Le sommet UE-Afrique envisage de multiplier les interventions militaires européennes en Afrique

Le quatrième sommet Union européenne-Afrique, qui a réuni plus de 30 chefs d’Etat européens et africains les 2 et 3 avril à Bruxelles, a décidé d’envoyer en République centrafricaine (RCA), d’ici fin mai, une force militaire de l’UE comptant jusqu’à un millier de soldats.

Ceci découle de la volonté des Etats influents de l’UE, notamment l’Allemagne et la France, d’intensifier l’offensive néo-coloniale qu’ils sont en train de mener en Afrique, aux côtés des Etats-Unis.

A l'ouverture du sommet à Bruxelles, la chancelière allemande Angela Merkel a prôné une nouvelle approche de l’Afrique en disant qu’il était important pour les pays européens de reconnaître « les opportunités » qui s’ouvrent sur le continent « et pas toujours uniquement les problèmes. »

Lors d’une conférence de presse conjointe avec le président français, François Hollande, elle a dit : « Ensemble, nous pouvons avancer sur la sécurité, le développement et le changement climatique » et être le « moteur du développement collectif » pour l’UE en Afrique. Elle a aussi fait allusion à la « nouvelle voie » empruntée par l’Allemagne en matière de politique étrangère africaine, cherchant « à montrer un plus grand sens des responsabilités en Afrique tout comme en politique de développement classique. » Elle a cité en exemple le soutien accordé par l’Allemagne à la France dans la sanglante guerre au Mali.

En février dernier, le ministre allemand de la coopération et du développement économique, Gerd Müller, avait déclaré : « Le continent africain est le principal terrain de coopération pour l’Allemagne et l’Union européenne. » Il a souligné que l’Allemagne était un partenaire stratégique pour le développement militaire de l’Union africaine.

Le président de la Commission européenne, José Barroso, a confirmé l’accord de l’UE d’affecter 800 millions d’euros à l’Union africaine afin de renforcer sa « prévention et gestion des conflits. »

L’élargissement de l’intervention militaire en Afrique, entreprise par l’impérialisme européen, et qui est cyniquement conditionnée pour l’opinion publique comme une entreprise de développement humanitaire, est une offensive impérialiste brutale pour s’assurer des profits et des avantages stratégiques. Washington et les puissances impérialistes européennes ont lancé une ruée vers l’Afrique, entrant en concurrence avec des pays tels que l’Inde, le Brésil et surtout la Chine.

En intitulant « commerce et investissement » le « thème de ce sommet, » Christoph Hasselbach, du service d’information de la radio allemande Deutsche Welle (DW), a dit : « L’UE est très, très consciente que la Chine est devenue extrêmement influente en Afrique. »

Les puissances européennes accroissent aussi de plus en plus leur pénétration commerciale des marchés africains. « Depuis le cycle de Doha en 2000, l’UE a déjà présenté une offre, approuvée par l’Organisation mondiale du commerce, et qui donnerait aux pays les plus pauvres du monde, dont 33 sont des pays africains, l'accès aux marchés européens sans barrières douanières, » a dit au micro de DW, Francesco Mari, un fonctionnaire allemand responsable de l’aide.

En échange, ces pays seraient contraints d’ouvrir leurs marchés aux marchandises de l’UE en vertu d’un accord que l’UE a fixé à octobre 2014. Sinon, l’UE imposera des taxes sur les marchandises provenant de ces pays. Mais seuls quatre pays africains ont ratifié cet accord, en raison d'inquiétudes quant à l’impact d’une concurrence débridée avec les marchandises de l’UE.

« Les Européens veulent évidemment vendre leur usine et leurs machines à l’Afrique ainsi que les pièces détachées. Et il n’y aurait pas de taxes, donc ils seraient mieux placés que les Américains ou les Chinois qui seraient assujettis à de tels prélèvements, » a dit Mari.

L’intensification de l’offensive européenne en Afrique fait partie d’une explosion plus large du militarisme européen qui trouve sa forme la plus concentrée dans le renforcement militaire de Washington et des puissances de l’UE contre la Russie et dans le coup d’Etat pro-UE en Ukraine, mené par les fascistes. En Afrique, les puissances impérialistes européennes reviennent dans un continent qu’ils avaient brutalement exploité en tant que suzerains coloniaux au 19ème et au début du 20ème siècle. L’héritage désastreux de l’oppression coloniale et l’intervention impérialiste continue contredisent les affirmations selon lesquelles l’offensive actuelle serait une entreprise humanitaire.

Dans son récent discours de politique générale, Manuel Valls, le nouveau premier ministre (Parti socialiste, PS), a nié de façon éhontée la duplicité criminelle bien documentée de Paris dans le génocide de 800.000 Tutsis du Rwanda en 1994, durant la présidence de François Mitterrand du Parti socialiste. Il l'a fait après que le président rwandais Kagamé a accusé la France de minimiser sa responsabilité dans ce génocide lors de la 20ème commémoration de celui-ci.

Durant ce même discours, Valls a eu des mots élogieux pour les interventions militaires en cours de la France dans ses anciennes colonies africaines appauvries, au Mali et en RCA.

L’enthousiasme de l’élite dirigeante allemande à abandonner sa politique de la retenue militaire, non seulement en Europe de l’Est mais aussi en Afrique, s'intensifie. DW a rapporté que « Merkel fait maintenant valoir que l’Allemagne est prête à prendre davantage d’engagements en Afrique, soutenant les exigences de la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, pour que l’Allemagne ‘exerce plus de responsabilités dans la gestion des conflits aux quatre coins du monde, même militairement.’ »

Ce renforcement est effectué au mépris d’une vaste opposition populaire en Europe à la guerre. Un récent sondage d’opinion réalisé pour l’agence d’information allemande DPA a constaté que la moitié des personnes interrogées étaient totalement opposées à une implication plus forte de la Bundeswehr en Afrique.

Pour le moment, et malgré la rivalité de longue date et même les conflits militaires entre l’impérialisme français et allemand en Afrique, l’élite dirigeante française semble encourager Berlin dans son escalade africaine. Elle estime apparemment pouvoir recourir aux forces militaires allemandes pour stimuler sa propre influence sur le continent.

Dans un article tout à fait représentatif, le magazine français, Le Nouvel Observateur, qui est pleinement aligné sur le PS (Parti socialiste), a fustigé l’UE pour ne pas intervenir plus fortement en Afrique.

Il a attaqué la contribution de l’UE à la guerre menée par la France en RCA, disant qu'elle n'allait pas assez loin, en la qualifiant de « maigre consolation tant les effectifs et les moyens logistiques déployés seront modestes au regard des capacités des Etats-membres. » Il s'est plaint de ce que le système de groupement tactique de l’UE comptant 1.500 soldats « n’a jamais été utilisé. »

Reconnaissant de façon détournée que le caractère impopulaire et antidémocratique de l’intervention européenne en Afrique, Le Nouvel Observateur a dit que cette réticence à intervenir plus fortement était due au « risque politique face à une opinion publique défavorable à un engagement militaire ... [et enfin] manque d’appétit pour une Europe puissance militaire. »

(Article original paru le 17 avril 2014)

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