Perspective

Les actes de torture de la CIA et les crimes d'État

Un résumé du rapport produit par le comité sénatorial du renseignement et portant sur les actes de torture commis par la CIA a été publié mardi. Il décrit de manière détaillée des crimes horribles qui violent incontestablement le droit américain et international.

L'étude du programme d'interrogation «amélioré» de l'administration Bush documente le recours systématique à des méthodes de torture sadiques, comme la simulation de noyade, la privation de sommeil (parfois jusqu'à une semaine), des coups à la tête, la privation sensorielle, le maintien de détenus dans des températures extrêmes ou des positions douloureuses, le confinement dans des boîtes de la grosseur d'un cercueil, l'«hydratation» et l'«alimentation par voie rectale».

Le rapport qualifie ces pratiques d'illégales, d'immorales et d'inefficaces et dénonce la CIA pour avoir caché des informations au Congrès et prétendu faussement que ses méthodes d'interrogation brutales avaient permis de contrecarrer des attaques terroristes, capturer et tuer des agents d'Al-Qaïda et «sauver des vies».

Cependant, les questions les plus importantes et évidentes qui sont soulevées par le rapport ne sont pas posées par l'establishment politique et les médias: Qui seront tenus responsables? Qui seront accusés? Qui seront poursuivis en justice?

Les démocrates du comité sénatorial sur le renseignement, sous la direction de Dianne Feinstein, ne mentionnent aucun haut représentant de l'administration Bush et limitent leur rapport à d'anciens agents de haut rang de la CIA. Ils ne font aucune recommandation visant à ce qu'il y ait une poursuite criminelle ou d'autres actions pour que ceux qui ont commis ces actes odieux soient tenus responsables. Le rapport tente de maintenir la fiction absurde que le programme de torture était une aberration à laquelle ont participé seulement quelques agents.

En réalité, le programme de torture de la CIA a été planifié, mis en œuvre et surveillé aux niveaux les plus élevés de l'État. On retrouve dans cette bande de criminels le président George W. Bush, le vice-président Dick Cheney, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice, le secrétaire d'État Colin Powell ainsi que les directeurs de la CIA George Tenet, Porter Goss et Michael Hayden.

La réaction de plusieurs de ces mêmes criminels au rapport ne fait aucun doute que de telles méthodes existent encore, sous une forme ou une autre, et qu'elles seront utilisées à l'avenir à une échelle encore plus vaste. Avant que le rapport ne soit dévoilé, Bush avait accordé une entrevue dans laquelle il affirmait, contrairement à ce que le comité sénatorial avançait, qu'il n'avait pas été trompé par la CIA sur l'ampleur et la nature du programme d'interrogation et qu'il défendait ce dernier.

Cheney a qualifié cette idée selon laquelle le gouvernement aurait été trompé par la CIA de «conneries» et a presque accusé Feinstein et ses alliés sur le comité de trahison. Hayden et d'autres ex-agents de haut rang de la CIA ont, en prévision de la publication, mis en branle une campagne médiatique pour affirmer que le rapport avait des failles et était biaisé et qu'il provoquerait des protestations antiaméricaines et des attaques terroristes à travers le monde. Des républicains bien en vue et la plupart des républicains siégeant au comité ont ensuite prêté leur voix à cette campagne de propagande en opposition au rapport après sa publication.

L'administration Obama est coupable elle aussi, ayant servi de complice aux crimes documentés. Dès ses premiers jours au pouvoir, Obama a tout fait pour protéger les tortionnaires de la CIA et les représentants de l'administration Bush et empêcher qu'ils ne soient poursuivis. En 2010, le ministre de la Justice sous Obama, Eric Holder, a annoncé que son ministère n'allait pas poursuivre les agents de la CIA qui avaient détruit les enregistrements de la CIA sur ses séances de simulation de noyade en 2005.

Obama a fait de John Brennan, qui a supervisé le programme de torture en tant qu'agent de la CIA sous Bush, son principal conseiller en matière de contre-terrorisme durant son premier mandat et, à son deuxième mandat, l'a nommé directeur de la CIA. Brennan et la Maison-Blanche ont travaillé main dans la main pour empêcher que le rapport voie le jour en s'assurant que le comité sénatorial n'ait pas accès à certains documents et en retardant de deux ans la publication du rapport. Sous Brennan, la CIA a espionné les membres du Sénat qui travaillaient sur le rapport, violant ainsi la séparation constitutionnelle des pouvoirs, le Quatrième Amendement qui interdit les fouilles et les saisies arbitraires, ainsi que de nombreuses lois américaines.

Le Congrès lui-même, y compris Feinstein et le reste des législateurs du Parti démocrate, est aussi complice dans le programme de torture et d'autres pratiques criminelles. Il a été informé à plusieurs reprises sur la nature du programme d'interrogation et s'il a bel et bien été trompé par la CIA, c'est qu'il voulait être trompé.

Feinstein défend résolument depuis des années l'appareil de renseignement des États-Unis. Elle défend catégoriquement les programmes d'espionnage de l'Agence de sécurité nationale (NSA) et a qualifié de criminels et de traîtres des lanceurs d'alerte comme Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea (Bradley) Manning.

Les médias supposément libéraux ont eux aussi joué un rôle central. Le rapport du comité sénatorial sur le renseignement comporte toute une section qui décrit de quelle façon la CIA a autorisé des fuites de documents secrets décrivant son programme d'interrogation au New York Times et au Washington Post pour manipuler l'opinion publique et la faire accepter de telles pratiques. Dans la foulée du 11-Septembre, des articles et des émissions de télévision ont été produits pour justifier la torture.

Mardi, dans son discours au Sénat qui présentait le rapport, la sénatrice Feinstein a décrit le programme de torture comme une réaction malheureuse et erronée, quoique compréhensible, aux attaques du 11-Septembre et à la nécessité de mener la «guerre contre le terrorisme». Cela n'est qu'un mensonge.

Comme l'a expliqué à maintes reprises le WSWS, la fausse guerre contre le terrorisme est un complot criminel qui sert à justifier des guerres sans fin à l'étranger et un assaut généralisé contre les droits démocratiques au pays.

Le programme de torture de la CIA n'est lui-même qu'une expression extrême du fait que la politique des États-Unis a rompu avec la légalité bourgeoise. Le vol des élections de 2000 a ouvert la voie, après le 11-Septembre, à l'assaut sur les droits démocratiques et à la création d'un État policier prêt à être mis en branle: Guantanamo Bay, le Patriot Act, le département de la Sécurité intérieure, le Commandement du Nord, les «restitutions», les détentions illimitées, les assassinats par drone et l'espionnage de masse par la NSA.

Au pays, la police, qui collabore étroitement avec l'armée et les agences de renseignement, est de plus en plus ouvertement un instrument de répression sociale et politique. La «guerre contre le terrorisme» est importée aux États-Unis.

Les actes qui sont décrits dans le rapport du Sénat révèlent l'essence de l'ordre bourgeois aux États-Unis. Il ne suffit pas d'être scandalisé et horrifié: la situation exige la création d'un mouvement politique de la classe ouvrière qui mettra un terme au système capitaliste et jugera les criminels qui le dirigent.

(Article paru d'abord en anglais le 10 décembre 2014)

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