La conférence de presse du président français : un appel à l'austérité et au militarisme

Le président français François Hollande a donné une conférence de presse de trois heures mardi 14 janvier au palais présidentiel de l'Élysée, tentant d’arrêter la baisse du soutien à son gouvernement du Parti socialiste (PS). 

Le gouvernement Hollande est miné par la colère populaire montante et les désillusions vis-à-vis de ses politiques réactionnaires. Il est devenu le gouvernement le plus impopulaire depuis la seconde guerre mondiale, à 15 pour cent de taux d'approbation en raison de guerres étrangères impopulaires et du chômage qui monte. Dans les élections municipales et européennes à venir cette année, il risque la débâcle et la possibilité de voir le Front national néo-fasciste (FN) prendre la première place. 

Avant sa conférence de presse, la presse financière avait demandé à Hollande d'accélérer ses mesures d'austérité. Le magazine The Economist insistait à l'adresse de Hollande pour qu'il impose le même genre de coupes qui ont dévastées les pays « périphériques » de l'Europe – la Grèce, l'Irlande, et l'Espagne. Il s'est plaint de ce que « loin de copier les réformes structurelles profondes adoptées dans les pays périphériques, il a à peine commencé à libéraliser les marchés du travail et des produits ou à réduire les dépenses sociales de la France, qui sont les plus élevées du club des pays riches de l'OCDE. » 

Hollande y a réagi lors de sa conférence de presse d'hier en tentant de trouver du soutien dans la classe dirigeante, promettant des coupes sociales draconiennes et tentant de les justifier par une rhétorique militariste et anti-immigrés. Ce fut une affaire entièrement préparée à l'avance, depuis les boiseries dorées du palais de l'Élysée jusqu'aux questions tout aussi langue de bois des journalistes invités – auxquelles Hollande a répondu par des professions de foi en divers poncifs du libéralisme et en la puissance militaire de l'impérialisme français. 

Insistant sur sa « volonté de réduire la dépense publique, » Hollande a vanté les politiques « de l'offre », telles que la réduction de la contribution des entreprises aux dépenses sociales, pour réduire le coût du travail et accroître les profits des compagnies qui opèrent en France. Il a dit, « Le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Il nous faut produire plus, mieux. C'est donc sur l'offre qu'il faut agir […] Ce n'est pas contradictoire avec la demande : l'offre crée même la demande. » 

Il a ajouté, « Je fixe un nouvel objectif : que d'ici 2017, pour les entreprises et les travailleurs indépendants, ce soit la fin des cotisations familiales, ce qui représente 30 milliards d'euros de charges. » Ces cotisations financent une aide qui représente environ 150 euros pas enfant pour chaque famille de France ayant au moins deux enfants de moins de 20 ans, qui est au cœur de la politique de maintien du taux de natalité dans le pays. » 

Hollande a également demandé plus de coupes dans le RSA, le chômage et les aides sociales, dans le cadre d'une action pour réduire les taxes sur les entreprises de 50 milliards d'euros au total. Il a déclaré que les préparatifs seraient faits durant le printemps et qu'une loi dans ce sens passerait à l'automne. 

Hollande a déclaré que ses mesures d'austérité seraient mises au point en collaboration avec ce qu'il appelle les « partenaires sociaux, » c-à-d, les syndicats et la fédération des employeurs. Prônant le « pacte de responsabilité » sur la politique sociale, auquel il réfléchit avec eux, il l'a qualifié de « l'un des plus grands pactes proposés à notre pays depuis des décennies, il implique toutes les parties sociales. Ma méthode, c'est la négociation - elle a fait ses preuves depuis les discussions sur le contrat de génération, la réforme des retraites, la formation professionnelle... » 

Hollande a justifié sa politique d'austérité en lançant des appels chauvins et guerriers, affirmant que cela permettrait à l'impérialisme français de s'affirmer militairement sur la scène mondiale. 

S’affirmant comme un « réformiste, réaliste, mais surtout patriote, » Hollande a dit : « Qui nous sommes ? Pas simplement un pays qui a eu des possessions coloniales. Nous sommes une puissance qui a encore les moyens […] si ce grand pays, cette capacité militaire, ces soldats admirables, n'ont pas une économie capable de créer la dynamique nécessaire, c'est l'impact de la France qui réduira. » 

Il s'est vanté, « Je vais vous révéler une forme de secret : s'il s'était trouvé pour la Syrie, qu'il fallait effectuer une frappe, nous aurions été en mesure de le faire. » 

Dans un appel de plus aux sentiments de droite, Hollande a également indiqué son soutien pour l'expulsion réactionnaire par le ministre de l'intérieur Manuel Valls de l'écolière Rom Leonarda Dibrani et de sa famille à l'automne dernier – sur laquelle il a refusé de prendre position à l'époque. Il a déclaré que l'affaire est « réglée, personne n'est revenu. » 

C'est une preuve de la faillite du capitalisme qu'en dépit des conséquences désastreuses des guerres et des politiques d'austérité lancées par l'impérialisme européen, Hollande n'a rien d'autre à offrir qu’une plus forte dose de la même recette. L'intervention des États-Unis en Syrie a presque entraîné une confrontation militaire avec l'Iran et la Russie qui aurait pu entraîner une guerre mondiale, et les politiques d'austérité en Grèce et en Espagne ont entraîné un effondrement économique qui a mis la majorité des jeunes travailleurs au chômage. Pourtant, des politiques similaires sont toujours avancées par les partis bourgeois « de gauche » comme le PS comme des modèles de succès. 

En cela, Hollande et le PS jouissent du soutien des tendances staliniennes et pseudo-gauches comme le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Puisqu'ils ont appelé à voter Hollande, les tentatives de ces partis petit-bourgeois de se distancer des politiques du PS ont des relents de cynisme et de mauvaise foi. 

Ainsi, le secrétaire national du PCF Pierre Laurent a commenté : « C'est un véritable ''pacte d'irresponsabilité sociale'' qu'a présenté François Hollande. Ses annonces sont une attaque profonde, un dynamitage en règle du modèle social et républicain français. [...] Les communistes avec le Front de gauche [dont fait partie le PCF] seront mobilisés pour faire échouer le plan présidentiel. » 

Les alliés petit-bourgeois du PS ne feront rien de tel. Le PCF est occupé par les négociations pour réaliser une alliance électorale avec le PS aux élections à venir et – par l'intermédiaire de ses forces dans les syndicats – il prépare les mesures d'austérité que Hollande, les organisations patronales et les syndicats chercheront à imposer à la classe ouvrière. S'il devait organiser une manifestation, le PCF chercherait à confiner la colère des travailleurs dans des voies sans issues et à une perspective consistant à lancer des appels impotents à Hollande pour qu'il veuille bien modifier un peu sa politique. 

Un gouffre de classe sépare le prolétariat des opérateurs petit-bourgeois cyniques à la périphérie du PS. Ce qui est préparé, c'est une confrontation entre la classe ouvrière et les politiques réactionnaires de la « gauche » bourgeoise et de ses défenseurs petit-bourgeois « de gauche », dans le contexte d'une crise qui s'aggrave déclenchée par la droite. 

Bien qu'il ne l'ait pas dit clairement, Hollande lui-même et l'élite dirigeante européenne sont bien conscients que leurs appels chauvins et militaristes ne font qu'accentuer les tensions nationalistes en Europe et renforcent les groupes néo-fascistes comme le FN. 

Appelant à des liens politiques et militaires plus étroits avec l'Allemagne, Hollande a brièvement reconnu qu'il y avait des conflits de plus en plus nets entre les grandes puissances européennes: « Il y a des rancoeurs par rapport à l'Europe, mais je ne laisserai pas l'idée même de l'Europe se disloquer. » 

Il a également fait une allusion voilée à la montée du FN, prétendant que des politiques favorables aux employeurs peuvent déjouer la montée des forces « populistes » dans les élections françaises, disant qu’il fallait agir vite sans quoi ce seraient eux qui allaient en profiter. 

En fait, les principaux facteurs qui alimentent la montée du FN et les tensions en Europe sont l'effondrement du capitalisme et le genre d'initiatives réactionnaires qu'Hollande a présenté dans sa conférence. 

(Article original paru le 15 janvier 2014)

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