Un jeune rom agressé par des lyncheurs dans la banlieue nord de Paris

Un adolescent rom de 16 ans, Darius, a été enlevé et sauvagement battu par des lyncheurs vendredi 13 juin à la Cité des Poètes, un quartier de Pierrefitte-sur-Seine, une banlieue pauvre de Paris. Au moment de l'écriture de cet article, il est toujours dans le coma, entre la vie et la mort dans un hôpital parisien après avoir subi de multiples fractures du crâne. 

L'agression de Darius est une accusation de la société française et en particulier de la persécution des Roms par le gouvernement PS (Parti socialiste) dont les dirigeants ordonnent à la police d'évacuer les campements de Roms et ont appelés à ce que tous les Roms quittent la France. Le gouvernement et la police ont maintenu le silence sur ce lynchage pendant quatre jours, laissant finalement la nouvelle filtrer jeudi. 

Julie Launois-Flacelière, l'avocate choisie par la famille de Darius, a déclaré, « Darius a été enlevé sous leurs yeux, par plusieurs individus, dont il semblerait qu'une partie ait été cagoulée et armée. » L'adolescent aurait été poussé dans une Renault Clio vers 5h30 de l'après-midi vendredi par un groupe d'hommes armés. D'après la police, Darius a été ensuite enfermé dans un sous-sol, où il a été battu presque à mort. 

Quelques heures après l'enlèvement de Darius, sa mère a reçu un appel sur son portable qui demandait une rançon de 15 000 euros pour le récupérer. Elle a alors alerté la police. Darius a été retrouvé gisant dans un caddie de supermarché abandonné au bord de la nationale 1. 

Il a été rapporté que l'agression commise contre Darius était un acte de vengeance, les habitants du lieu l'ayant accusé d'avoir volé des bijoux dans un appartement proche plus tôt le vendredi. La procureur Sylvie Moisson a déclaré que cette agression a eu lieu après qu'un appartement avait été cambriolé avec effraction. Il aurait été interrogé par la police à propos de vols dans le quartier, mais aucun délit ne lui a été reproché. 

Darius, avec sa famille et d'autres Roms, habitait dans un campement de fortune proche de la Cité des Poètes à Pierrefitte-sur-Seine, qui abritait environ deux-cent Roms. Leur camp s’était établi près d'une maison abandonnée il y a quelques semaines, après qu'ils aient été expulsés d'Aubervilliers à la fin du mois de mai. Après l'agression contre ce garçon, les roms du camp, ayant peur, ont fui le soir même. 

La principale responsabilité dans cette agression barbare contre le jeune Darius est à imputer à l'élite politique et aux grands médias. Au cours des cinq dernières années, l'élite politique française a adopté des mesures raciales et discriminatoires qui visent la population rom et qui stigmatisent tout ce groupe ethnique. 

L’escalade des tensions sociales sous-tendant cette agression ont été provoquées par la vilification des roms par le PS, les actions récentes de la police pour vider les camps roms dans toute la France, et par la pauvreté et le désespoir qui règnent dans les banlieues françaises et ont été causées par des décennies d'austérité sociale et de coupes budgétaires. 

Le taux de chômage dans les banlieues françaises les plus pauvres est de 24 pour cent, contre 10,1 pour cent à l'échelon national. Les jeunes entre 15 et 24 ans sont les plus affectés par le chômage, qui pour eux atteint les 45 pour cent. 

Un électricien de 27 ans qui habite à proximité, Toufik, a déclaré au Monde, « On est condamné à se faire justice nous-mêmes, d'ailleurs, on est condamnés à tout faire nous-mêmes, commente-t-il. C'est ça, le problème. Tous les jeunes ont eu des problèmes avec la police, on va pas les appeler ! Bon, le gamin, il a pris une raclée, trop forte, d'accord, mais il aurait pas dû faire ça. J'espère que tous ses cousins ont compris. On vole pas les pauvres. Ici, il n'y a pas un ciné, pas un centre commercial, pas une piscine, pas un parc pour les enfants, rien. » 

Durant la campagne présidentielle de 2012, le candidat de l'époque François Hollande s’était engagé à trouver une « solution » à la question rom qui comportait la destruction de leurs campements et leur détention dans des endroits spéciaux – ce qui montrait clairement qu'il continuerait la politique anti-roms du président sortant, le conservateur Nicolas Sarkozy. 

Après l'élection de Hollande, son gouvernement a décidé de prendre agressivement pour cible les Roms. Il a expulsé de force les Roms de leurs campements en France, en déportant des dizaines de milliers. L'an dernier, le ministre de l'Intérieur d'alors et actuel Premier ministre Manuel Valls a affirmé que les Roms devraient être déportés et dit « Nous ne sommes pas là pour accueillir ces populations. » il a donné aux autorités locales mission de « démanteler les camps de Roms quand il y a eu une décision de justice. » 

Mercredi 18 juin, les autorités locales ont ordonné le démantèlement d'un camp rom à Marseille, qui abritait 400 personnes, dont des centaines d'enfants. Le gouvernement PS aurait expulsé 19 380 Roms de leurs campements de fortune en 2013, un record. En octobre dernier, le gouvernement a déporté une jeune lycéenne rom de 15 ans, Leonarda Dibrani, avec sa famille vers le Kosovo, déclenchant des manifestations d'écoliers dans plusieurs villes. 

Après avoir finalement rompu leur silence sur le lynchage de Darius, le PS et les médias ont tenté de minimiser leurs attaques constantes contre les Roms et de se distancer de ce crime commis par des gens voulant se faire justice eux-mêmes. Hollande a qualifié cette agression d'« actes abominables et injustifiables, qui heurtent tous les principes sur lesquels notre République est fondée. » Pendant que Valls parlait « d'acte inacceptable. » 

Dans un éditorial du 18 juin, Le Monde s’est cyniquement montré inquiété par ce crime et l'indifférence envers les souffrances des Roms en France. Ce journal écrit, « Faut-il rappeler, cependant, que la République serait indigne d'elle-même si elle laissait s'installer cette indifférence coupable ? Sauf à admettre son impuissance face à de sinistres vendettas comme celle de la cité des Poètes. Ce serait le pire. » 

Quelle méprisable hypocrisie! Pendant des années, ce journal a, comme le reste des médias et de l'élite politique, soutenu le PS et la persécution des Roms par Hollande. Totalement indifférents vis-à-vis des conséquences de cette politique, ils n’en font une question maintenant que parce que les conséquences horribles de leur persécution ethnique ont choqué les gens dans toute la France. 

Quand en 2010, le prédécesseur de Hollande, Sarkozy, avait appelé au démantèlement des camps roms dans le pays et à retirer leur nationalité aux immigrés, les politiciens et les médias avaient critiqué ces méthodes anti-démocratiques. Les mesures de Sarkozy ont été largement comparées aux persécutions des minorités ethniques, dont les Juifs et les Roms, sous le régime collaborationniste de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Maintenant c'est le PS qui mène la persécution ethnique contre les Roms. Cependant, il ne rencontre aucune opposition de l'intérieur de l'élite politique ou médiatique. Les organisations de la pseudo-gauche comme le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), qui ont soutenu l'élection de Hollande et ont fait quelques critiques en sourdine de la politique anti-roms de Sarkozy, restent totalement silencieux sur la persécution des Roms par le PS. Toutes ces forces sont politiquement impliquées dans l'assaut contre Darius. 

(Article original paru le 20 juin 2014)

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