Les frappes aériennes tuent des civils tandis qu'Israël prépare un nouveau bain de sang à Gaza

Les bombardements et attaques de roquettes israéliens contre les quartiers appauvris densément peuplés de Gaza ont coûté la vie à au moins 27 Palestiniens dans la nuit de mardi et fait bien plus de 130 blessés, dont beaucoup gravement.

L'armée israélienne s'est vantée d'avoir lancé plus de 273 frappes aériennes mardi. Ces attaques perpétrées par des avions de combat F-16, des hélicoptères Apache et des drones, ont transformé les maisons en tas de gravats et ont fait s'élever des flammes et de la fumée dans le ciel de Gaza où près de deux millions de Palestiniens sont confinés dans ce qui est, en fait, la plus grande prison en plein air du monde.

La pire de ces attaques a été perpétrée contre une maison dans ville de Khan Yunis, au Sud de Gaza, où un missile lancé par un avion de combat F-16 a touché le bâtiment au moment où les résidents cherchaient à s'enfuir. Parmi les sept personnes tuées dans l'attaque, il y avait deux jeunes garçons de 13 et 14 ans. Un enfant de huit ans qui avait été touché par des éclats d'obus est mort un peu plus tard à l'hôpital. Au moins 25 personnes de plus ont été blessées dans cette attaque aérienne.

D'autres frappes ont pris la forme de « meurtres ciblés. » Des individus membres du Parti Hamas au pouvoir ont été assassinés par des frappes de missiles sur leur domicile ou leur voiture, ou ont été annihilés tandis qu'ils marchaient dans la rue.

Des responsables médicaux de Gaza avertissent que ces attaques incessantes vont très rapidement engendrer une catastrophe humanitaire. Du fait du blocus israélo-égyptien du territoire, les hôpitaux ne disposent pas de grandes quantités de médicaments et fournitures de base et ils manquent cruellement d'autres produits. Les pénuries de combustibles laissent fréquemment Gaza sans électricité, ce qui met en danger la vie des patients reliés à des machines tels des couveuses et des machines à dialyse.

« Avant, nous avions une crise dans un domaine précis, pas des crises à tous les niveaux comme aujourd'hui, » a dit à Al Jazeera le Dr Ayman al-Sahbani, chef du service des urgences de l'hôpital Al-Shifa, le plus grand établissement médical de Gaza.

Le gouvernement du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a autorisé l'Armée de défense d'Israël (ADI) à mobiliser jusqu'à 40 000 réservistes en préparation d'une possible attaque terrestre. Des soldats, des chars de combat et des véhicules blindés de transport de troupes ont déjà été mobilisés le long de la frontière d'Israël avec Gaza. Alors que le commandement de l'ADI n'a mobilisé que 1 500 réservistes lundi, le lieutenant général Benny Gantz, chef d'Etat major, a indiqué qu'une mobilisation bien plus importante débuterait pour remplacer les soldats occupant la Cisjordanie qui ont été redéployés à la frontière de Gaza.

Des responsables israéliens ont clairement laissé entendre que le bain de sang de la nuit de lundi et de mardi n'était qu'un début. Une source proche de Netanyahu a dit mardi à la radio de l'armée israélienne que le premier ministre rencontrait le haut commandement militaire cet après-midi-là afin d'organiser « un élargissement significatif » de l'offensive israélienne, où l'ordre serait donné à l'ADI de « ne pas y aller de main morte. »

Dans une déclaration vidéo diffusée à la télévision israélienne mardi soir, Netanyahu a déclaré qu'il avait « ordonné une expansion significative » de l'attaque militaire contre Gaza, ce que l'ADI a appelé en anglais « Opération Protective Edge » (Bordure protectrice.) Ceci est une traduction délibérément erronée de l'hébreu qui est Tzuk Eytan, ou « Roche solide. » Le régime israélien pense clairement qu'une traduction précise de l'expression en hébreu suggèrerait trop clairement la brutalité de l'agression militaire qu'il est en train de perpétrer.

La propagande israélienne, consciencieusement reprise par les médias occidentaux, décrit l'acharnement sur Gaza comme une action « défensive » de la part de Tel Aviv en réponse aux attaques de roquette lancées depuis Gaza contre Israël. Mais à partir de la nuit de mardi, ces attaques n'avaient coûté la vie à aucun Israélien, ni n'avaient gravement blessé personne. On passe aussi sous silence le fait que ces attaques de roquette elles-mêmes avaient été lancées en réponse aux bombardements, assassinats et arrestations systématiques de politiciens et militants palestiniens par Israël.

C'est une opinion largement répandue en Israël qu'une forme d'invasion terrestre est quasiment inévitable. La dernière attaque importante contre Gaza en novembre 2012 s'était achevée, grâce à un cessez-le-feu négocié par l'Egypte, après le meurtre de quelque 150 Palestiniens, sans qu'il y ait eu invasion. Le régime de l'homme fort de l'armée égyptienne Abdel Fattah el Sisi, soutenu par les Etats-Unis, n'a pas manifesté le moindre désir de jouer un rôle similaire cette fois.

Lors de la dernière invasion terrestre de 2008-2009, connue sous le nom d'Opération plomb durci, l'armée israélienne avait tué plus de 1 400 Palestiniens, dont près de la moitié étaient des civils sans armes. En tout, 13 Israéliens étaient morts durant la même opération, tous soldats hormis trois d'entre eux. 

De telles attaques sanglantes sont tellement habituelles que, comme le faisait remarquer mardi le New York Times, les responsables de la sécurité israélienne parlent des tueries à Gaza en utilisant des termes comme « tondre l'herbe. » 

Comme toujours, l'agression israélienne est fortement motivée par la politique intérieure. A la veille de l'offensive, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a dissous l'alliance de son parti Yisrael Beiteinu avec le Bloc Likoud de Netanyahu, tout en acceptant de rester dans le gouvernement de coalition. Cette manoeuvre permet à Lieberman de critiquer Netanyahu par la droite, en exigeant une politique encore plus sanguinaire contre les Palestiniens, en vue de défier le Likoud à la prochaine élection. Ce défi par la droite pousse clairement Netanyahu à étendre la tuerie à Gaza.

Mais l'offensive actuelle a été politiquement préparée durant tout le mois précédent, à commencer par l'enlèvement et le meurtre, le 12 juin, de trois adolescents israéliens qui ont été enlevés alors qu'ils faisaient du stop depuis une colonie sioniste illégale de la Cisjordanie occupée.

Le gouvernement Netanyahu a lancé une campagne de propagande d'envergure en utilisant le hashtag #BringBackOurBoys, en accusant sans la moindre preuve le Hamas pour l'enlèvement. Sous prétexte de rechercher les jeunes gens, le régime israélien a lancé la répression dans la Cisjordanie occupée, arrêtant plus de 560 Palestiniens, dont des responsables en vue liés au Hamas. 200 d'entre eux au moins sont toujours emprisonnés sans chef d'accusation.

Après la découverte des corps des trois jeunes gens le 30 juin, les autorités ont rendu public l'enregistrement d'un appel téléphonique fait par l'un d'eux à la police et qui se termine par le bruit de coups de feu. Les responsables de la sécurité ont reconnu que dès le début ils étaient parvenus à la conclusion que les trois jeunes gens avaient été tués immédiatement après leur enlèvement. Mais ils l'ont dissimulé au public, en imposant une consigne de silence aux médias israéliens et ont même menti aux familles.

Le gouvernement Netanyahu était déterminé à exploiter pleinement l'incident pour réaliser une série d'objectifs politiques. Il a cherché à utiliser la répression en Cisjordanie, en y impliquant les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne (AP) qui est censée gouverner le territoire, comme un moyen de saborder le pacte de réconciliation auquel l'AP était parvenue avec le Hamas. Cet accord a conduit à un nouveau gouvernement d'union qui est tacitement reconnu internationalement, mais qui est amèrement rejeté par Israël.

Il a aussi utilisé l'enlèvement pour détourner les critiques internationales à l'égard de Tel Aviv accusé d'avoir sabordé la dernière série en date de plusieurs décennies de « pourparlers de paix » par la reprise de l'expansion des colonies sionistes en Cisjordanie et de n'avoir pas poursuivi sa promesse de relâcher des prisonniers politiques palestiniens.

Et enfin cet épisode a été utilisé pour fomenter le nationalisme sioniste de droite et des sentiments anti-Palestiniens virulents au sein de la population d'Israël. Netanyahu lui-même a qualifié les Palestiniens d' « animaux humains » et a parlé de « vengeance. »

Dans un article révélant les manipulations de l'enlèvement par le régime israélien, Max Blumenthal, auteur de Goliath: Vie et Haine dans le grand Israël, écrit de Netanyahu et de l'appareil militaire et du renseignement: « Par le biais d'un mélange toxique de propagande, de subterfuges et d'incitations, ils ont embrasé une situation précaire, en manipulant les Israéliens pour faire qu'ils soutiennent leur programme jusqu'à rendre inévitable un cauchemar totalement évitable. »

Ce cauchemar a pris la forme d'une populace sioniste droitière défilant dans les rues de Jérusalem en scandant « Mort aux Arabes » et en attaquant les Palestiniens. Cela a conduit au meurtre de Mohammed Abu Khdeir, 16 ans, qui a été brûlé vif mercredi dernier par un gang de sionistes d'extrême-droite.

Et maintenant ce cauchemar est infligé à Gaza. Comme lors des offensives précédentes, cette toute dernière agression israélienne bénéficie du soutien sans réserve de Washington. John Earnest, porte-parole d'Obama a dit lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche mardi, « Nous condamnons avec force le lancement incessant de roquettes sur Israël... En même temps, nous apprécions l'appel lancé par le premier ministre Netanyahu à agir de façon responsable. »

La porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jen Psaki a déclaré qu'Israël « envoyait un message fort » avec ses meurtres à Gaza et a affirmé à plusieurs reprises que le régime sioniste était « en droit de se défendre. » Lorsqu'un journaliste lui a demandé si elle pensait que les Palestiniens de Gaza étaient en droit de se défendre, elle a répondu, « Je ne vois pas où vous voulez en venir. »

(Article original paru le 9 juillet 2014)

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