La visite du président chinois Xi Jinping en France

Dans le cadre d’une tournée européenne qui le conduira aussi en Allemagne et en Belgique, le président chinois Xi Jinping a effectué du 25 au 28 mars sa première visite d’Etat en France.

Le 26 mars, lors d’une cérémonie solennelle avec le président François Hollande, au palais présidentiel de l’Elysée, Xi a signé 50 accords commerciaux et des contrats totalisant 18 milliards d’euros (25 milliards de dollars.)

Dans un communiqué commun, Xi et Hollande ont affirmé que les relations entre la Chine et la France inauguraient une ère nouvelle consistant en un étroit partenariat stratégique global et durable. Xi a dit que les accords déterminaient la ligne générale, fixaient de nouveaux objectifs et ouvraient de bonnes perspectives pour le développement futur de relations bilatérales.

Durant sa rencontre avec Xi, Hollande a dit, « Sur le plan bilatéral, nous avons d’excellentes relations, même si nous avons un devoir pour ce qui nous concerne, c’est de rééquilibrer le commerce extérieur entre nos deux pays. »

Malgré les contrats massifs et le portrait idyllique dépeint par Xi et Hollande, les liens entre la Chine et le France sont dominés par des tensions géostratégiques croissantes et la crise de l’impérialisme mondial, dont l’un des objectifs majeurs est la Chine elle-même. Le communiqué conjoint a fait allusion à ces tensions en remarquant : « Nous voulons que le 21ème siècle ne soit pas celui des annexions et des séparatismes. Chacun ici doit le comprendre. »

La signature d’une telle déclaration par le gouvernement Hollande (Parti socialiste, PS) est un acte d’hypocrisie politique. Le PS soutient l’offensive menée en Ukraine par les Etats-Unis et l’Allemagne et qui a consisté en un coup d’Etat en Ukraine dirigé par les fascistes afin de mettre en place à Kiev un régime pro-occidental et hostile à la Russie. Paris a, à maintes reprises, cherché à encourager les tendances séparatistes droitières en Chine même, y compris en organisant en 2008 des réunions publiques avec le Dalaï lama tibétain.

Depuis 2011, la France intensifie son intervention militaire en Afrique, au moyen de guerres en Libye, au Mali, en Côte d’Ivoire et en République centrafricaine, visant à miner l’influence chinoise et à coloniser de nouveau l’ancien empire colonial de la France.

Dans le cadre d’une concession chinoise faite aux intérêts français et américains, la déclaration conjointe inclut une extraordinaire attaque contre la Corée du Nord et l’Iran, deux pays qui dépendent de l’aide chinoise pour se défendre contre des menaces provenant des puissances impérialistes occidentales. Il y est dit, « La France et la Chine sont deux puissances nucléaires. Mais elles sont conscientes de leur responsabilité. Elles ne veulent pas que des pays qui pourraient mettre en danger la paix du monde accèdent à l’arme nucléaire. C’est vrai pour la Corée du Nord, c’est vrai pour l’Iran. »

Au cours de la visite de Xi, la France et la Chine ont célébré le 50ème anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. En 1964, sous le président Charles de Gaulle, la France était devenue la première grande puissance occidentales à établir, quinze ans après la révolution chinoise de 1949, des liens diplomatiques avec la République populaire de Chine dirigée par Mao Zedong. La manœuvre de de Gaulle était liée à sa décision de retirer la France du commandement intégré de l’OTAN, deux ans plus tard.

Cet anniversaire souligne le caractère réactionnaire des transformations sociales de ces cinquante dernières années. La restauration du capitalisme en Chine, qui avait abouti en 1989 au massacre de la place Tian’anmen, a fait de la Chine une source de main d’œuvre bon marché pour le capital occidental, et l’impérialisme français a rejoint Washington dans l’intensification des guerres néocoloniales de par le monde, dont l’agressif « pivot vers l’Asie » des Etats-Unis en vue d’isoler la Chine. (Voir : « Hollande’s state visit to Washington: France embraces global neo-colonialist war »)

Hollande a continué la politique de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui avait réintégré le commandement militaire de l’OTAN en 2009 en alignant Paris sur la politique étrangère américaine. L’année dernière, le livre blanc français de la défense avait identifié la Chine comme un adversaire militaire potentiel de la France et l’Océan indien comme l'arène majeure d’une intervention française. Ce document encourageait la France à développer sa capacité d’intervention en Mer de Chine du Sud.

La visite d’Etat de Xi survient dans le contexte d’efforts continus de la part de Paris pour conclure un accord de 20 milliards de dollars pour la vente de 126 avions de combat Rafale à l’Inde, pays que l’impérialisme américain cherche à développer comme contrepoids militaire à la Chine.

Ces tensions géostratégiques soulignent la fragilité des accords commerciaux signés par Beijing et Paris. Paris tente de stabiliser son économie plombée en employant la main-d’œuvre chinoise surexploitée et en développant de nouveaux marchés parmi les minces couches de la riche élite chinoise.

Le constructeur automobile français en difficulté, PSA Peugeot-Citroën a officialisé l’accord conclu le mois dernier avec le groupe chinois Dongfeng qui va prendre 14 pour cent du capital de PSA, sa contribution à la recapitalisation de la firme française. Cette coentreprise permet à PSA d’entrer sur le marché de l’Asie du Sud-Est et d’accroître ses revenus tirés des licenciements de masse et des fermetures d’usines en France. L’accord entre PSA et Dongfeng a eu lieu après la fermeture par PSA de son usine d’Aulnay, près de Paris, et la suppression de 8.000 emplois dans toute la France.

La Chine a aussi signé un nouvel accord sur 10 ans permettant à l’avionneur Airbus de prolonger jusqu’en 2015 l’assemblage d’avions A320 à Tianjin. Elle a décidé d’acheter 70 nouveaux avions dont 27 Airbus A330 pour 7 milliards d’euros, de coproduire avec Airbus des hélicoptères français, EC-175 et de réaliser en coopération avec le groupe français Safran des turbopropulseurs.

La France cherche à rééquilibrer son déficit commercial avec la Chine qui s’était chiffré l’année dernière à 26 milliards d’euros. Les échanges commerciaux de la France avec la Chine sont à la traîne loin derrière ceux de l’Allemagne, avec 1,2 pour cent d'importations chinoises contre 4,8 pour cent pour l’Allemagne.

Lors de l’ouverture d’un colloque sur les relations franco-chinoises, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait dit que la France s’efforçait de combler son retard dans l’exploitation des travailleurs chinois : « La France n’avait pas pris pleinement le tournant de la première industrialisation chinoise. C’est une des causes du déséquilibre dont je parlais à l’instant. » Fabius a réclamé l’augmentation du poids économique de la France en Chine : « La France veut être au rendez-vous de ce nouvel âge de l’économie et de la société chinoise. »

(Article original paru le 2 avril 2014)

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