Risque de guerre civile en Ukraine

Le régime proaméricain menace de réprimer dans le sang les manifestants de l’est du pays

L'Ukraine est au bord de la guerre civile, le régime pro-occidental non élu qui a pris le pouvoir ce février à Kiev menace de lancer une répression sanglante contre les manifestants qui occupent les bureaux de l’exécutif local dans des villes des parties traditionnellement pro-russes de l'Ukraine orientale.

Les manifestants demandent un référendum pour faire de l'Ukraine une fédération et limiter l'autorité du nouveau régime d'extrême droite à Kiev. Certains manifestants ont également appelé leur région à voter pour une annexion à la Russie, comme l'a fait l'ex-région ukrainienne de Crimée le mois dernier ou l’ont déclaré des «républiques populaires» indépendantes à Donetsk et Kharkiv.

Andrei Senchenko, le directeur adjoint de l'administration présidentielle à Kiev, a déclaré que les forces de sécurité de son régime pourraient « tirer pour tuer » si les manifestants n'abandonnaient pas les bâtiments à Donetsk, Luhansk et Kharkiv avant le 11 avril.

Les menaces de Senchenko font écho à celles d'Irina Farion, une députée du parti la Patrie du premier ministre Arseniy Yatsenyuk soutenu par les États-Unis. Elle a exigé la mort des manifestants en disant: «La réaction d’aujourd’hui est inacceptable. Les mesures devraient être bien plus fortes. Nos gens ont payé de leur vie. C'est pourquoi ces créatures qui arrivent ici ne méritent que la mort.»

Le ministre de l'Intérieur Arsen Avakov a déclaré qu'une «force de police spéciale» était arrivée de l'Ukraine occidentale à Donetsk, Luhansk et Kharkiv, après que des unités de la police locale ont refusé de réprimer les manifestants. Il faisait apparemment référence au déploiement en Ukraine orientale d'unités de la nouvelle Garde nationale du régime de Kiev et de la milice fasciste Secteur droit, qui menait le putsch de février à Kiev qui a fait tomber le président pro-russe Viktor Ianoukovitch.

Les appels agressifs et hystériques de Kiev à une répression sanglante contre les forces pro-russes dans des régions de l'Ukraine qui ont des populations russes importantes menacent non seulement de plonger l'Ukraine dans la guerre civile, mais d'entraîner un affrontement direct entre l'Ukraine et la Russie. Le mois dernier, décrivant justement un scénario de répression en Ukraine orientale, le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu'il se réservait le droit d'intervenir militairement pour défendre les Russes de la région.

«Si nous voyons de tels crimes incontrôlés se répandre dans les régions de l'est du pays, et si les gens nous appellent à l'aide, et en se rappelant que nous avons déjà la demande officielle du président légitime [Ianoukovitch], nous nous réservons le droit d'user de tous les moyens disponibles pour protéger ces gens. Nous croyons que ce serait absolument légitime», a-t-il dit.

Dans ces conditions explosives, les puissances de l'OTAN soutiennent Kiev et indiquent qu’elles mènent leur propre escalade militaire, créant directement le risque de guerre avec la Russie, une puissance nucléaire.

Jeudi, des photos des médias russes et des vidéos publiées sur YouTube montraient des colonnes de pièces d’artillerie et de camions militaires ukrainiens sur les routes de l'Ukraine orientale.

Les habitants des villes avoisinantes qui ont tenté de bloquer ces convois dans les rues ont été attaqués. Une femme a déclaré à Russia Today: «Vers 14h, nous avons appris que du matériel militaire était arrivé à la gare locale. Nous y sommes allés et avons vu des transports de troupes blindés, des véhicules militaires et des soldats. Toute la ville s'est rassemblée à proximité.» Quand les habitants ont bloqué ces véhicules, «Les soldats ont tordu les bras de retraités; il y avait deux hommes qui se tenaient devant et [des soldats] leur ont roulé sur les pieds. Des mineurs du coin m'ont retenue quand j'ai tenté de bloquer les véhicules.»

Le régime de Kiev se prépare à une confrontation armée avec les groupes de manifestants et des milices qui ont émergé dans toute l'Ukraine orientale. Les manifestants à Donetsk, dont des milliers de retraités, de travailleurs, et de déserteurs de l'armée et de la police ukrainienne, ont renforcé les barricades autour des bâtiments publics occupés et ont préparé des armes, dont des cocktails Molotov.

«À l'aéroport de Donetsk, près de cent personnes de la Garde nationale ont été mises aux arrêts. Près d'une centaine de brutes de Secteur droit sont également en ville, ainsi qu'une centaine d'employés d'une compagnie américaine de mercenaires embauchée par la junte de Kiev. Au total, il y a près de 300 professionnels ou fanatiques bien entraînés et motivés. C'est une force importante, mais nous sommes prêts à nous battre», a déclaré Sergey Tsyplakov de la milice populaire du Donbas à RIA-Novosti.

À Lugansk, où les manifestants ont pris d'assaut les quartiers généraux des services de renseignements (SBU) dans la ville et se sont emparés de l'arsenal, un groupe qui se fait appeler le Commandement du Sud-Est a publié un communiqué dans lequel il jure de se défendre militairement contre les forces de sécurité de Kiev.

«Nous représentons des vétérans de la guerre [soviétique] d'Afghanistan, d'ex-gardes-frontières et d'autres professions pacifiques, et nous n'avons qu'une demande légitime: nous voulons un référendum, a-t-il déclaré. Si vous agissez contre nous, bienvenue en enfer. Nous opposerons une solide défense.»

Les présentations des responsables américains et européens qui minimisent les manifestations en Ukraine orientale, les qualifiant de petites conspirations impopulaires orchestrées par la Russie, sont complètement contredites par les reportages sur le terrain, qui suggèrent qu'elles jouissent d'un soutien plus large dans la population, mais pas du Kremlin.

Les responsables ukrainiens traditionnellement alignés sur le Kremlin dénoncent ces manifestations et tentent d'y mettre fin. Cette semaine, Nikolai Levchenko – un élu de Donetsk du Parti des régions, l'ex-parti au pouvoir de Ianoukovitch – a demandé que les manifestants abandonnent les bâtiments occupés et rentrent chez eux. Ceux qui ont occupé ces bâtiments, en particulier ceux qui ont des armes, créent un danger pour tout le monde dans le Donbas», a-t-il dit, faisant référence au bassin minier autour de Donetsk et Lugansk.

Le quotidien allemand Sueddeutshe Zeitung a commenté jeudi sur le gouffre social qui sépare les manifestations en Ukraine des manifestations des classes moyennes soutenues par l'Occident sur la place de l'Indépendance (Maïdan) à Kiev qui ont entraîné le putsch fasciste en février.

Il a écrit: «À Kiev, sur la place Maïdan, il y avait des jeunes, des étudiants, des hommes d'affaires pro-européens, des entrepreneurs, les classes moyennes. Mais ici dans l'Est, ce n'est pas un soulèvement pro-russe, mais une révolte sociale, d'après le journaliste Dennis Kasansky de Donetsk. Il semble avoir raison.» Cet article disait que les manifestants à l’est étaient « les plus démunis, ceux qu'on appelle les perdants de la modernisation dans les études actuelles».

La responsabilité de l’accroissement du risque d'un bain de sang repose clairement sur la politique agressive du gouvernement Obama et de ses alliés européens. Ils ont incité et soutenu un putsch des forces fascistes anti-russes, telles Secteur droit, en installant un régime pro-occidental et anti-russe à Kiev. Maintenant, les puissances de l'OTAN soutiennent les menaces hystériques de répression et appellent à une escalade de l'intervention occidentale en Europe.

Le plus haut commandant de l'OTAN en Europe, le général de l'armée de l'air américaine Philip Breedlove, a déclaré qu'il préparait des plans pour un renforcement militaire visant à encercler la Russie par les troupes de l'OTAN. «Essentiellement, nous envisageons un ensemble de mesures terrestres, aériennes et maritimes qui renforceraient la confiance de nos alliés les plus à l'Est», a déclaré Breedlove dans un entretien avec l'Associated Press (AP). «On me confie la tâche de livrer tout cela pour la semaine prochaine. J'ai pleinement l'intention d’y arriver plus tôt.»

Lorsqu’on lui a demandé si des soldats américains allaient être postés sur la «ligne de front» des États qui bordent la Russie, il a dit oui : «Je n'écarterais pas les forces qui pourraient être déployées par les autres nations.»

Breedlove justifie un renforcement de l'OTAN sur la base d’affirmations selon lesquelles la Russie effectuerait son propre renforcement militaire massif et se préparerait à envahir l'Ukraine, mais l'OTAN n'a fourni aucune preuve. Jeudi cependant, une poignée d'images montrant des avions de combat et des hélicoptères russes sur une piste, une unité d'artillerie russe et une unité des forces spéciales russes ont été publiées.

Les affirmations de Breedlove disant que cela prouve l'existence de 40.000 soldats russes se massant à la frontière ukrainienne ont été contredites par Anthony Cordesman, l'analyste militaire du Center for Strategic and International Studies, un laboratoire d'idées installé à Washington DC. L'AP l'a cité disant «il n'est pas clair d'après ces images à quel point les forces russes se sont renforcées dans la région frontalière».

«Elles montrent qu'il y a un mélange de forces légères et du matériel lourd et qu'il pourrait y avoir un déploiement rapide […] mais c'est tout ce qu'elles montrent», a dit Cordesman.

Des journalistes de CNN voyageant le long de la frontière russo-ukrainienne au début de la semaine ont rapporté qu'ils n'avaient vu aucun signe de l'armée russe.

(Article original paru le 11 avril 2014)

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