La Chine défie la guerre économique des États-Unis contre la Russie

Défiant directement les pouvoirs de l'OTAN et leur politique qui consiste à couper l'accès de la Russie au crédit afin de faire diminuer la valeur du rouble et ruiner l'économie russe, la Chine s'engage à procurer de l'aide financière à Moscou.

Le 20 décembre, le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi a insisté sur la nécessité d'aide mutuelle entre la Chine et la Russie lors de remarques par rapport à la crise du rouble, dont la valeur a chuté radicalement de 45 pour cent contre le dollar cette année. «La Russie a la capacité et la sagesse de surmonter les difficultés présentes dans la situation économique», a dit Wang. «Si la Russie en a besoin, nous allons fournir l'assistance nécessaire autant que nos moyens le permettent.»

Lors de remarques faites le lendemain sur Phoenix TV, chaîne de télévision de Hong Kong, le ministre du Commerce chinois Gao Hucheng a dit que Beijing renforcerait ses liens avec Moscou dans les secteurs manufacturiers et de l'énergie, prédisant que l'échange commercial entre la Chine et la Russie atteindrait la cible de 100 milliards de dollars cette année malgré la crise du rouble. Alors que la valeur du rouble en dollars ou en euros varie énormément, Gao a proposé un éloignement du dollar en finançant l'échange sino-russe avec la monnaie chinoise, le yuan ou renminbi.

Gao a dit que la Chine se concentrerait sur «des facteurs fondamentaux, par exemple la façon dont les deux économies se complémentent», d'après Reuters. «Il se peut que les investisseurs de capitaux soient plus intéressés par les marchés d'actions ou des changes volatiles. Mais en termes de coopération concrète entre les deux nations, nous aurons une mentalité équilibrée et encouragerons ces coopérations», a dit Gao.

Lundi, le China Daily a cité Li Jianmin de l'Académie chinoise des sciences sociales disant que l'aide pour la Russie pourrait passer par des canaux comme la Shanghai Cooperation Organization (SCO) ou le forum BRICS. Un fait significatif est que le SCO (une alliance entre la Chine, la Russie, et des États d'Asie centrale) et les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) excluent tous deux les États-Unis et l'Europe.

Li a noté que lors d'une rencontre au Kazakhstan le mois dernier, les premiers ministres chinois et russe, Li Keqiang et Dmitry Medvedev, avaient déjà signé des accords importants concernant les réseaux de chemin de fer, l'infrastructure et le développement dans les régions orientales de la Russie au nord de la Chine. «Des prêts, la coopération pour des projets majeurs, et la participation à l'investissement en infrastructure domestique en Russie sont des options qui sont envisagées», a-t-il ajouté. Lors de l'une de ces ententes le mois dernier, la Chine a signé un accord de 400 milliards de dollars d'une durée de 30 ans pour acheter du gaz russe.

Ces offres d'assistance vont à l'encontre de la guerre économique lancée par l'impérialisme européen et américain afin de punir Moscou pour son opposition à la restructuration néocoloniale de l'Eurasie.

En guise de représailles pour l'appui russe au président Bashar al-Assad contre les guerres par procuration de l'OTAN en Syrie et l'opposition russe au régime ukrainien appuyé par l'OTAN, les puissances de l'OTAN cherchent à étrangler la Russie financièrement. Tandis que les revenus pétroliers de la Russie chutaient avec la baisse du prix du pétrole mondial et que le rouble s'effondrait, elles ont coupé l'accès au crédit à la Russie et exigé qu'elle se plie au régime de Kiev.

Le mécanisme financier à la base de cette stratégie a été élaboré dans le Financial Times de Londres par Anders Aslund du Petersen Institute for International Economics. «La Russie n'a reçu aucun financement international important – pas même des banques d'État chinoises – parce que tout le monde a peur des contrôles financiers américains», a-t-il écrit. Avec des sorties de capitaux de 125 milliards de dollars, des réserves en devises étrangères liquides de seulement 200 milliards de dollars et un total de dettes étrangères de 600 milliards de dollars, la Russie épuiserait sa réserve de dollars et ferait faillite en aussi peu que deux ans, d'après les calculs d'Aslund.

Mais maintenant, Beijing semble accepter le risque d'une confrontation avec les États-Unis et se prépare publiquement a lancer une bouée de sauvetage financière à la Russie. Les réserves en devise chinoise au montant de 3,89 billions de dollars sont les plus importantes au monde, et, du moins sur papier, permettent à Beijing de payer sans problème les dettes de la Russie.

Il est significatif que les appels de Wang et Gao pour venir en aide à la Russie aient été lancés une journée après un sommet de l'Union européenne (UE) parcouru de divisions au sujet de la Russie tenu plus tôt ce mois-ci. Mais bien que l'UE ait appuyé les sanctions des États-Unis contre la Russie, le ministre des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier, le président français François Hollande et le premier ministre italien Matteo Renzi se sont tous opposés publiquement aux propositions de sanctions additionnelles. Des journaux importants européens ont également mis en garde contre le risque d'effondrement de l'État russe.

Alors qu'il évalue sa réponse à la crise du rouble, le régime chinois, qui fait face à un ralentissement économique et à la montée de protestations sociales au sein de la classe ouvrière et des masses paysannes, craint sans doute les conséquences d'une implosion politique et économique de son voisin au nord.

Les conflits économiques qui surgissent entre les grandes puissances autour de la crise du pétrole et la campagne de guerre impérialiste en Eurasie témoignent de l'état avancé de la crise du capitalisme mondial et du risque de guerre mondiale.

L'aide chinoise à la Russie, si elle devait se matérialiser, exacerberait le conflit entre la Chine et les États-Unis. Washington tente de l'encercler militairement à travers son «pivot vers l'Asie», s'alliant avec le Japon, l'Australie et l'Inde. Les plans de guerre contre la Chine, autant militaires qu'économiques, sont sûrement présentement étudiés sur Wall Street et au Pentagone.

Il y a un an, un article intitulé «La Chine ne doit pas reproduire les erreurs du Kaiser», le chroniquer du Financial Times Martin Wolf a averti la Chine contre toute action qui pourrait être interprétée comme une remise en question de l'hégémonie mondiale des États-Unis. Il a indiqué qu'une politique chinoise qui reproduirait le défi que le Kaiser allemand avait posé à l'hégémonie britannique avant l'éclatement de la première guerre mondiale en 1914 entraînerait un résultat similaire: un conflit total.

«Si un conflit ouvert se déclenchait, les États-Unis isoleraient la Chine du commerce mondial. Ils séquestreraient une bonne partie des actifs en devises étrangères liquides de la Chine», écrit Wolf, rappelant que les réserves en devise étrangère de la Chine, équivalant à 40 pour cent de son PIB, sont par définition détenues à l'étranger.» Un tel vol flagrant de billions de dollars que la Chine a acquis à travers le commerce avec les États-Unis et l'Europe soulèverait directement la possibilité d'un effondrement du commerce mondial et la préparation à la guerre entre puissances nucléaires.

Avec ses politiques de plus en plus téméraires et violentes, l'impérialisme américain surestime ses chances, se discréditant à l'intérieur du pays et alimentant l'opposition d'États rivaux. Surtout en poussant la Russie et la Chine à s'allier, Washington défait ce qui avait pendant longtemps été perçu comme une grande réalisation de la diplomatie impérialiste: le rapprochement de 1972 entre le président des États-Unis Richard Nixon et le dirigeant chinois Mao Zedong, qui avait transformé la Chine en allié des États-Unis contre l'ex-URSS.

«Beaucoup de Chinois perçoivent la Russie comme un grand frère, et les deux pays sont stratégiquement importants l'un pour l'autre», a dit le doyen associé de l'université de Renmin Jin Canrong, faisant référence au soutien soviétique à la Chine quand elle combattait les États-Unis dans la guerre de Corée, peu après l'arrivée au pouvoir du Parti communiste chinois (PCC) en 1949. «Au nom des intérêts nationaux, la Chine devrait approfondir sa coopération avec la Russie quand une telle coopération est nécessaire.»

«La Russie est un partenaire irremplaçable sur la scène internationale», a écrit le Global Times associé au PCC dans un éditorial de la semaine dernière. «La Chine doit adopter une attitude proactive pour aider la Russie à sortir de la crise actuelle.»

 

(Article paru d'abord en anglais le 23 décembre 2014)

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