépendance des syndicats. Les conclusions du rapport sont si sensibles que ces dernières ne seront pas rendues publiques avant 25 ans. Cependant, un fait a filtré concernant les dépenses financières annuelles des syndicats qui s’élèvent à €4 milliards et dont 90 pourcent est pourvu par les employeurs et l’Etat. Seulement 4 pourcent proviennent des cotisations des adhérents. (voir : Les syndicats francais financés par le patronat à hauteur de millions d'euros)

Le PCF, les syndicats et les employeurs mènent le même combat pour imposer l’austérité du gouvernement PS et l’Union européenne à la population laborieuse, créant un niveau de pauvreté jamais vus depuis les années 1930. Le PCF a soutenu François Hollande et le PS au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2012. Les chiffres démontrent qu’en 2012 il y avait 8,6 millions de pauvres en France, une hausse de 1,3 million depuis 2002. Entre 2009 et 2013 le nombre de personnes percevant le Revenu solidarité active a augmenté de 22,3 pourcent.

La CCAS a été fondée en 1946 par Marcel Paul, ministre PCF de l’Industrie dans le gouvernement bourgeois d’après-guerre formé par le Général de Gaulle avec le PCF. La CCAS emploie actuellement 3,700 personnes. Autrefois, le PCF dominait le mouvement ouvrier français, mais il s’est effondré après tant de participations dans les gouvernements pro austérité du PS et la dissolution de l’URSS en 1991.

Lorsque les méthodes “légales” employées par la classe capitaliste pour financer la CGT et le PCF échouent, des méthodes illégales lui sont substituées, et si celles-ci sont exposées, la punition reste indulgente.

Ceci fut révélé pendant un autre scandale de corruption quand l’ancien chef de la Fédération patronale de la Métallurgie (UIMM), Denis Gautier-Sauvagnac fut condamné en février dernier à un an de prison et une amende de €375,000 pour abus de confiance et des emplois dissimulés. Il a fait appel du jugement. Lors du procès, Gautier-Sauvagnac a avoué tardivement que les €16,5 millions manquant dans la caisse noire de l’UIMM avaient été distribués dans des enveloppes de €200,000 chaque semaine aux syndicats entre 2000 et 2007.

L’objectif, a expliqué Gautier-Sauvagnac, pince-sans-rire, était de « fluidifier les relations sociales ».

Arnaud Leenhardt, le prédécesseur de Gautier-Sauvagnac à la tête de l’UIMM a expliqué les raisons pour lesquelles la classe dirigeante finance les syndicats de la manière suivante : « Le patronat avait besoin de syndicats qui soient solides. Quand on a des grèves avec séquestration, on est bien content d’avoir un syndicat capable de canaliser ces débordements et de favoriser une reprise du travail. »

En plus des enveloppes de billets remises aux syndicats, l’UIMM a “légalement” financé les journaux syndicaux qui sont délaissés par la plupart des travailleurs et l’argent des entreprises est versé à la Fête de l’Humanité, où les entreprises se précipitent pour acheter les stands et la publicité à prix d’or. (voir : France: Le quotidien stalinien l'Humanité au bord de la faillite)

Aujourd’hui, cette fête ne pourrait pas exister sans l’apport de deux ingrédients: l’argent provenant des grandes entreprises du CAC 40 qui subventionnent l’évènement et les partis de la pseudo-gauche, dont le NPA et Lutte ouvrière qui rabattent l’assistance. Ces deux éléments soutiennent le journal stalinien qui a, conjointement avec la CGT, trahi toutes les grèves générales et réprimé toutes les luttes révolutionnaires en France depuis 1936.

(Article original paru le 7 octobre 2014)

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