Perspective

Alors que 2013 touche à sa fin, l’effondrement capitaliste s’intensifie

L’année s’est terminée sans présenter le moindre signe que cinq ans après la plus dure crise financière depuis les années 1930, l’économie est sur le point de revenir à ce qui autrefois était considéré être une croissance économique «normale». Au lieu d’afficher une reprise, les signes de «stagnation prolongée» se multiplient: longue période de faible croissance, récession, investissements en baisse, salaires réels encore plus bas et persistance d’un chômage élevé.

Ces douze derniers mois, on a vu l’application d’une série de politiques monétaires sans précédent, notamment les programmes d’impression d’argent, le «quantitative easing» (QE) pratiqué à la fois par la Réserve fédérale américaine et la Banque du Japon et grâce auquel des milliers de milliards de dollars ont quasiment été mis gratuitement à la disposition des principales banques et institutions financières.

La Fed à elle seule a augmenté cette année son bilan de plus de 1000 milliards de dollars en quadruplant ses actifs par rapport à ceux qu’ils étaient au début de la crise financière en 2008. La Banque du Japon, qui est responsable de la politique monétaire de la troisième plus grande économie du monde, s’est engagée à doubler la masse monétaire dans le pays.

Ces deux programmes ont été appliqués sous prétexte de stimuler l’économie. Mais, les seuls bénéficiaires furent les principales banques et les spéculateurs financiers. Alors que l’économie américaine a progressé à un taux annuel d’à peine 2,3 pour cent depuis la fin officielle de la récession en juin 2009 – contre une moyenne de 4,1 pour cent durant les quatre premières années dans les autres cas d’expansion depuis la Deuxième Guerre mondiale – le marché boursier a achevé l’année en frôlant ou en atteignant des niveaux record. Cette croissance du parasitisme financier est reflétée dans le doublement depuis 2009 de la richesse des milliardaires du monde.

Le flux d’argent fourni aux marchés financiers suite aux mesures de la Fed et d’autres banques centrales met en place les conditions d’un nouveau krach financier plus grave encore que celui de 2008. Bloomberg, par exemple, a annoncé que la quantité des obligations à haut risque classées comme spéculatives est passée cette année à 693 milliards de dollars, un nouveau record, en dépassant le niveau de 593 milliards de dollars atteint en 2008.

Ceux qui prédisent une «relance» de l’économie américaine en 2014 ne manqueront sans nul doute de signaler que les chiffres du chômage ont baissé ces derniers temps. De telles prévisions ignorent le fait que la plupart des nouveaux emplois sont créés avec des taux de salaire considérablement plus bas (réduction de moitié des salaires pour les nouvelles recrues dans l'automobile en vertu du programme de restructuration de 2009 du gouvernement Obama servant de référence à cet égard) et qu’une grande partie de l’«amélioration» est attribuable au nombre croissant de gens qui ont été retirés des statistiques de chômage. Au cours des 43 derniers mois, plus de gens ont quitté le marché du travail américain que d’autres n’y sont rentrés.

Le programme de «quantitative easing», initié en début d’année par le gouvernement Abe et la Banque du Japon, a fourni une première stimulation à l’économie japonaise mais les effets commencent à s’estomper. La semaine passée, le gouvernement a prédit que pour l’année fiscale débutant en mars prochain, le produit intérieur brut réel ne serait que de 1,4 pour cent, une baisse par rapport aux 2,6 pour cent prévus pour l’année en cours.

Le fait qu’un rapport qui indique que les salaires réels n’ont pas diminué ce dernier mois, après 17 mois de baisse consécutive, est considéré être une «bonne nouvelle» montre à quel point la stagnation sous-tend l’économie japonaise.

Un des indices clé sous-jacents à l’effondrement de l’économie capitaliste mondiale est l’écart qui se creuse entre l’accumulation des profits et le niveau des investissements – la force motrice de l’expansion de l’économie réelle.

L’on estime que les entreprises mondiales reposent sur des avoirs en espèces d’environ 4000 milliards de dollars – dont la moitié se trouve aux États-Unis – en raison du manque de débouchés pour de nouveaux investissements. Au lieu d’utiliser les profits pour financer l’expansion de la production, les entreprises recourent de plus en plus souvent à leurs avoirs en espèces pour financer le rachat d’actions et augmenter la valeur des fonds propres en assurant ainsi des bénéfices financiers aux fonds spéculatifs, aux banques et aux sociétés d’investissement qui sont les principaux actionnaires des grands groupes. Ceci va de pair avec une importante «restructuration», comme dans l’industrie automobile mondiale, ce qui a entraîné la fermeture d’usines et d’autres installations, dont certaines étaient en service depuis le début des années 1950.

Les effets sociaux de la «restructuration» sont particulièrement en évidence dans la zone euro où les niveaux d’investissement ont chuté jusqu’à 30 pour cent par rapport à leurs niveaux d’avant 2008. Combinée à l’impact des programmes d’austérité qui sont appliqués par tous les gouvernements conformément aux dictats des banques, la restructuration engendre une catastrophe sociale.

Une étude de la Croix Rouge internationale publiée en octobre indique que l’Europe était en train de sombrer dans une longue période de pauvreté, de chômage de masse, d’exclusion sociale, d’inégalité accrue et de désespoir collectif suite au programme d’austérité. «Les conséquences à long terme de cette crise ne sont pas encore visibles», précise le rapport. «Les problèmes causés se ressentiront pendant des décennies même si l’économie s’améliorait dans un avenir proche.»

Après l’éruption de la crise financière mondiale, l’argument fut invoqué que la Chine, et d’autres «marchés émergents», seraient en mesure de se découpler des grandes économies pour créer une nouvelle base pour l’expansion mondiale.

Cette affirmation a bel et bien été démolie au cours des 12 derniers mois. Une conférence économique organisée par les autorités chinoises au début du mois avait averti que la deuxième plus grande économie du monde était confrontée à une pression à la baisse. Les industries chinoises faisaient face à de sérieuses surcapacités et à de lourdes dettes, notamment celles détenues par les gouvernements locaux, qui menacent la stabilité financière, en a conclu la conférence.

Au milieu de 2013, des réactions à la perspective d’un assouplissement du programme QE par la Fed ont souligné que loin de se découpler, «les marchés émergents» sont extrêmement vulnérables à la forte volatilité des mouvements de capitaux. La Turquie, l’Inde et l’Indonésie, pour ne citer que quelques-unes des économies les plus connues, ont enregistré d’importantes fuites de capitaux suite à une hausse des taux d’intérêts américains. Ceci a donné lieu à des avertissements quant à une répétition de la crise financière asiatique de 1997-98, sauf que cette fois-ci à une échelle bien plus vaste et avec des conséquences bien plus amples pour la stabilité du système financier mondial en général.

Toutes ces tendances sont censées s’aggraver en 2014 en excluant la perspective de toute relance économique mondiale. Les classes dirigeantes n’ont aucune solution à la crise autre que d’appauvrir les travailleurs et d’accroître la répression. La classe ouvrière dans le monde entier doit prendre conscience de la situation et utiliser l’année à venir pour développer ses propres initiatives politiques basées sur un programme socialiste international pour faire face à l’effondrement capitaliste en cours.

(Article original paru le 30 décembre 2013)

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