La néo-démocrate Olivia Chow se lance dans la course à la mairie de Toronto

Olivia Chow, députée du Nouveau parti démocratique (NPD) et veuve de Jack Layton, le dirigeant défunt du NPD et de l’opposition officielle du Canada, a quitté son siège à la Chambre des communes – et sa position au sein du cabinet fantôme de l’actuel dirigeant néo-démocrate Thomas Mulcair – dans le but de se présenter contre Rob Ford dans la course à la mairie de Toronto prévue pour octobre 2014.

Dans les débuts de la longue campagne électorale de huit mois, Chow a indiqué que la pièce-maîtresse de sa stratégie électorale sera de battre Ford, le maire de droite multimillionnaire au centre de plusieurs scandales, sur le terrain de l’austérité fiscale et des impôts. Adoptant les platitudes de l’actuel maire, Chow a promis de travailler pour le «monde ordinaire» en «vivant selon nos moyens» et en «contrôlant fermement les dépenses publiques». Elle a promis d’aider les entrepreneurs en réduisant leurs impôts et s'est vantée de ses bonnes relations avec le maire de droite Mel Lastman lorsqu’elle était conseillère municipale de Toronto, tout en se présentant à la grande entreprise comme une fervente opposante aux politiques de type «taxer pour dépenser».

Ford a défendu la même supercherie au cours des trois dernières années et demie, ce qui a entraîné une détérioration continue des infrastructures municipales, des transports publics complètement surpeuplés, des embouteillages routiers, des réductions dans les services sociaux et des attaques incessantes sur les emplois, les salaires et les acquis des travailleurs municipaux.

Aujourd’hui, près du quart des quelque trois millions de Torontois vivent sous le seuil officiel de pauvreté. Bien que Ford prétende que la ville soit en «plein essor», le chômage a atteint 10,1 pour cent cet hiver et a seulement légèrement diminué avec le début de la saison de la construction.

Au même moment, Toronto – le centre financier du Canada qui abrite nombreuses maisons mères des plus importantes entreprises du pays – est la ville canadienne ayant le plus haut taux d’inégalité des revenus. Seule Calgary, la ville du «pétrodollar», abrite une plus forte concentration de «un pourcent» – c’est-à-dire de super-riches ayant les plus hauts revenus.

Chow a appelé au démantèlement du «cirque» qui a caractérisé les politiques de Toronto sous l’actuel maire en disgrâce. Pour sa part, Ford se vante de manière grotesque d’être le meilleur maire que la ville ait jamais eu, et espère utiliser les mois à venir pour faire oublier le spectacle sordide de sa consommation de drogue et d’alcool, ses associations criminelles, ses mensonges routiniers et ses bouffonneries, qui ont mené le conseil municipal l’an dernier à lui retirer la plupart de son autorité exécutive.

Comme Chow, les autres candidats à la mairie promettent d’imposer un programme d’austérité, mais sans le drame et la controverse qui ont entouré Ford. John Tory, un ancien PDG de l’empire Rogers Telecommunications et candidat conservateur défait, puis la conseillère de droite Karen Stintz, incapables de se différencier de Chow par rapport à la «prudence fiscale», se sont joints à Ford pour promouvoir la construction d’une ligne de métro de banlieue à Scarborough et une ligne d’urgence au cœur de la ville. Chow opte ouvertement pour un plan de train léger pour Scarborough et accuse ses opposants de ne pas avoir évalué le coût de la ligne d’urgence.

Les premiers sondages ont indiqué que Chow pourrait battre tous les candidats par une pluralité des voix. Une enquête publiée peu de temps après qu’elle ait annoncé sa candidature lui donnait 36 pour cent des votes. Ford arrivait deuxième avec 28 pour cent, ensuite Tory avec 22 pour cent, puis Stintz avec 5 pour cent.

Le NPD a attaché une grande importance à la candidature de Chow. Nathan Rotman, le directeur national du parti, a quitté son poste afin d’occuper une fonction élevée au sein de l’équipe de campagne «non-partisane» de Chow. Dans le but d’attirer une section du Parti libéral dans son camp, Warren Kinsella, une organisatrice de longue-date au sein des campagnes électorales de l’ancien premier ministre libéral Jean Chrétien, a été nommée à la tête de la «cellule de crise» de Chow. L’ancien ministre libéral et ancien candidat à la mairie, George Smitherman, a aussi appuyé Chow. En fait, la plateforme de Chow est tellement à droite que nul autre que John Lassinger, qui a mené des campagnes pour les conservateurs au niveau provincial et fédéral pendant des décennies, est devenu son directeur de campagne. Seulement quelques jours après l’annonce de sa candidature à la mairie, Chow avait amassé près de 400.000 dollars de la part des partisans néo-démocrates et libéraux, soit un tiers du montant total alloué pour une campagne électorale municipale.

Alors que Chow se vante d’être une alternative «responsable» et «progressiste» à Ford, ce sont les politiques de l’ancien maire néo-démocrate David Miller qui ont ouvert la voie à l’élection de Ford en 2010. Miller a supervisé une importante injection de richesses dans les poches de l’élite financière de la ville par une généreuse série de crédits d’impôts fonciers, de subventions et de sous-évaluations de terrains d'affaires, tout en haussant les impôts et les frais d'utilisation pour les travailleurs. En 2009, il a imposé un contrat de concessions à 30.000 travailleurs municipaux en grève. Aucun des conseillers municipaux soi-disant progressistes ne s’y est opposé pour défendre les travailleurs, que la presse a vilipendés en les qualifiant d’«égoïstes» pour vouloir préserver leurs modestes salaires et conditions. Quelques mois seulement avant les élections, Miller et son conseil «de gauche» ont attiré la colère de larges couches de la population lorsqu’ils ont voté à l’unanimité pour saluer la police pour son assaut brutal de quatre jours sur les milliers de manifestants et d'observateurs lors du sommet du G-20 dans cette ville.

Faisant campagne lors des élections de 2010, Ford a exploité la vaste colère populaire contre le déclin des conditions de vie en promettant de diminuer les impôts, tout en mentant de manière éhontée en soutenant que des coupures n’affecteraient que les services superflus. Il a été élu par seulement un quart de tous les électeurs éligibles.

Lorsqu’une opposition considérable a émergé contre le programme de droite de Ford à l’automne 2011, les syndicats et le NPD l’ont étouffée et limitée à de vaines manifestations pour ensuite imposer aux employés municipaux un contrat de concessions sans précédent. Malgré toutes leurs critiques de Ford, les syndicats et le NPD acceptent que les travailleurs paient pour la crise du capitalisme par des coupes dans les salaires et les services publics. Avec le soutien des syndicats, le NPD a appuyé un gouvernement minoritaire libéral en Ontario qui a imposé des coupes sociales encore plus importantes que celles du gouvernement conservateur ontarien de Mike Harris à la fin des années 1990.

La perspective néolibérale pro-entreprise adoptée par Chow fait partie d’un tournant à droite opéré depuis des décennies par la social-démocratie au Canada. Elle a soutenu son défunt mari, Jack Layton, dans sa transformation du NPD de parti parlementaire impuissant en un parti de gouvernement «progressiste», consciemment modelé selon le parti démocrate d’Obama – un parti qui, s’il est appelé à assumer des responsabilités gouvernementales à Ottawa, n’hésiterait pas à imposer tout le poids de la crise capitaliste à la classe ouvrière canadienne.

Étant devenu chef du NPD en 2003, Layton a cherché avec impatience à faire alliance avec le Parti libéral, le parti favori de l’élite dirigeante canadienne au cours du vingtième siècle. En 2005, le NPD a soutenu un gouvernement libéral minoritaire dirigé par Paul Martin qui, comme ministre des Finances dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien au milieu des années 1990, a imposé les plus importantes coupes sociales de l’histoire du Canada pour ensuite offrir des réductions d’impôts de 100 milliards de dollars à la grande entreprise et aux riches.

Trois ans et demi plus tard, en décembre 2008, Layton a signé une entente formelle pour entrer dans un gouvernement de coalition dirigé par les libéraux, acceptant d’abandonner les appels bidons des néo-démocrates à un retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan et de mettre en œuvre le plan libéral-conservateur visant à réduire les impôts sur les entreprises de plus de 50 milliards de dollars en cinq ans. Comme premier vote important en tant qu’Opposition officielle, le NPD a voté pour prolonger la participation du Canada dans la guerre contre la Libye lancée par les anciennes puissances coloniales française et britannique avec le soutien de Washington. Sanctionnant le mensonge voulant que la guerre en Libye visait à protéger les civils, le NPD s'est montré une fois de plus comme un complice politique dans une guerre d’agression impérialiste. Plus récemment, l’actuel chef du parti, Thomas Mulcair a fortement soutenu le premier ministre Harper dans son appui au coup fomenté par les États-Unis et mené par des forces fascistes en Ukraine, puis a déclaré que le NPD était ouvert à une coalition post-électorale avec les libéraux.

Le NPD n’a jamais été un parti voué à la défense des intérêts indépendants de la classe ouvrière. Il a plutôt servi d’instrument politique aux sections privilégiées des classes moyennes, par-dessus-tout la bureaucratie syndicale, et a servi à renforcer la domination capitaliste en étouffant tout mouvement de la classe ouvrière. Comme les partis sociaux-démocrates à travers le monde, le NPD a effectué un tournant marqué vers la droite au cours du dernier quart de siècle, reniant même son programme traditionnel de timides réformes et a carrément imposé l’austérité lorsqu’il était au pouvoir dans de nombreuses capitales provinciales. Avec les déclarations électorales de Chow, les travailleurs de Toronto peuvent prévoir la poursuite de cette orientation de droite.

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