Les Etats-Unis se préparent à infliger une amende à une grande banque française

Les Etats-Unis se préparent à imposer une amende de quelque 10 milliards de dollars à la banque française BNP Paribas. Anticipant une sanction financière, la banque avait constitué une provision de 1,1 milliard de dollars.

De multiples reportages de presse disant que la banque était susceptible d’être pénalisée près de dix fois ce montant ont entraîné une chute de son titre en bourse. Depuis janvier, BNP Paribas a d’ores et déjà perdu 15 pour cent de sa capitalisation boursière, en grande partie en raison de l’enquête menée aux Etats-Unis. Des reportages concernant l’amende proposée ont été suivis d'une menace de l’agence de notation Standard & Poor’s de dégrader la note de la banque.

Les autorités américaines accusent BNP Paribas d’avoir réalisé des opérations financières avec des pays faisant l'objet de sanctions économiques américaines – notamment l’Iran, le Soudan et Cuba.

En 2012, Washington avait pénalisé d’autres banques étrangères, dont HSBC et Standard Chartered, toutes deux basées en Grande-Bretagne, pour avoir maintenu des relations financières avec des pays faisant l’objet de sanctions américaines. Standard Chartered avait été astreint de verser près de 700 millions de dollars au gouvernement fédéral et à l’Etat de New York pour pouvoir poursuivre ses activités aux Etats-Unis.

HSBC, la plus grande banque d’Europe, avait accepté de payer 1,9 milliard de dollars dans le cadre d’un règlement avec les autorités fédérales et celles de l’Etat de New York concernant des transactions avec l’Iran, Cuba, la Libye, le Soudan et Myanmar.

Non seulement les Etats-Unis exigent une amende bien plus importante de BNP Paribas, mais ils insistent aussi pour que la banque reconnaisse avoir commis une infraction pénale. Une telle reconnaissance rendrait la banque passible d'autres poursuites et permettrait aux régulateurs américains d’interdire à la BNP de régler des transactions en dollars, ce qui est une partie intégrante de toute activité bancaire internationale.

Deux autres banques françaises – la Société Générale et le Crédit Agricole – feraient également l’objet d’une enquête par les autorités américaines pour violation de sanctions et blanchiment d’argent. Ces trois sociétés constituent les trois plus grandes banques françaises.

Outre les banques françaises, la banque suisse Crédit Suisse est accusée d’avoir constitué un paradis fiscal pour de riches Américains.

La proposition de pénaliser BNP Paribas a été vivement critiquée par d’influents politiciens français. En avril, le président français François Hollande avait écrit une lettre au président Obama pour se plaindre de la décision prise à l’encontre de la banque française. Il a profité du voyage d’Obama en Europe la semaine passée pour renouveler sa plainte.

Lors d’une conférence de presse mercredi dernier à l’issue de la réunion des dirigeants du G7 à Bruxelles, Hollande a qualifié les amendes proposées de « totalement disproportionnées, injustes » et qui « pourraient avoir des conséquences économiques et financières sur l’ensemble de la zone euro. » Il a mis en garde que « d’autres banques pourrait être également visées, introduisant un doute, une suspicion sur la solidité du système financier européen. »

Le ministre français de l’Economie, Arnaud Montebourg, est allé plus loin jeudi en comparant l’action américaine prise contre BNP Paribas à une « peine de mort. » « Quelles que soient les fautes, la peine de mort n’est pas acceptable, » a dit Montebourg au micro d’une radio française. L’ancien président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a également pesé dans le débat en prévenant que les sanctions envisagées pour BNP Paribas pourraient provoquer une réaction en chaîne dans l’ensemble du système financier.

Suite aux plaintes de la France, Obama a clairement fait comprendre jeudi qu’il n’interviendrait pas en faveur de BNP Paribas ni d’autres banques françaises. « Je ne prends pas mon téléphone pour dire au procureur général comment instruire les affaires de sa compétence, » a-t-il dit. « Pour ma part, ce n’est pas un positionnement unique. Il peut y avoir d’autres traditions dans d’autres pays, mais ces mesures sont prises pour éviter que l’application de la loi ne soit pas affectée par des raisons d’ordre politique. »

L’hypocrisie du président américain est stupéfiante. Ces poursuites judiciaires contre des banques étrangères visent à conférer à l’opinion publique américaine l’impression que le gouvernement Obama est sévère vis-à-vis des banques. La réalité est qu’Obama et son procureur général, Eric Holder, ont refusé d’intenter des poursuites pénales contre une seule grande banque américaine ou haut responsable bancaire alors même que des enquêtes menées par le Congrès ou au niveau fédéral ont rassemblé des preuves massives d’agissements criminels illicites, tant avant qu’après le krach de Wall Street de 2008.

En mai dernier, le Département américain de la Justice a posté une vidéo dans laquelle Holder se vante d’avoir intenté des actions en justice contre d’importantes banques. Holder déclare, « Rien n'est trop grand pour échapper à la prison. »

Mais la prétendue preuve de cette déclaration a pris la forme d’enquêtes criminelles visant presque exclusivement des banques étrangères qui sont en concurrence avec les grandes banques américaines. Il est également significatif qu’aucune des accusations portées contre BNP Paribas et d’autres banques européennes ne sont liées aux activités frauduleuses qui ont mené à l’effondrement financier de 2008 qui continuent de manière inchangée sous une forme ou une autre, sur les marchés financiers aux Etats-Unis, en Europe et dans le monde.

Avec le plein appui de leur gouvernement respectif, les principales banques en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Suisse et dans d’autres pays européens, étaient tout à fait disposées à participer à l’orgie de spéculation financière qui a conduit, il y près de six ans, à l’effondrement du système financier international. Mais mener des enquêtes sur de telles infractions auprès des banques européennes, ferait inévitablement apparaître le rôle joué par Wall Street, ce que Washington cherche à éviter à tout prix.

Obama fait actuellement campagne pour que l’Europe soutienne des sanctions économiques plus sévères contre la Russie. Le message de l’action menée par les Etats-Unis contre BNP Paribas est que toute institution financière internationale qui chercherait à contourner les sanctions américaines risque de se voir infliger des amendes et des pénalités similaires.

Article original paru le 9 juin 2014)

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