La NSA collecte les images faciales de centaines de millions de personnes

Dans les dernières révélations à propos de la National Security Agency (NSA) – l’agence de sécurité nationale des États-Unis – sur la base de documents divulgués par Edward Snowden, cet ancien contractuel autrefois à son emploi, le New York Times dans son édition de dimanche a rapporté que l’agence collectait les images faciales de centaines de millions de personnes à l’échelle mondiale en interceptant les télécommunications et le trafic sur l’Internet.

Ces données sont utilisées dans le cadre d’un vaste programme faisant appel à la technologie de la reconnaissance faciale pour identifier les individus présentant un intérêt pour les services de renseignement américains. Les images capturées par la NSA comprennent notamment les pièces jointes des courriels ou intégrées aux messages texte, dans les vidéoconférences et autres formes de messagerie Internet et de télécommunications.

Selon les documents fournis par Snowden, la NSA intercepte «des millions d’images par jour», y compris environ 55.000 quotidiennement qui sont «de qualité de reconnaissance faciale»; une ressource que l’agence décrit comme ayant un «énorme potentiel inexploité».

Dans un document révélé par Snowden remontant à 2010, on peut lire: «Nous ne regardons pas que les communications traditionnelles. Nous avons un arsenal complet pour exploiter numériquement tous les indices qu’une cible laisse derrière elle dans le cadre de ses activités régulières sur le Net afin de compiler des renseignements biographiques et biométriques...»

L’expression «arsenal complet» n’est pas seulement une figure de style. Le même document fait remarquer que l’obtention de tels renseignements peut aider à «mettre en oeuvre un ciblage de précision» – c’est-à-dire l’extermination de personnes par des frappes menées au moyen de drones lance-missiles.

L’article du Times souligne que bien que la technologie de la reconnaissance faciale ait considérablement progressé au cours de la dernière décennie, elle est encore loin d’être précise. Ce qui fait que tout processus de ciblage basé sur de tels renseignements ne peut être que risqué, inexact et même criminel.

Une diapositive de la NSA remontant à 2011 fournie par Snowden faisait état d'une tentative de faire correspondre une photographie d’Oussama ben Laden qui a retourné les photos de «quatre autres barbus n’ayant que de légères ressemblances avec Ben Laden».

Selon les lignes directrices adoptées par le ministère de la Justice de l’administration Obama, ces quatre hommes auraient pu être délibérément incinérés par des drones lance-missiles américains, tout comme n’importe qui se trouvant à proximité au moment des explosions. Toute autre personne tuée dans l’opération, quand bien même qu’il s’agisse d’un innocent ou d’un simple passant, serait ajoutée à la colonne des «dommages collatéraux» de la «guerre contre le terrorisme» incessante des États-Unis.

Le Times cite la porte-parole officielle de la NSA. Elle a déclaré que l’Agence n’a pas accès aux bases de données photographiques des permis de conduire maintenues par les 50 États, pas plus qu’aux photos de passeport des citoyens américains détenues par le département d’État. Il n’y a aucune raison cependant de penser que ces déclarations sont véridiques.

Les agences de renseignement des États-Unis mentent régulièrement sur leurs capacités de collecter des données et la portée de celles-ci. Le mensonge le plus célèbre, du moins de l’histoire récente, est le parjure flagrant du directeur du renseignement national, James Clapper, l’an dernier. Lorsqu’on lui a demandé lors d’une audience du comité sénatorial, «Est-ce que la NSA recueille quelque type que ce soit de données sur des millions ou des centaines de millions d’Américains?», Clapper a répondu: «Non, monsieur», ajoutant que toute collecte éventuelle de renseignements sur des Américains n’aurait pu être faite «sciemment».

La base de données photographiques du département d’État serait particulièrement riche, le Times rapportant que «de nombreux experts de l’extérieur la décrivent comme vraisemblablement la plus grande base de données d’images faciales du gouvernement fédéral, comprenant les centaines de millions de photographies des Américains détenteurs de passeports et d’étrangers demandeurs de visa.»

La porte-parole de la NSA n’a pas voulu dire «si l’Agence a eu accès à la base de données photographiques des étrangers demandeurs de visas du département d’État. Elle a également refusé de révéler si la NSA a recueilli des images faciales d’Américains sur Facebook et autres médias sociaux en faisant appel à d’autres moyens que l’interception des communications.» L'absence de déni suggère que l’Agence est engagée dans ce type de collecte de données sur les étrangers et les Américains.

La révélation du contenu de documents de la NSA par Snowden indique que l’Agence collecte les bases de données des cartes d’identité nationales de pays étrangers, certains d’entre eux collaborant probablement avec l’appareil de renseignement américain, tandis que d’autres, comme l’Iran, seraient la cible de cyberattaques ou d’entrées par effractions dans leurs établissements à l’étranger afin d’accéder à de telles données.

D’autres données biométriques sont collectées et combinées avec des images faciales, y compris des scans d’iris. Selon le Times, «L’agence a également collaboré avec la CIA et le département d’État dans le cadre d’un programme appelé Pisces pour effectuer la collecte de données biométriques aux passages frontaliers de nombreux pays.»

L’article du Times est cosigné par Laura Poitras et James Risen. Poitras, une documentariste indépendante, est l’une des journalistes ayant le plus étroitement travaillé avec Edward Snowden. Elle a été la première à avoir accès à ses archives de documents de la NSA.

Risen a été la cible des procureurs fédéraux qui ont cherché à le contraindre à révéler ses sources lors d’articles précédents sur les questions de sécurité nationale. Il a cosigné l’une des premières révélations à propos de l’espionnage de la NSA en 2004, qui a été gardée secrète par les rédacteurs du Times pendant plus d’un an en raison de pressions du gouvernement.

(Article original paru le 2 juin 2014)

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