Contre le fracking à Barton Moss

Au cours des derniers mois, des manifestants à Barton Moss près de Salford dans la région Nord-Ouest de l'Angleterre se sont vu opposer toute la force de l'État alors qu'ils manifestaient pacifiquement contre des forages exploratoires de gaz de schistes menés par la compagnie IGas

Barton Moss a été choisi pour être l'un des nombreux sites du Royaume-uni où une entreprise privée pourra pratiquer la fracturation hydraulique. Ces dernières années, cette nouvelle technique d'extraction de pétrole et de gaz naturel, la fracturation hydraulique à hauts volumes, couramment appelée fracking, est devenue d'usage courant dans plusieurs régions des États-Unis. 

Comme le gouvernement Obama aux États-Unis [article en anglais], le gouvernement alliant conservateurs et libéraux démocrates au Royaume-uni est un partisan enthousiaste de l'industrie du fracking, alors que rien ne prouve que cette méthode d'extraction soit sûre. 

La fracturation hydraulique implique l'usage de millions de litres d'eau mêlée à du sable et à une mixture de composés chimiques toxiques, dont des cancérigènes connus ou d'autres aux effets très sévères comme le benzène, le toluène, l'éthylbenzène et le xylène. Ce « fluide de fracturation » est injecté profondément dans le sous-sol par un puit de forage à haute pression pour ouvrir des fissures dans les schistes et libérer le gaz et le pétrole emprisonnés dans de petites poches de la roche. 

Chaque puit vertical ne peut capter les hydrocarbures que dans une faible zone autour du forage. L'énorme augmentation du potentiel productif de la fracturation hydraulique vient de ce qu'elle est combinée à des forages horizontaux dans plusieurs directions. Cette technique permet à la tête de forage de passer à l’horizontale une fois atteinte la profondeur de la couche de schistes. Le forage peut alors se poursuivre sur des distances considérables le long de la couche géologique ciblée et permet ainsi au fluide de fracturation d'être étendu à une zone nettement plus grande qu'avec un simple forage vertical. 

Une fois la roche fracturée, le mélange de liquide de forage et de gaz naturel ou de pétrole qui en résulte est ramené à la surface et les hydrocarbures en sont séparés et stockés pour expédition. 

Contrairement aux affirmations de l'industrie, selon lesquelles cette technique serait sans danger, il existe des preuves que celle-ci engendre des risques considérables pour l'environnement et la santé. Si l'essentiel du mélange entre liquide de fracturation et gaz/pétrole est bien récupéré au cours de l'extraction, tout ne l'est pas. De plus, dans certains cas, le fluide utilisé est réinjecté dans le puits pour s'en débarrasser. Ainsi, une source potentielle de contamination reste dans le sol indéfiniment après la fermeture du puits. 

Une photographie [site britannique] prise le 11 février à Barton Moss, montre un camion entrant sur le site, qui porte des insignes indiquant qu'il transporte des matières radioactives. Il s’agit de Césium-137, un source de rayons gamma dont la demi-vie est de 30 ans, elle est utilisée pour faire des mesures de la densité de la roche, et un mélange d’américium-241et de béryllium, une source de neutrons dont la demi-vie est de 432 ans, qui sert à détecter les liquides dans les pores de la roche. Ces sont les deux sources radioactives les plus utilisées en diagraphie [étude des forages], l'exposition prolongée à l'un ou l'autre est dangereuse pour la santé humaine. 

Un autre risque majeur associé au fracking est le risque sismique. Deux tremblements de terre de magnitude 1,5 et 2,2 ont touché la zone de Blackpool dans la région Nord-Ouest en 2011, après des forages utilisant cette technique. Le fracking fut alors temporairement interdit au Royaume-uni et a repris après qu'une expertise du gouvernement a décidé que cette technique était sûre si elle était convenablement supervisée. Mais il y a quelques jours à peine, des géologues américains ont démontré avec certitude l'existence d'un lien entre des tremblements de terre profonds sous les montagnes Appalaches dans l'Ohio et le fracking

IGas a commencé ses tests l'été dernier après avoir signé un accord avec Peel Holdings, les propriétaires du site de développement immobilier MediaCity et du Manchester Ship Canal tout proches, pour la recherche sur les terrains leur appartenant de sources d'énergie récupérables par fracturation hydraulique. 

Le conglomérat pétrolier Schlumberger a été missionné par IGas pour réaliser la diagraphie. Cette compagnie a terminé son forage exploratoire ce mois-ci et devrait revenir sur le site plus tard dans l'année après avoir annoncé qu'elle a détecté le gaz dans les échantillons tirés de son puits. Elle indique qu'elle à l'intention de cartographier une zone de 100 kilomètres carrés dans le Nord-Ouest pour déterminer les autres endroits où l'on peut forer pour trouver du gaz de schiste. 

Les manifestations contre le fracking à Barton Moss ont commencé en novembre dernier par un campement installé sur la route à proximité du site. Peel Holdings a rapidement demandé l'évacuation du camp. La société a demandé au tribunal de Manchester de valider une prise de possession du camp, ce que le juge Mark Pelling lui a accordé. 

Les manifestants ont soutenu que la compagnie n'était pas propriétaire du terrain où se trouvait le camp et n'avait donc aucun droit de les faire évacuer. Le même mois, les avocats des manifestants ont obtenu gain de cause en référé pour empêcher leur évacuation immédiate et ont pu obtenir la tenue d'un procès complet qui décidera s'il y a des bases juridiques pour faire appel de l'évacuation. La Cour d'appel entendra cette affaire le 16 juillet. 

Le 9 mars, plus de 1000 manifestants ont défilé dans le centre de la grande ville voisine, Manchester, contre le forage de Barton Moss. 

Tout au long de leur présence sur le camp, les manifestants ont été soumis à une présence policière massive qui a coûté plus de 700 000 livres [850 000 euros] et on a fait état de nombreux cas de brutalités policières. En janvier [article du Guardian en anglais], l'un des manifestants, Sean O'Donnell a subi de multiples blessures, dont une fracture du métatarse et peut-être aussi des côtes brisées ; il affirme avoir été jeté à terre par la police. 

En février, une jeune fille de 15 ans a été arrêtée puis détenue pendant six heures par la police sans pouvoir prévenir sa mère. Elle n'était sur place que pour faire un exposé sur le fracking pour son cour de géographie. 

Le 17 mars, une autre manifestante, Vanda Gillett, mère de cinq enfants, fut également arrétée violemment. Elle accuse la police de l'avoir frappée et de se comporter « comme une meute de loups. » 

Pour pratiquer les plus de 100 arrestations réalisées sur place, la Police du grand Manchester (GMP) a prétendu que le camp se situait sur une voie publique à forte circulation et a accusé de nombreux manifestants de la bloquer ou de refus d'obtempérer. Ces procédures anti-démocratiques ont été annulées par un juge du Tribunal de police de Manchester le 12 février, qui a déclaré que le camp se situait sur un simple chemin et non une voie de circulation à fort passage. 

L'autoritaire Loi anti-terroriste 2000 a également servi de prétexte au GMP pour effectuer un raid contre ce camp le 6 janvier. La police l'a fouillé dans le cadre de la section 43 de cette loi, en affirmant qu'elle agissait en réaction au tir d'un pistolet d'alarme depuis le camp en direction d'un hélicoptère de la police. La fouille n'a apporté aucune preuve de cela. Les pouvoirs accordés par la section 43 permettent de se passer de mandat et ne sont censés servir que lorsqu'un officier de police « soupçonne raisonnablement » qu'une personne puisse être un terroriste. 

L'usage d'une loi anti-terroriste contre des manifestants pacifiques est la confirmation que ce genre de mesures est inscrit dans la loi d'abord pour faire taire toutes les dissidences contre les politiques du gouvernement et de ses partenaires du monde des affaires. 

Le SEP (Socialist Equality Party) recommande de ne placer aucune confiance dans le parti des Verts pour contrer ce genre d'attaques. 

La semaine dernière, la député du parti Vert Caroline Lucas et quatre autres membre de ce parti ont gagné un procès contre des accusations d'obstruction de la voie publique au cours d'une manifestation anti-fracturation devant un site de la compagnie énergétique Cuadrilla dans la région Ouest du Sussex en août dernier. 

Lucas a affirmé que son parti n’arrêterait pas cette campagne tant que « notre monde [ne sera pas] sur la voie d'un futur fait d'énergies propres. » Mais tout en condamnant la fracturation, les Verts ne s'occupent pas de faire campagne contre la marche inexorable à la guerre des grandes puissances capitalistes que tout le monde peut voir à l'oeuvre dans leurs provocations contre la Russie et l'Ukraine. 

En fait, dans les pays comme l'Allemagne où les Verts ont une influence politique notable, ils battent le rappel pour le militarisme. L'ex-ministre Vert des affaires étrangères, Joschka Fischer a ouvertement demandé que l'Union européenne adopte une politique étrangère impérialiste agressive, indifférent au fait que rien ne crée un risque plus immédiat de catastrophe pour l'humanité et toute la planète qu'une troisième guerre mondiale avec des armes nucléaires. 

On ne peut concevoir le développement décidé démocratiquement d'un « futur fait d'énergies propres » séparé du développement de la lutte des classes internationales contre le capitalisme. 

Le Socialist Equality Party s'oppose à l'usage incontrôlé du fracking par des entreprises privées dont le seul but est de maximiser les profits quelles qu'en soient les conséquences.

S'il se pourrait que cette technologie se révèle une source importante d'énergie dans le futur, la question de la sécurité de son usage ne peut être résolue que par des recherches scientifiques méticuleuses, sans liens avec les considérations de profits privés, et en déterminant ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins humains et protéger l'environnement. 

Nous appelons tous ceux qui sont en accord avec cette approche à soutenir la campagne du SEP et du PSG, à voter pour nos candidats et à rejoindre la lutte pour les Etats socialistes unis d'Europe. 

Pour plus d'informations, visitez le site du SEP de Grande-Bretagne : www.socialequality.org.uk 

(Article original paru le 24 avril 2014)

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