Le magnat de presse Pierre-Karl Péladeau brigue la direction du Parti québécois

Le magnat de presse et milliardaire Pierre-Karl Péladeau se lance officiellement dans la course à la direction du Parti québécois. Se présentant comme le «candidat de la souveraineté», Péladeau base sa campagne sur l’idée que l’indépendance est le meilleur véhicule pour enrichir la classe dirigeante québécoise.

À ce point, l’actuel député péquiste de Saint-Jérôme domine largement la course à la chefferie. Dans une lettre ouverte aux médias, 18 anciens ministres et députés du Parti québécois ont donné leur appui à Pierre Karl Péladeau parce que, selon eux, «il détient une foi inébranlable en notre projet d'indépendance nationale».

Péladeau jouit aussi du soutien d’importantes figures au sein du mouvement souverainiste, notamment Pauline Marois et Bernard Landry, deux anciens premiers ministres de droite. Landry a déclaré : «Il un parcours impressionnant. Ses entreprises ont pu s'adapter aux technologies contemporaines. S'il a pu faire ça dans une entreprise, il peut faire ça à la tête d'un gouvernement».

À la tête de son empire médiatique Québecor, qu’il contrôle toujours, Péladeau réclame depuis des années un assaut tous azimuts sur les travailleurs et les syndicats, tout en appelant à une réduction d’impôts pour les riches et la grande entreprise. Péladeau a lui-même mis en œuvre de vastes restructurations au sein de ses nombreuses entreprises, imposant 14 lock-out en une quinzaine d’années pour forcer les travailleurs à accepter des réductions drastiques dans les emplois et les conditions de travail.

Depuis des années, Péladeau alimente le chauvinisme québécois, y compris par la campagne identitaire anti-immigrants qui a débuté avec une couverture médiatique exagérée des soi-disant «accommodements raisonnables» en 2007. Par l’entremise de ses quotidiens, incluant le Journal de Montréal et le Journal de Québec, Péladeau a aussi fait la promotion de la Charte des valeurs anti-démocratique mise de l’avant par le PQ l’an dernier.

Le fait que le richissime homme d’affaires soit le favori dans la course à la direction du PQ démontre la réelle nature de classe de ce parti. Loin d’être un parti progressiste comme le prétendent ses défenseurs, le PQ a été, depuis sa formation à la fin des années 1960, le parti d’alternance de la grande entreprise. Au pouvoir, le PQ a imposé les plus importantes coupures sociales de l’histoire de la province.

L’ardente foi souverainiste du magnat de presse confirme aussi que la séparation du Québec n’est qu’un projet politique réactionnaire d’une section de la bourgeoisie québécoise, avec le soutien crucial d'une couche des classes moyennes aisées, ayant pour objectif la création d’une République capitaliste du Québec.

Depuis le début de sa campagne, Péladeau tente de rallier la bureaucratie syndicale et les éléments des classes moyennes sur la base d’un chauvinisme et d’un nationalisme économique féroces. «Maîtriser son économie», a lancé Péladeau lors d’un discours prononcé devant quelques centaines de militants souverainistes, «c’est être maître chez soi, avoir le contrôle de son destin».

Dans une de ses nombreuses allocutions hautement médiatisées, Péladeau a mis de l’avant qu’un Québec indépendant pourrait mieux avancer les ambitions impérialistes de l’élite dirigeante québécoise. «Il faut convaincre [les jeunes] de voir la souveraineté non pas comme un repli, mais comme la plus belle manière de se lancer à la conquête du monde», a-t-il affirmé.

L’arrivée de Pierre-Karl Péladeau – un anti-syndicaliste notoire – dans les rangs du PQ au printemps dernier a généré une certaine crise au sein de la bureaucratie syndicale et de la pseudo-gauche, mettant à nu leur alliance de longue-date avec ce parti bourgeois.

Sous le couvert d’une soi-disant opposition à Péladeau, toutefois, les syndicats appellent les travailleurs à joindre les rangs du Parti québécois en masse. Les syndicats tentent de «sauver» le PQ dans un contexte où, après des décennies de coupes sociales, ce parti jouit d’un très faible soutien auprès de la classe ouvrière.

Le SPQ-Libre, un club politique au sein du Parti québécois qui parle au nom de la bureaucratie syndicale, fait actuellement campagne aux côtés de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), le plus important syndicat de la province, pour «contrer une éventuelle victoire de PKP». Le SPQ-L a déclaré qu’il est nécessaire «que tous les autres candidats réussissent à faire signer un grand nombre de cartes d'adhésion, afin de diluer l'avantage que semble avoir présentement PKP».

Le SPQ-L demande à plus de 220 organisations syndicales de faire de même: «Les organisations syndicales peuvent faire la différence. Étant les plus importantes organisations de masse, elles pourraient permettre aux candidats progressistes de solliciter d'éventuels partisans en leur permettant de tenir un kiosque d'information lors de leurs assemblées».

Pour sa part, le président de la FTQ, Daniel Boyer, a concédé qu’«il faut faire quelque chose, on ne peut pas laisser passer Pierre Karl Péladeau à la direction du Parti québécois».

Malgré cette campagne, les liens historiques entre le PQ et les syndicats, ainsi que leur appui au projet d’indépendance, les amènent naturellement à faire alliance avec des éléments très à droite tels que Péladeau. En fait, d’importants éléments au sein de la bureaucratie ont même favorablement accueilli son arrivée au PQ en mars dernier.

Le président du SPQ-Libre, Marc Laviolette, avait alors déclaré qu’il désapprouvait «la façon dont Pierre-Karl Péladeau a géré ses relations de travail», mais que «notre lutte est une lutte de libération nationale (…) et cette lutte implique, par sa nature même, différentes classes sociales et groupes sociaux dans un front uni».

Si les relations entre Péladeau et les syndicats sont relativement tendues, c’est parce que ce dernier fait pression depuis des années pour que certains de leurs privilèges corporatistes – comme le contrôle du Fonds de Solidarité FTQ – soient réduits, voire éliminés. Sous Péladeau, la bureaucratie craint aussi de perdre son influence politique au sein du PQ, son accès préféré aux coulisses du pouvoir.

Malgré tout, cela n’a jamais empêché les syndicats de soutenir économiquement certains des projets commerciaux de Québecor. Par exemple, en 2009, le Fonds FTQ s’est joint à Péladeau dans une tentative infructueuse d’acheter le club de hockey les Canadiens de Montréal.

Depuis des décennies, les syndicats pro-capitalistes torpillent systématiquement chacune des luttes de la classe ouvrière et subordonnent politiquement les travailleurs au PQ. Si Péladeau a été en mesure d’imposer des concessions aux travailleurs de Québecor médias et de Vidéotron, c’est parce que les syndicats ont refusé de mobiliser la force sociale de la classe ouvrière par peur que leurs bonnes relations avec la grande entreprise et le gouvernement ne soient minées.

À ce point-ci, Québec solidaire (QS) a émis quelques critiques à l’égard du PQ parce que le recrutement de Péladeau vient compliquer ses efforts pour faire passer sa politique de pression sur ce parti comme une politique «de gauche». QS appelle maintenant les péquistes «progressistes» à joindre ses rangs.

Significativement, le Parti communiste du Québec (PCQ), un restant du Parti communiste du Canada stalinien, et l'un des nombreux groupes de la pseudo-gauche à œuvrer au sein de Québec Solidaire, a réagi au tournant à droite du Parti québécois en abandonnant son statut de «collectif» à l'intérieur de QS pour permettre à ses membres de joindre les rangs du PQ. «On a déjà des membres qui sont déjà au Parti québécois», a dit le chef du PCQ, André Parizeau.

Plus tôt cette année, Parizeau avait affirmé que le saut de Péladeau en politique «contribue également, de manière incontestable, à redonner une crédibilité à ce projet de souveraineté», ajoutant que «cela cadre plutôt bien avec un autre aspect de notre programme qui consiste à pousser pour une alliance la plus large possible de toutes les forces souverainistes».

En resserrant les rangs avec Péladeau et le PQ, la soi-disant gauche québécoise cherche à creuser la division entre les travailleurs du Québec et leurs frères et sœurs de classe au Canada et en Amérique du Nord dans le contexte d’une immense intensification de la lutte des classes à l’échelle internationale.

En bloquant toute mobilisation politique indépendante des travailleurs, la «gauche» prépare le terrain pour un assaut sans précédent sur l’ensemble de la classe ouvrière canadienne.

Voir aussi :

https://www.wsws.org/fr/articles/2014/avr2014/pela-a03.shtml

https://www.wsws.org/fr/articles/2014/mar2014/pela-m13.shtml

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