Le Front national néo-fasciste défend l’utilisation de la torture par la CIA

La défense par Marine Le Pen, la présidente du Front National néo-fasciste et candidate à l’élection présidentielle de 2017, de l’usage de la torture par la CIA, témoigne de la banqueroute et de la criminalité de l’establishment politique européen.

En réponse aux questions posées lors d’une interview sur BFM-TV au sujet du rapport sur la torture du Sénat américain, elle a dit que les Etats-Unis devrait arrêter de « donner des leçons de morale au monde entier », mais a défendu la CIA disant, « moi, je ne condamne pas (…) sur ces sujets-là, il est assez facile de venir sur un plateau de télévision pour dire : Ouh la la ! C’est mal. »

A la question de savoir si on pouvait utiliser la torture, elle a répondu: « Oui, oui, bien sûr, cela a été utilisé dans l'Histoire. Je crois que les gens qui s'occupent de terroristes et accessoirement de leur tirer des informations qui permettent de sauver des vies civiles sont des gens qui sont responsables ». 

Elle a continué en acceptant les justifications pour la torture données par les défenseurs de « la guerre contre la terreur » aux Etats-Unis: « Il peut y avoir des cas, permettez-moi de vous dire, quand une bombe -tictac tictac tictac - doit exploser dans une heure ou deux et accessoirement peut faire 200 ou 300 victimes civiles, où il est utile de faire parler la personne » et d'avoir recours à la torture, a jugé Mme Le Pen, « Avec les moyens qu'on peut... » 

L’un de ses proches conseillers, Gilbert Collard, a parlé dans le même sens que ses remarques sur i-Télé: « C'est vrai que la torture doit être le recours ultime quand il faut sauver des vies, la torture pour la torture c'est ignoble, mais cette espèce de lâcheté qui consiste à dire 'Tant pis que les innocents meurent pourvu que j'aie les mains propres'. Si pour sauver vingt, ou dix, ou deux ou une vie, je dois malmener quelqu’un, je le fais, je le fais avec dégoût, mais ces choix sont absolument courageux ».

De tels commentaires rappelent inévitablement cette autre défense de la torture: « J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. Quand on vous amène quelqu’un qui vient de poser vingt bombes qui peuvent exploser d’un moment à l’autre et qu’il ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre. C’est celui qui s’y refuse qui est le criminel car il a sur les mains le sang de dizaines de victimes dont la mort aurait pu être évitée ».

Ces paroles sont parues dans un entretien publié dans Combat en 1962 avec le père de Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, un lieutenant et officer de renseignement du 1er régiment de parachutistes de la Légion étrangère, qui avait été impliqué dans la torture massivement utilisée par la France contre les Algériens pendant la guerre d’indépendance algérienne, de 1954 à1962. Par la suite, il est devenu président du FN de 1972 jusqu’à 2011, lorsque sa fille lui a succédé.

Plus tard, il avait retiré les remarques faites à Combat et, s’appuyant sur le refus officiel de la France de reconnaître l’utilisation de la torture en Algérie, avait fait un procès pour diffamation à ceux qui l’accusaient de torture. Il avait gagné son procès contre Libération en 1986 et 1988, et contre Le Canard Enchaîné en 1989. Il avait cependant perdu contre Le Monde en 2005, le journal ayant présenté un couteau du genre de ceux utilisés par les Jeunesses hitlériennes et portant son nom; ce dernier avait été laissé en 1957 dans la maison d’Alger où l’unité de Le Pen avait torturé et fusillé Ahmed Moulay devant sa femme et ses six enfants.

La décision du FN de passer outre à sa rhétorique anti-américaine et de se précipiter pour défendre la CIA en dit long à la fois sur la « guerre contre la terreur » et sur la politique violemment réactionnaire du FN ; elle dément les efforts faits par Marine Le Pen pour mettre de la distance entre son parti et la réputation de tortionnaire et de négateur de l’Holocauste de son père.

Au fur et à mesure des révélations sur le réseau de prisons secrètes et de sites de tortures de la CIA s’étendant entre autre sur des dizaines de pays européens, il serait néanmoins absurde de prétendre que la torture ne concerne que le seul FN.

Les tentatives faites par les adversaires du FN au sein de l’establishment politique dans le but de renforcer leur position sentent l’hypocrisie à plein nez.

Ainsi Bruno Le Roux, le dirigeant de la fraction parlementaire du Parti socialiste (PS) à l’Assemblée nationale, a dit : « La gégène [générateur électrique utilisé pour torturer les Algériens pendant la Guerre d’Algérie] c’est dans les gènes des Le Pen » et ajouta, « Pour elle, c'est très très normal (…). Ce cri qu'elle a eu ce matin, disant qu'il y a des moments où il faut faire parler, c'était la gégène de papa qui revenait au premier plan ».

Si la torture à échelle industrielle revient au premier plan c’est à cause du soutien donné à la CIA et à la « guerre à la terreur » par toutes les factions de la classe capitaliste européenne – y compris les sociaux-démocrates et leurs alliés de la pseudo-gauche comme le NPA (Nouveau parti anticapitaliste). Le gouvernement PS et le NPA ont gardé un silence assourdissant sur le rapport sur la torture.

Depuis que la France a rejoint le commandement intégré de l’OTAN en 2009, elle s’est alignée sur une politique de guerre néocoloniale au niveau mondial. Le PS et le NPA ont tous deux salué la guerre de l’OTAN en Libye et sa guerre par procuration en Syrie, qui s’appuyait sur une collaboration avec des milices islamistes liées à Al-Quaidacomme des révolution pour la liberté. Ils ont ensuite soutenu l’intervention en cours de l’OTAN en Ukraine,et en particulier le coup d’Etat de Kiev, qui avait à sa tête des fascistes.

Peu avant le putsch de Kiev, le président francais Hollande s’est rendu en visite à Washinton où il a signé un texte conjoint avec le président Obama, qui déclarait: « Nous sommes deux nations souveraines et indépendantes qui prenons nos décisions en nous fondant sur nos intérêts nationaux respectifs. Mais c'est précisément parce que nos intérêts et nos valeurs sont si proches que nous avons été en mesure de faire franchir un nouveau cap à notre alliance. »

L’admission par la Commission du renseignement du Sénat que la CIA se servait de la torture à grande échelle et internationalement indique le caractère barbare des « valeurs » partagées par les impérialismes américain et européen. Elle souligne également la marche à droite de la politique bourgeoise française qui sous-tend à la fois sa collaboration avec le programme de torture de la CIA et la montée du FN dans les urnes durant la dernière décennie.

La question de la torture avait déjà confronté une précédente génération au problème non résolu du legs laissé par le règne du fascisme en Europe. La torture en Algérie, supervisée par des officiers d’extrême-droite comme Le Pen, et le massacre de manifestants algériens en octobre 1961 par la police parisienne dirigée par Maurice Papon, un ancien responsable du régime collaborationniste de Vichy, qui avait joué un rôle de premier plan dans l’holocauste, en avaient choqué beaucoup. Le nom de Guy Mollet, le premier ministre haï de la période de la Guerre d’Algérie où la torture fut utilisée le plus intensivement, est devenu symbole de la trahison de principes.

Des masses de travailleurs et d’étudiants furent radicalisés avant la grève générale de 1968 par leur hostilité à la guerre d’Algérie et à la décision du Parti communistre français (PCF) de rechercher une alliance avec Mollet et de lui voter les pouvoirs spéciaux en Algérie. Si un parti néofasciste peut jouer aujourd’hui le rôle de prétendant au pouvoir en France, c’est dû à la colère et au désillusionnement de masse devant le rôle joué par la pseudo-gauche petite-bourgeoise dans la désorientation de cette opposition de masse au cours de la période qui a suivi 1968.

L’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Lambert a rompu avec le trotskysme et le CIQI, a rejoint les groupes petit-bourgeois comme le prédécesseur pabliste du NPA, aidant à lier les travailleurs aux sociaux-démocrates. Ces derniers se sont donné une nouvelle étiquette sous la direction de François Mitterrand, ancien responsable de Vichy et ancien ministre du gouvernement Guy Mollet. Le Parti socialiste et la pseudo-gauche ont, depuis l’élection de Mitterrand à la présidence en 1981, collaboré pendant des décennies pour imposer guerres et mesures d’austérité et pour faire obstacle à l’opposition dans la classe ouvrière.

Dans la torture de la « guerre à la terreur » défendue par le PS à présent discrédité de Hollande et par le FN, une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes se trouve confrontée à l’héritage de l’impérialisme et du fascisme. La défense des droits démocratiques contre la torture et les mesures d’Etat policier promues par l’ensemble de l’establishment politique ne peut être déléguée à une quelconque fraction de la bourgeoisie. Elle ne peut être menée à bien qu’à travers une mobilisation révolutionniare de la classe ouvrière dans une lutte internationale contre le capitalisme en Europe.

(Article original publié le 13 décembre 2014)

Loading