Perspectives

Le gouvernement australien et la chasse-aux-sorcières contre Edward Snowden

Le gouvernement australien s’est joint à la chasse-aux-sorcières contre le lanceur d’alerte de l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), Edward Snowden, qui est menée par l’administration Obama afin de l’inculper et l’emprisonner aux États-Unis ou le réduire au silence de façon permanente.

Le mois dernier, le premier ministre australien Tony Abbott a catalogué Snowden de «traitre», coupable d’avoir «trahi son pays». Les commentaires d’Abbott font suite à ceux de la ministre des Affaires étrangères Julie Bishop, qui a hystériquement accusé Snowden «de trahison sans précédent» et d’avoir «trahi de manière honteuse sa nation alors qu’il rôde en Russie».

Ces dénonciations alimentent la campagne de mensonges et de menaces qui est menée par les cercles dirigeants aux États-Unis. Des représentants anonymes de l’armée et du renseignement américain proposent publiquement d’assassiner Snowden. De hauts fonctionnaires, tels que le directeur du renseignement national James Clapper et le procureur général Eric Holder, exigent son retour aux États-Unis afin qu’il subisse un procès truqué où il ferait face à des accusations d’espionnage montées de toutes pièces.

Les attaques d’Abbott et de Bishop sur Snowden démontrent la servilité du gouvernement australien et de l’establishment politique dans son ensemble envers Washington. Bishop lisait littéralement le script dicté par la Maison-Blanche – faisant ses commentaires après avoir rencontré le vice-président Joe Biden et la conseillère à la sécurité nationale Susan Rice. Aucun gouvernement dans le monde n’a dénoncé Snowden de telle manière.

Comme les criminels à la Maison-Blanche, le gouvernement Abbott cherche à salir le nom de Snowden dans le but de détourner l’attention de ses propres activités criminelles. Ce que Snowden a démasqué est la vaste opération, digne d’un État policier, menée par la NSA et les agences de renseignement alliées et dirigée contre le peuple américain et la population mondiale. La réponse du gouvernement Abbott démontre la place centrale qu’occupe l’Australie dans les plans des appareils militaires et de renseignement américains, particulièrement en Asie.

Les documents divulgués par Snowden révèlent que les consulats australiens à travers la région servent de postes d’écoute électronique pour la NSA. Les agences de renseignement australiennes écoutent les appels téléphoniques du président indonésien, de sa femme et d’autres hauts dirigeants du pays. Les compagnies australiennes de télécommunication ont signé des ententes secrètes avec la NSA afin de se brancher aux câbles Internet sous-marins pour surveiller les données électroniques confidentielles appartenant à des millions de gens ordinaires en Asie-Pacifique.

Ces vastes opérations d’espionnage sont intimement liées aux préparations américaines pour une guerre contre la Chine et pour des mesures d’État policier contre la classe ouvrière au pays. Le rôle central de l’Australie dans le «pivot vers l’Asie» de l’administration Obama, lequel vise à encercler militairement la Chine, a été souligné par le fait que cette politique a été formellement annoncée non pas à la Maison-Blanche, mais au parlement australien en novembre 2011. L’Australie borde des voies maritimes vitales, y compris celles identifiées par le Pentagone comme étant des «goulots d’étranglement» en ce qui concerne l’approvisionnement de la Chine en pétrole et autres matières premières dans l’éventualité d’une confrontation militaire.

L’intégration de l’Australie à l’appareil de renseignement et d’espionnage américain est vitale aux préparatifs de guerre des États-Unis. La surveillance électronique, l’espionnage et les cyber-attaques jouent un rôle indispensable dans la guerre moderne. Les installations de surveillance et de renseignement opérées par les États-Unis en Australie, comme le Pine Gap, ont été essentielles aux guerres américaines en Afghanistan et en Irak, ainsi qu’aux attaques par drones au Moyen-Orient et en Asie centrale. Dans l’éventualité d’une guerre entre les États-Unis et la Chine, à cause de ses bases militaires et de renseignement, l’Australie sera automatiquement impliquée dès le départ.

C’est pour cette raison que Washington ne peut tolérer le moindre désaccord de la part de Canberra. Les États-Unis interviennent de longue date dans la politique australienne. En 1975, peu de temps après avoir orchestré des coups d’État sanglants en Indonésie et au Chili, la CIA a été étroitement impliquée dans le renversement du gouvernement travailliste de Whitlam par l’entremise d’un représentant non-élu du monarque britannique, le gouverneur général John Kerr. Bien que Whitlam ait rassuré Washington que Pine Gap et d’autres bases américaines ne seraient pas touchées, il y avait des craintes au sein des cercles dirigeants aux États-Unis que l’Australie et son gouvernement perdaient contrôle de la classe ouvrière dans un contexte de radicalisation politique.

En juin 2010, alors que le gouvernement Obama se préparait à annoncer son «pivot», le premier ministre travailliste Kevin Rudd, encore à son premier mandat, a été destitué du jour au lendemain dans des circonstances sans précédent par des chefs de faction identifiés dans les fuites de Wikileaks comme étant des «sources protégées» de l’ambassade américaine à Canberra. Rudd se déclarait «entièrement voué» à l’alliance entre l’Australie et les États-Unis, mais ses tentatives d’apaiser les tensions grandissantes entre les États-Unis et la Chine allaient à l’encontre des plans de Washington.

Julia Gillard, qui était identifiée par les représentants de l’ambassade comme une personne bien plus docile, a été portée au pouvoir. Une fois en poste, elle a immédiatement démontré son caractère pro-américain. Gillard a publiquement dénoncé le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, déclarant qu’il avait commis un acte criminel en publiant les fuites de l’ambassade américaine qui démasquaient les machinations sordides et les crimes de l’impérialisme américain et d’autres gouvernements à travers le monde. Elle a accueilli Obama en Australie afin de donner son discours sur le «pivot» en 2011 et elle a signé une entente pour accueillir des marines américains dans la ville de Darwin au nord du pays et ouvrir d’autres bases militaires aux forces américaines.

L’actuel gouvernement de coalition, qui a pris le pouvoir en septembre dernier, continue le travail là où son prédécesseur travailliste l’a laissé. Lorsqu’il a pris le pouvoir, Abbott a déclaré que Canberra et les États-Unis étaient «plus que des alliés», ajoutant qu’il «ne voyait pas les États-Unis comme un pays étranger». Sur chaque question, que ce soit la diabolisation de Snowden ou la critique belliqueuse de la Chine en novembre dernier concernant sa zone de défense aérienne, le gouvernement Abbott a servi de fer de lance à l’administration Obama.

Les travailleurs et les jeunes en Australie et à travers le monde doivent rejeter la campagne de diffamation menée contre Edward Snowden. Sa position courageuse a révélé à quel point les préparations pour l’imposition d’un État policier aux États-Unis, en Australie et chez leurs alliés sont avancées.

Alors que le capitalisme mondial fait face à l’effondrement, la classe ouvrière représente la seule force sociale capable de renverser le système de profit qui est responsable de la ruée vers guerre et la dictature. Les travailleurs, les étudiants et les jeunes doivent se mobiliser en masse pour défendre Snowden et démasquer les conspirations d’État dont il est victime. La défense de Snowden est inséparable de la lutte pour bâtir un mouvement indépendant de la classe ouvrière contre la menace de guerre et l’assaut sur les droits démocratiques fondamentaux.

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