Une hystérie anti-musulmane fomentée en France autour de la Coupe du Monde

La crise politique provoquée par la performance impressionnante de la sélection algérienne dans la Coupe du Monde témoigne des tensions explosives qui existent dans la société française, et de l'impact de décennies d'incitation au racisme anti-musulman par les élites dominantes.

Dans les banlieues de France, où les jeunes d'origine immigrée ont à vivre au quotidien les confrontations avec les forces de l'ordre, les victoires algériennes ont étés fêtées, des voitures ont été brûlées et il y a eu des interpellations. Le 22 juin, au cours de célébrations après la victoire de l'équipe algérienne sur la Corée du Sud, une trentaine de personnes furent arrêtées et le 26 juin après le match nul avec la Russie qui signifiait que l'Algérie, pour la première fois dans l'histoire de la Coupe du Monde, parvenait aux huitièmes de finale, ce furent 74 personnes qui furent arrêtées.

Le Parti socialiste (PS) au pouvoir et différents partis de droite ont saisi l’occasion de ces arrestations pour monter une répression des manifestations de sentiments pro-algériens pendant la compétition.

Dans un entretien publié dans 20 Minutes, le sociologue Laurent Mucchielli a fait remarquer: « 74 interpellations, ce n’est pas rien, mais ramenées à l’échelle du pays, ce ne sont que des incidents isolés. Les débordements en marge d’événements sportifs sont légion... et cela ne concerne pas que les matchs de football disputés par l’équipe nationale d’Algérie ».

« Déjà, le traitement politique et médiatique de ces incidents est démesuré », a-t-il rajouté. « Le ministère de l'Intérieur [veut] montrer qu’il prend les choses en main ».

Les conseil municipaux de villes dans toute la France, y compris Paris et sa mairie dominée par le PS, ont monté des écrans géants pour des visionnements publics du match France-Nigeria, qui commençait à 18 heures mais ont refusé de diffuser le match Algérie-Allemagne quatre heures plus tard, malgré l'intérêt énorme pour l’équipe algérienne en France, l'ancien pouvoir colonial en Algérie. Entre 2,5 et 4 millions de gens issus de l'immigration algérienne vivent en France.

Marine Le Pen, dirigeante du Front national néo-fasciste, a affirmé sur i-Télé qu'il fallait «maintenant mettre fin à la double nationalité» que beaucoup d'Algériens possèdent. Elle a demandé aussi l'« arrêt de l'immigration, [la]modification du Code de la nationalité pour mettre un terme à l'acquisition automatique de la nationalité française et [le] rétablissement de la possibilité de renvoyer chez elles les personnes de nationalité étrangère si elles sont responsables de délits ou de crimes ».

Christian Estrosi, le maire UMP de Nice, a interdit « l'utilisation ostentatoire de drapeaux » au centre de Nice pour la durée de la Coupe du Monde afin, selon lui, de « maintenir l'ordre et la tranquillité publique ». Il a déjà interdit les drapeaux étrangers aux mariages à Nice.

Les mesures d'Estrosi ont une signification non seulement politique mais aussi historique. Le déploiement d'un drapeau algérien en 1945 à Sétif en Algérie, pendant une parade célébrant la fin de la Seconde Guerre Mondiale mena au massacre de quelque 20.000 Algériens aux mains de l'armée française. Ce crime fut le prélude à de plus grandes tueries encore et à l'usage massif de la torture durant la tentative manquée de la France d'écraser les combattants algériens pendant la guerre d'indépendance réussie de l'Algérie (1954 à 1962).

A mesure que pauvreté et chômage augmentent dans les banlieues immigrées en France et que l'impérialisme français lance de plus en plus de guerres dans des pays musulmans, tels le Mali ou la Syrie, les élites dominantes sont de plus en plus fortement conscientes de la menace posée par l’hostilité anti-impérialiste au sein des masses.

Dans le quotidien de droite Le Figaro, Ivan Rioufol dénonce les Algériens pour être insuffisamment français: « Leurs parents ayant refusé l'Algérie française, ils veulent la France algérienne. Leurs drapeaux brandis dans les rues expriment un refus du vivre-ensemble, voire une volonté de contre-colonisation ».

Pour l'establishment politique français, qui, de l'extrême droite aux partis de la pseudo-gauche petite bourgeoise tel le Nouveau parti anti-capitaliste, a soutenu les interventions impérialistes françaises au Moyen-Orient et en Afrique, même « une volonté de contre-colonisation » représente un danger qu’il ne peut tolérer. Elle menace de torpiller la promotion du sentiment anti-islamique qui est devenu une des pierres d’angle de la politique de la classe dominante française et dont l’objectif est de diviser la classe ouvrière et d’empoisonner la vie politique.

La loi de 2003 interdisant le foulard islamique et les signes religieux « ostentatoires » dans les écoles, venue après la trahison des grèves de masse contre les coupes dans les retraites, où les enseignants ont joué un rôle majeur, fut soutenu tant par l'UMP que le PS et les partis de la pseudo-gauche. Ceci a ouvert les vannes pour une série de lois discriminatoires contre les Musulmans, sous couvert cynique d’une défense de « la laïcité » contre l'Islam.

L'interdiction du foulard à l'école fut suivi en 2010 par la loi interdisant le port de la burqa dans l'espace public, encore une fois avec le soutien quasi unanime de l'establishment politique. Mardi dernier, un homme a été condamné à 3 ans de prison pour un incident ayant eu lieu l'année dernière comme il rentrait du marché avec sa femme et leur bébé à Trappes dans la banlieue sud-ouest de Paris. L’homme s'était opposé à ce que la police stoppe sa femme qui portait le voile intégral.

Le fait que le gouvernement PS ait désigné l'ethnie rom toute entière comme une cible pour la déportation de masse, en continuité avec la politique de l'administration conservatrice antérieure du président Nicolas Sarkozy, a contribué à faire monter et à enfiévrer au maximum les tensions ethniques.

C'est dans cette atmosphère délétère que la Coupe du Monde a été l'occasion d’encourager l'Islamaphobie et les sentiments pro-impérialistes.

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