Les syndicats et les partis de pseudo-gauche étouffent la grève contre la privatisation de la SNCF

La grève des cheminots de 10 jours, le mois dernier, contre la privatisation de la SNCF (Société nationale des chemins de fer) et la destruction des conditions de travail a été étouffée et trahie par la bureaucratie syndicale et les partis de la pseudo-gauche, tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

La grande majorité de la bureaucratie syndicale, avec la CFDT (Confédération française démocratique du travail) en tête, a ouvertement soutenu la privatisation. Les syndicats CGT (Confédération générale du travail) et SUD (Solidaires Unitaires Démocratiques) n'ont appelé à la grève que pour défendre le gouvernement impopulaire du Parti socialiste et sa poussée vers la privatisation et pour empêcher une révolte dans la classe ouvrière contre le PS, les syndicats et la pseudo-gauche.

L’objectif de cette cabale corrompue était de bloquer toute lutte politique de la classe ouvrière contre le gouvernement PS et l’Union européenne (UE) qui exigent « la concurrence libre » dans le réseau du chemin de fer. Dès le début du mouvement, ces syndicats ont enchaîné les les cheminots à une perspective impuissante de grèves de protestation, conçues pour provoquer des modifications mineures dans la politique du PS. La CGT a fait coïncider une grève d’une journée avec la présentation par le PS de la « réforme » du rail devant l’Assemblée nationale.

Le caractère cynique de cette opération a même été reconnu par la presse bourgeoise. Le Nouvel Observateur écrit, « La journée d’action du 11 juin ne devait être qu’une gesticulation symbolique avant que le débat parlementaire ne scelle le deal. La CGT – dur dehors, fondante dedans – devait grimper en passager clandestin dans le train de la réforme… François Hollande s’en frottait les mains par avance. »

Cependant, du fait de l’opposition très répandue à cette « réforme » chez les cheminots, le NPA, certains secteurs de la bureaucratie syndicale de la CGT et de SUD, et divers délégués syndicaux mécontents, ne se sentaient pas en mesure de mettre fin à la grève après un jour. La grève s'est donc poursuivie jusqu’au 18 juin, date de l’ouverture du débat parlementaire, malgré l’hostilité visible des dirigeants nationaux des confédérations syndicales, qui ont tenté, sans succès, d’empêcher les grévistes de se rassembler dans le centre de Paris le 17 juin.

Le « débat » était le signal convenu pour qu'un député du Front de Gauche/ Parti communiste français (PCF), André Chassaigne dépose un amendement au projet de loi, portant sur « le caractère indissociable et solidaire » de la SNCF, une stipulation sans valeur qui ne protège aucunement les conditions de travail qui, à l’avenir, seront sujets à des « renégociations ». En fait, comme l'ont fait remarquer les grévistes, la privatisation implique inévitablement des attaques sérieuses contre leurs conditions de travail afin de satisfaire l’UE et les banques. (voir :Les cheminots manifestent contre la privatisation de la SNCF)

Cet accord pourri avait, de toute évidence, été soigneusement coordonné avec le gouvernement PS-Verts. Les députés PS et Verts l’ont voté à l’Assemblée nationale. Pendant tout ce temps, le gouvernement et les médias critiquaient les cheminots, les accusant d’empêcher les lycéens de se rendre à leur centre d'examen pour passer le baccalauréat.

Le secrétaire général de la CGT et membre du PCF, Thierry Lepaon, s’est saisi de cet accord pour mettre fin à la grève. Il a déclaré que la grève « arrive à un tournant », et insisté pour dire que « débat » parlementaire signifiait que « leur action a commencé à payer ». Il a eu le cynisme de dire aux cheminots qu'il leur appartenait de « savoir si l’action qu’ils ont menée a porté suffisamment de satisfaction. »

Les dirigeants CGT de la Fédération des cheminots, qui se présentaient en ardents défenseurs de la grève, ont relayé le message de Lepaon sans lancer aucun appel à continuer la grève. C’est ainsi qu’ils ont apporté leur contribution à la trahison de la grève.

L’hostilité des syndicats, des staliniens, et des partis de la pseudo-gauche envers la lutte contre la privatisation de la SNCF marque un tournant politique. Hormis leurs dérobades, ils signalent aussi leur soutien à la destruction par le PS de l’une des concessions sociales majeures, faite à la classe ouvrière française au 20è siècle.

Les chemins de fer furent nationalisés en 1937, au cours de la Grande dépression, tandis que le gouvernement essayait de mettre fin et d'écraser la vague de luttes ouvrières, déclenchées par la grève générale de 1936 en France. La classe dirigeante était bien sûr mortellement hostile au socialisme; trois ans plus tard, l’Assemblée nationale votait les pleins pouvoirs d’urgence au dictateur fasciste Philippe Pétain, tandis que commençait la collaboration avec l’occupation nazie. Pourtant, initialement, la bourgeoise s'était sentie obligée de faire des concessions au prolétariat, dont les luttes étaient motivées par une opposition profonde au fascisme et par l’exemple puissant de la Révolution russe en 1917.

Aujourd’hui, dans le contexte de la plus grande crise du capitalisme depuis la Grande dépression, la bourgeoise et ses défenseurs staliniens et de la pseudo-gauche rejettent de telles concessions. La réaction de l’élite dirigeante aux protestations contre les coupes sociales est soit de les imposer arbitrairement, soit parfois, comme en 2006 lors des manifestations de masse contre les contrats de premières embauches (CPE) attaquant les jeunes, de retirer une mesure pendant un certain temps, avant de la réintroduire sous une autre forme.

La répudiation par la bourgeoisie des acquis sociaux fondamentaux arrachés par la classe ouvrière en France et à travers l’Europe signale que la classe ouvrière est arrivée à un carrefour politique. En France, les groupes qui dominent la politique officielle de « gauche » depuis la dernière grande vague de lutte révolutionnaire de la classe ouvrière en 1968, se sont avérés en faillite et réactionnaires. La tâche cruciale à laquelle est confrontée l’avant-garde de la classe ouvrière en France est la reconstruction d’un authentique parti trotskyste, perspective que seul le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) met en avant, en luttant contre les groupes de pseudo-gauche comme le NPA.

Dans l'organisation des défaites des luttes ouvrières, le rôle clé est joué par ces groupes de pseudo-gauche, comme le NPA qui soutient le PS et qui a appelé à voter pour François Hollande lors des élections de 2012. Le NPA essaie aujourd’hui de lier les ouvriers à Hollande, en mettant en avant une perspective en faillite consistant à demander aux syndicats d’adopter une politique de « gauche ». Ainsi le NPA s'efforce de canaliser l’opposition vers la périphérie politique du PS et dont ils forment eux-mêmes une partie importante.

R.Pelletier, qui écrit pour le NPA, a reconnu qu'à la CGT « les appels à la grève….n’étaient conçus que comme un moyen de valorisation des propositions des parlementaires du PCF (les amendements Chassaigne) et surtout sans l’idée de se battre pour gagner ». Pourtant, le NPA s'est seulement contenté de pousser la CGT à adopter une apparence un peu plus de « gauche » afin de cacher sa politique réactionnaire.

Le NPA s’est plaint que, « La CGT hésite à remettre trop directement en question….il ne fallait pas hésiter à revendiquer le retrait de la réforme »

Cette position est absurde. Les syndicats français, qui du fait de l’effondrement de leur taux d’adhérents au cours des quatre dernières décennies, sont financés par l’Etat et les entreprises à hauteur de 4 milliards d'euros, soit plus de 90 pour cent de leur budget, sont organiquement liés aux capitalistes. Les grèves et les luttes révolutionnaire ne peuvent être victorieuses que si les ouvriers retirent la lutte sociale des mains des syndicats et s'embarquent sur la voie de la révolution. C’est précisément pour bloquer ceci que les groupes de pseudo-gauche promeuvent la bureaucratie syndicale.

(Article original paru le 1er juillet 2014)

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