Des chaînes de télévision américaines retirent de Gaza des journalistes critiques de l’invasion israélienne

Deux jours de suite la semaine dernière, des journalistes faisant des reportages depuis la zone de guerre et n’ayant pas affiché un soutien inconditionnel pour Israël, ont été retirés de Gaza par les managers de chaînes de télévision américaines.

Ayman Mohyeldin, un journaliste primé d’origine égyptienne de NBC News, qui avait déjà fait sur le terrain des reportages de l’invasion israélienne de Gaza en 2008-2009 et s’est distingué pour sa façon objective d’informer sur l’actuelle invasion, a soudain été retiré de la région jeudi 17 juillet.

On l’a fait partir après qu’il ait décrit, sur les réseaux sociaux, le meurtre mercredi 16 juillet de quatre enfants palestiniens par des canonnières israéliennes, alors que ceux-ci, âgés de 9 à 11 ans, et tous de la même famille, jouaient au football sur la plage de Gaza, à proximité d’hôtels utilisés par des journalistes étrangers.

Mohyeldin écrivit sur Tweet, de façon émouvante, sur cette mort tragique: « quatre enfants palestiniens tués par une seule frappe aérienne d’Israël. Quelques minutes avant qu’ils ne soient tués près de notre hôtel, je jouais encore au foot avec eux ». Il a aussi envoyé des photos et une vidéo des parents dévastés.

Tandis que NBC n’a donné aucune explication publique du bannissement de Mohyeldin, de nombreux articles ont dit que les managers des chaînes de télévision avaient avancé des « inquiétudes quant à la sécurité » comme raison de leur décision. Le Huffington Post cependant, ainsi que d’autres sources, ont suggéré que la cause immédiate de ce limogeage était un message qu’il avait envoyé sur Tweet, puis ensuite retiré, et qui questionnait un porte parole du Département d’Etat américain qui faisait porter la responsabilité de la mort des quatre enfants au mouvement islamiste palestinien Hamas.

Le message lisible sur Tweet commençait ainsi: « Le porte parole du Département d’Etat vient de dire que c’était Hamas qui en dernier ressort était responsable du bombardement de la part d’Israël et de la mort des quatre garçons qui étaient cousins et âgés de 9 à 11 ans, parce qu’Hamas n’avait pas accepté le cessez-le-feu. Discutez en entre vous. »

Informant jeudi sur la révocation de Mohyeldin, le journaliste Glenn Greenwald, lauréat du Prix Pulitzer, et qui a collaboré étroitement avec Edward Snowden dans la révélation de l’espionnage de masse secret et illégal de la NSA (National security agency), a cité un article de Mohyeldin de la semaine dernière dans lequel il dit « Vous pouvez comprendre pourquoi certaines organisations de défense des droits de l’homme appellent Gaza la plus grande prison en plein air du monde. » Dans son reportage, Mohyeldin dit encore « une des plaintes et des frustrations les plus importantes chez beaucoup de gens est qu’il s’agit d’une forme de punition collective. Voilà 1,7 millions de personnes dans ce territoire maintenant bombardé qui n’ont vraiment aucune issue. »

Grennwald fait remarquer que les sites Internet droitiers et pro Israël ont de façon répétée dénoncé Mohyeldin comme un « porte parole du Hamas » débitant des « diatribes pro Hamas ».

De façon inexpliquée, Mohyeldin était absent aux nouvelles du soir diffusées sur NBC mercredi, et au lieu de lui, ont vit le principal correspondant étranger de la chaîne, Richard Engel, chapeauter depuis Tel Aviv son reportage sur le meurtre des garçons palestiniens. Engel, qui a dans la récente période répété depuis toutes les zones de guerre, y compris la Libye et la Syrie la propagande du Département d’Etat de façon indéfectible, a eu pour mission de remplacer Mohyeldin à Gaza.

Vendredi, CNN a retiré de son poste à Gaza sa correspondante Diana Magnay qui y couvrait pour la chaîne l’invasion israélienne. Elle a été bannie en représailles d’un message Tweet dans lequel elle qualifiait de racaille des Israéliens qui jubilaient en voyant Gaza bombardé et qui avaient menacé de l’attaquer si elle divergeait de la ligne du gouvernement israélien.

Magnay apparut sur CNN jeudi, informant depuis une colline surplombant la frontière entre Gaza et Israël. Alors qu’elle faisait son reportage, on pouvait entendre des Israéliens poussant des cris de joie alors que des missiles étaient tirés sur le territoire palestinien. Après son reportage en direct, Magnay a mis ce message en ligne sur Tweet: « Des Israéliens sur les collines au dessus de Sderot jubilent alors que les bombes tombent sur Gaza; menacent notre voiture si je dis un mot de travers. Racaille. »

Le message Tweet fut promptement retiré et une porte-parole de CNN présenta des excuses serviles suivies d’une annonce qu’on avait renvoyé Magnay à Moscou.

Ces incidents mettent en évidence l’autocensure rigide et à toute épreuve pratiquée par les médias contrôlés par la grande entreprise, qui ne se préoccupent plus guère de déguiser leur rôle de fournisseurs de mensonges et de propagande gouvernementale. Ils réagissent à toute marque de sympathie pour le calvaire des Palestiniens, à toute allusion critique des crimes de guerres israéliens par le bannissement immédiat, suivi en général d’une figuration sur la Liste noire.

La révocation des deux reporters, en particulier celle de Mohyeldin, se veut comme un avertissement à d’autres journalistes qui conservent encore quelque engagement envers les principes du journalisme et le respect de la vérité, de ce qu’ils ont à la fermer. En aucune circonstance il ne faut permettre aux gens un accès à une information honnête et objective de ce qui se passe actuellement dans la bande de Gaza.

Pour une telle information, il ne faut pas s’appuyer sur les médias patronaux, mais sur l’organe de la classe ouvrière internationale, le World Socialist Web Site.

(Article original paru le 19 juillet 2014)

 

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