Perspectives

La crise toxique de la société israélienne

Alors que le bilan du bombardement israélien sur Gaza dépassait les 100 morts, on a rapporté que les Israéliens juifs ultranationalistes qui avaient enlevé Mohammed Abu Kheir, 16 ans, à Jérusalem Est la semaine dernière l'avaient assassiné en le forçant à ingurgiter de l'essence avant de l’enflammer.

Il y a un lien étroit entre la violence pratiquée par le gouvernement israélien contre la population sans défense de Gaza et l'émergence d'éléments fascistes au sein d'Israël capables de crimes aussi bestiaux. 

Ces événements sont symptomatiques d'une crise sociale et politique immense en Israël même. La répression sans fin et de plus en plus intense des Palestiniens exige la mobilisation des forces les plus réactionnaires. La société israélienne est immensément polarisée. D'importantes sections de la société israélienne sont opposées à la brutalité utilisée contre les Palestiniens, qu'ils considèrent comme injustifiable et politiquement banqueroutière, mais ils ne trouvent aucun représentation dans un monde politique officiel israélien complètement réactionnaire. Chaque année, des milliers d'Israéliens votent avec leurs pieds et quittent le pays. 

Le bombardement en cours à Gaza est le dernier chapitre d'une histoire de 66 ans de violences contre le peuple Palestinien. Israël a été créé par la confiscation des terres palestiniennes et l'expulsion de ce peuple. Si beaucoup de Juifs sont venu en Israël pour échapper aux crimes horribles commis contre eux dans l'Europe fasciste au cours de la Seconde Guerre mondiale, le résultat tragique du projet sioniste est un Etat qui commet des crimes contre le peuple palestinien qui rappellent bien des méthodes employées par les nazis. 

Près d'un demi-siècle s'est écoulé depuis la Guerre des six jours en juin 1967 au cours de laquelle Israël s'est emparé de la Cisjordanie, de Jérusalem Est, de Gaza, du Plateau du Golan, qui appartenait à la Syrie, et d'autres territoires arabes. Le régime sioniste s'est défini par un cycle sans fin de guerre, d'occupation et de répression déclenchées par cette guerre. Des dizaines de milliers de Palestiniens ont été tués. Israël a fait de millions de Palestiniens des réfugiés permanents et soumis des générations à la pauvreté et à la répression. 

Cette histoire a eu des conséquences terribles pour les gens de la région, Juifs et Arabes. Les dirigeants israéliens se vantent d'être le seul pays « démocratique » au Moyen-Orient. C'est un mensonge. C'est un pays construit sur la répression de millions de Palestiniens, répression qui se traduit par des barrages routiers militarisés et des murs qui parcourent tous les territoires occupés, et par la domination de la vie publique par une poignée d'oligarques multimilliardaires et leur personnel. 

Israël est l'une des sociétés les plus inégalitaires au monde. Entre 1995 et 2011, la part du travail dans le revenu national a baissé plus vite dans ce pays qu'aux États-Unis. Au cours des deux dernières décennies, les salaires israéliens se sont effondrés. Le pays a 18 milliardaires, ce qui est substantiellement plus élevé par habitant (sur une population de 7,9 millions d'habitants) qu'aux États-Unis. Pendant que la pauvreté augmentait, les 500 israéliens les plus riches ont triplé leur richesse au cours des douze dernières années. L'élite dirigeante cherche à défléchir les tensions internes immenses de la société israélienne vers l'extérieur, vers la répression et la guerre contre les masses arabes. 

À l'été 2011, quelques mois après l'éclatement de la révolution en Égypte, la colère populaire contre la pauvreté, l'inégalité et les coupes budgétaires dans l'éducation, le logement et la santé ont explosé en manifestations de masses en Israël, qui ont mobilisé des centaines de milliers de manifestants. Dans les trois mois, le gouvernement avait lancé une nouvelle guerre à Gaza, un assaut aérien de huit jours qui a tué plus de 100 Palestiniens. 

Quel futur la politique de la classe dirigeante israélienne a-elle à proposer? Rien, à part toujours plus de guerres brutales dans lesquelles les tentatives de plus en plus violentes de briser la résistance des masses arabes ne feront que lancer Israël sur un chemin aux implications réellement génocidaires. Les conséquences seraient dévastatrices pour les Juifs comme pour les Arabes. 

La classe ouvrière doit empêcher une telle issue. La seule voie possible pour la classe ouvrière juive est de rompre avec le nationalisme sioniste. Les aspirations sociales des travailleurs et des jeunes israéliens ne trouvent aucune expression dans les divers partis droitiers de l'élite sioniste. Elles ne peuvent pas non plus avancer par le canal largement moribond des mouvements et partis « pacifistes » qui restent liés au cadre sioniste et nationaliste. 

Les travailleurs palestiniens et les masses opprimées sont victimes d'une répression horrible. Mais elles aussi sont victimes d'une perspective politique en faillite. Quand le mouvement palestinien est apparu il a 47 ans, la bourgeoisie arabe affirmait représenter un mouvement national unifié contre l'impérialisme. Les décennies qui ont suivi ont largement montré que ces affirmations étaient des mensonges.  

Les Palestiniens ont été trahis encore et encore par les divers gouvernements bourgeois arabes, tous liés à l'impérialisme, et par leurs propres dirigeants bourgeois des différentes factions de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de ses organisations islamistes rivales.

L'échec de la perspective nationaliste est démontré une fois de plus par l'isolement des masses palestiniennes à Gaza. Le gouvernement dirigé par le Hamas à Gaza cherche un soutien de la part des régimes bourgeois arabes qui sont des alliés de fait dans la suppression des Palestiniens par Israël. Le régime client des États-Unis en Égypte, dirigé par le chef du coup d'état, le général Abdel-Fattah al-Sisi, a refermé la frontière avec Gaza, laissant les Palestiniens piégés sous le déluge des bombes israéliennes. 

En même temps, la perspective nationaliste qui sous-tend la politique dite « des deux Etats » - un état sioniste aux côtés d'un micro Etat Palestinien démilitarisé et constitué de diverses parties déconnectées – s'est révélée en faillite. 

Dans des conditions où l'ensemble du Moyen-Orient éclate et risque de tomber dans une guerre couvrant toute la région en conséquence des politiques incendiaires et désastreuses de l'impérialisme américain, la classe ouvrière et les opprimés ont besoin en urgence d'une nouvelle perspective politique.  

Les seuls alliés des travailleurs et des opprimés palestiniens sont les travailleurs du monde entier, y compris aux États-Unis et en Israël. Dans chaque partie du monde, les travailleurs sont confrontés à une attaque massive contre leurs niveaux de vie et leurs droits démocratiques, ainsi qu'à la croissance de l'inégalité sociale. Ils sont profondément opposés au militarisme et aux guerres fomentées par les grandes puissances – que ce soit en Europe contre la Russie, en Asie contre la Chine, ou au Moyen-Orient contre la Syrie et l'Iran – qui menacent de déclencher une nouvelle guerre mondiale, nucléaire.  

La seule solution progressiste à cette crise est une solution qui s’appuie sur la lutte de classe de tous les travailleurs de la région unis contre l'impérialisme, le sionisme et la bourgeoisie arabe, en s'appuyant sur la lutte pour le socialisme. À la place de l'Israël sioniste et capitaliste, un Etat ouvrier doit être créé qui unisse tous les peuples sur une base démocratique et égalitaire, dans le cadre d'une lutte pour les États socialistes unis du Moyen-Orient. Le futur dépend de la construction de nouveaux partis politiques, de sections du Comité international de la Quatrième Internationale, qui luttent pour le programme de l'internationalisme socialiste, l'unité de la classe ouvrière arabe et juive, et qui mènent une lutte commune contre le capitalisme et l'impérialisme. 

(Article original paru le 12 juillet 2014)

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