France: L'offensive de l'EIIL en Irak révèle le soutien de la pseudo-gauche à la guerre en Syrie

L'offensive de la milice Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) contre le régime irakien soutenu par les Etats-Unis, démasque de façon dévastatrice la politique pro-impérialiste du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France. Sidéré par le tournant pris par l'EIIL qui passe d'une guerre en Syrie, soutenue par le NPA, à une guerre en Irak, qui empiète sur les intérêts impérialistes français, le NPA prend un virage à 180 degrés, critiquant avec cynisme l'EIIL tout en minimisant le risque d'une nouvelle guerre des Etats-Unis et de l'OTAN en Irak, qui pourrait dévaster la région et le monde.

La brève analyse des événements par le NPA, intitulée « L'offensive de l'EIIL en Irak » cherche à camoufler le rôle central joué par la politique de l'impérialisme américain et européen dans la création de cette crise, une politique que le NPA a farouchement soutenue.

Le NPA ne fait peser la responsabilité du bain de sang que sur le régime fantoche d'Irak, conduit par les chiites et à la botte des Etats-Unis. Déplorant le fait que le premier ministre irakien Nouri al-Maliki « avait donc laissé pourrir la situation », le NPA écrit: «Avec la révolution syrienne, il a reçu des ordres de l’Iran : soutenir le régime syrien. Il est entré en conflit avec le Kurdistan qui aidait les Kurdes de l’opposition [en Syrie]. Enfin, en écrasant toute représentation sunnite modérée, il a poussé les militants sunnites vers les extrémistes. »

Quelle dissimulation lamentable! Ce qui a déclenché la révolte sunnite dirigée par l'EIIL en Irak est, d'un côté l'armement massif de milices islamistes sunnites d'extrême-droite en Syrie, opération menée par la CIA et que le NPA soutient et glorifie de façon éhontée comme étant une « révolution », et de l'autre côté les tensions ethno-sectaires profondes crées en Irak par la guerre et l'occupation américaines de 2003 à 2011, au cours de laquelle Washington a poursuivi la stratégie du diviser pour mieux régner afin d'affaiblir la résistance irakienne.

Le NPA est directement responsable de ce tout dernier bain de sang, car depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 il n'a eu de cesse depuis trois ans de presser les puissances impérialistes à armer des forces islamistes tel l'EIIL et, plus largement, d'intensifier la guerre en Syrie tandis qu'elle déstabilisait la région entière.

« Fabius [Ministre français des Affaires étrangères] est en boucle, cela fait des mois qu'il tient le même discours. Qu'il donne gracieusement des armes aux révolutionnaires syriens, » a déclaré Olivier Besancenot, porte-parole du NPA et ancien candidat à la présidentielle, à RFI en septembre dernier, tandis que Washington et Paris menaçaient la Syrie d'une attaque directe.

Besancenot a même rejeté les inquiétudes soulevées par certaines sections de l'establishment impérialiste responsable de la politique étrangère, selon lesquelles inonder d'armes l'opposition syrienne revenait à armer les djihadistes liés à al-Qaïda, tel l'EIIL. « Ceux qui disent 'il ne faut surtout pas donner d'armes parce que cela va finir chez les djihadistes', c'est déjà le cas ... » avait-il dit pompeusement avant d'ajouter, « C'est ma constance en tant qu'internationaliste de faire confiance aux peuples pour décider de leur propre destin. »

Le fait que Besancenot soutienne l'armement de l'EIIL par les puissances impérialistes et leurs alliés arabes et qu'il tente de le faire passer pour une position de gauche « internationaliste » illustre le rôle pourri joué par la pseudo-gauche française. Issus d'une mince couche aisée d'universitaires pro-impérialistes, de bureaucrates syndicaux et de magouilleurs politiques poussés par les médias, ils cherchent à donner un mince vernis de « gauche » aux opérations sanglantes des forces d'extrême-droite, pourvu que celles-ci restent alignées sur l'impérialisme français. Le NPA récolte à présent la tempête, maintenant que les intermédiaires islamistes prennent une trajectoire à laquelle Besancenot et ses associés ne s'attendaient pas.

Tandis que l'offensive de l'EIIL déstabilise le régime de Maliki et menace les avoirs irakiens des entreprises pétrolières, tel Total pour la France, le NPA change son fusil d'épaule et dénonce ses protégés d'autrefois. Il écrit maintenant, « L’EIIL a montré son véritable visage : viols de femmes, assassinat de l’imam, flagellation de jeunes, exode vers le Kurdistan, expulsion de chrétiens, mariage forcé de jeunes filles, massacre de 1 700 militaires chiites. »

Ce commentaire démasque la politique pro-impérialiste écoeurante du NPA. Tant que l'EIIL luttait dans une guerre soutenue par les Français et qui, selon les espoirs du NPA permettrait d'accroître l'influence française dans son ancienne sphère coloniale, il a soigneusement ignoré les massacres ethniques et autres crimes de guerre de l'EIIL et de ses alliés, ou a accusé le président syrien Bashar al-Assad de les avoir commis. Du point de vue des réactionnaires au sein du NPA, le viol et l'assassinat étaient un acompte nécessaire pour mettre en place un régime fantoche de droite à Damas, soumis aux intérêts de Washington et Paris.

Le NPA a changé d'attitude au moment où l'EIIL s'emparait de larges secteurs de l'Irak et de son industrie pétrolière. C'est alors que des petits-bourgeois aisés comme Olivier Besancenot et le fondateur du NPA, l'ancien étudiant radical de 1968 Alain Krivine ont réfléchi aux dommages que cela occasionnerait aux titres de Total dans leurs portefeuilles financiers. Alors le NPA a soudain découvert que les forces islamistes sunnites syriennes qu'il soutient commettent des crimes brutaux et sanglants.

En essayant de dissimuler les contradictions criantes de son programme de politique étrangère au Moyen-Orient, condamnant les milices islamistes sunnites en Irak tout en continuant à promouvoir leurs activités en Syrie comme étant une « révolution », le NPA plonge en pleine incohérence politique.

Bien qu'il reconnaisse les crimes des milices sunnites en Irak, le NPA essaie de faire porter la responsabilité de cette offensive sur les opposants régionaux de l'EIIL, à savoir le régime d'Assad et l'Iran. L'EIIL, écrit le NPA, « a aussi bénéficié du financement de régimes apparemment opposés mais d’accord sur la désintégration des peuples de la région : Qatar, Iran, Syrie et autres. »

Les prétentions du NPA que l'Iran et le régime d'Assad conspireraient à secrètement soutenir l'EIIL dans un complot afin de s'emparer de larges secteurs de l'Irak, tout en menant une guerre sanglante contre des milices islamistes sunnites tel l'EIIL qui ont tué plus de 10 000 personnes de l'autre côté de la frontière en Syrie, sont ridicules. La force motrice derrière l'offensive de l'EIIL est le fait que les puissances impérialistes ont inondé d'armes les milices syriennes d'opposition, ce qui a déstabilisé la région toute entière.

Mais l'élaboration par le NPA de mensonges flagrants est plus qu'une simple tentative de dissimuler le sale bilan du NPA en Syrie. Tandis que Washington envoie à nouveau des centaines de « conseillers » militaires en Irak, la tournure rapide des événements conduit à une nouvelle guerre des Etats-Unis et de l'OTAN en Irak. Une telle guerre, menée dans une situation mondiale encore plus explosive que lors de la première invasion de 2003, risquerait d'impliquer les puissances régionales majeures alliées à certaines factions en Irak, comme la Turquie, l'Iran et l'Arabie saoudite, dans un conflit régional voire même mondial.

Replacée dans ce contexte, la conclusion de l'analyse du NPA est d'une complaisance criminelle. Il écrit benoîtement, « Quant à Obama, confronté au bilan désastreux de la politique américaine dans la région, il a conditionné son aide à l’Irak à une solution politique entre Maliki et ses anciens partenaires, en même temps qu’il se rapproche du pouvoir iranien. »

Les spéculations du NPA sur une trêve entre Maliki et les forces sunnites, négociée par Washington et arrivant en pleine intensification des combats et de l'intervention militaire en Irak, sont absurdes et réactionnaires. Même si les puissances impérialistes réussissaient à négocier une trêve provisoire entre factions irakiennes cela ne mettrait pas fin à la la tendance à l'intensification de la violence dans la région. Cette tendance est déterminée par la politique téméraire et agressive de l'impérialisme (guerre en Syrie, menaces de guerre avec l'Iran au sujet de son programme nucléaire, héritage amer des neuf années d'occupation américaine de l'Irak) que le NPA défend.

Internationalement, la classe ouvrière est confrontée non pas à une politique de paix de la part de Washington, mais à la nécessité d'une lutte politique contre la guerre impérialiste, au cours de laquelle elle affrontera les groupes pro-impérialistes de pseudo-gauche, tel le NPA, qui sont ses ennemis politiques.

 

(Article original paru le 25 juin 2014)

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