Evoquant la montée des néofascistes, les banques exigent l’austérité en France

Critiquant l’establishment politique français, qui reste à la traîne loin derrière en ce qui concerne l’imposition des mesures d’austérité, les marchés financiers exigent des attaques encore plus considérables et dans le style grec à l’encontre des travailleurs en France.

Dans un article d’opinion du 23 avril intitulé « Le marché le plus surévalué du monde ? La France », le journal financier en ligne Market Watch avait écrit : « L’économie est à plat. Le chômage demeure chronique. La compétitivité est sur le déclin. Et le système politique court vers un effondrement. Il n’y a actuellement pas un seul pays dans le monde industrialisé à faire face à de plus grands problèmes que la France ni à avoir un besoin plus grand de réforme et de relance. »

« Le marché boursier est dynamique et animé par un flux d’enthousiasme pour les actions européennes. Les rendements obligataires sont faibles. La confiance ne s’est pas encore fissurée, » reconnaît-il. Il a cependant écrit, « ça ne peut durer… La France est dans un bien plus mauvais état que l’Allemagne, voire l’Espagne – et presque aussi mauvais que l’Italie. »

Par cet article, les banques cherchent à donner des ordres au nouveau gouvernement PS (Parti socialiste) du premier ministre Manuel Valls. La colère de l’opinion publique monte face au chiffre record de 5 millions de chômeurs en France et les marchés réclament d’importantes coupes dans les dépenses publiques qui pour l’heure se situent à 57 pour cent du PIB. Valls a lancé des appels sécuritaires aux sentiments d’extrême-droite tout en promettant de réduire les dépenses de 50 milliards d’euros et de faire 30 milliards d’euros de cadeaux fiscaux au patronat dans le cadre du soi-disant Pacte de responsabilité du président PS, François Hollande.

Il y a une forte opposition au sein de la classe ouvrière à l’encontre des initiatives de Valls. Celles-ci renforceront avant tout le néofasciste Front national (FN) qui a réalisé des gains substantiels lors des élections municipales de mars et qui sont imputables au désillusionnement avec le PS et ses satellites de la pseudo-gauche, tels le Front de Gauche et le Nouveau Parti anticapitaliste.

Le Market Watch est, ce qui est significatif, préoccupé par le fait que le PS ne serait pas en mesure de faire passer le programme de Valls, et le rejette comme un échec. Il écrit, « Le plus inquiétant, c’est qu’il n’y a aucune perspective de réforme à l’horizon – les seules alternatives sont même pires que l’actuel establishment défaillant. » Il fait remarquer la montée du FN qui, comme le montre les récents sondages d’opinion, arrive encore en tête des intentions de vote aux élections du 25 mai pour le parlement européen.

« Tôt ou tard, les investisseurs finiront par se réveiller pour commencer à retirer leur argent, » écrit-t-il, « le déclencheur pourrait facilement en être les élections européennes de fin mai. »

Une telle crise, si elle se produisait, aurait des conséquences encore plus vastes que celles de la crise de l’endettement de la Grèce. La dette souveraine de la France, qui devrait atteindre 2 milliers de milliards d’euros d’ici la fin de l’année, est environ dix fois plus importante que celle de la Grèce. Tout comme la dette souveraine de l’Espagne et de l’Italie, elle est trop élevée pour être compensée par l’argent du fonds de renflouement assemblé en 2010 par les pays de la zone euro pour couvrir les prêts des principales banques à la Grèce.

Les banques et les politiciens bourgeois toutes tendances confondues exploiteraient une telle crise pour insister sur des attaques plus fortes à l’encontre de la classe ouvrière dans la droite lignée des ravages causés en Grèce. Ceci pourrait aussi signifier la fin de l’euro et de l’Union européenne. Si Paris décidait de déprécier sa monnaie et d’imprimer de l’argent pour couvrir les sorties de capitaux hors de France et repayer ses dettes, cela se heurterait à l’opposition d’un grand nombre de capitales européennes – notamment Berlin qui partage actuellement l’euro avec la France.

De telles considérations étaient déjà à la base de la menace proférée en 2010 par le précédent président français, Nicolas Sarkozy, de sortir la France de l’euro, à un moment où des tensions avaient éclaté entre Berlin et Paris au sujet de la formation du premier plan de renflouement de la Grèce.

Il ne fait aucun doute que le FN apparaîtra comme un ardent défenseur du capitalisme contre la classe ouvrière. Pour ce faire, il aura le soutien des banques. Il est politiquement issu des forces les plus farouches de la contre-révolution, des collaborateurs français de l’occupation nazie et des opposants à l’indépendance de l’Algérie qui luttaient pour une « Algérie française » durant la guerre d’indépendance algérienne.

Le FN insiste sur son allégeance au capitalisme et ce, dans des termes difficilement discernables de ceux adoptés par le PS et nombre de ses alliés politiques. L’année dernière, la dirigeante du FN, Marine Le Pen avait dit, « Nous croyons toujours dans le marché libre. Le danger est l’ultra-libéralisme, où les marchés financiers imposent toutes les règles. »

Ce qui sous-tend les objections de Market Watch c’est toutefois sa préoccupation quant aux implications internationales de l’adoption en France d’une politique plus nationaliste, en liaison avec la montée de l’influence du FN.

L’article prévient que le « programme économique [du FN] reste insensé. Sortir de l’euro, imposer des barrières commerciales, contraindre la Banque de France à imprimer de l’argent pour financier le déficit budgétaire et réduire l’âge de départ à la retraite à 60 ans, est un mélange bizarre de la gauche et de la droite et qui rappelle le style de nationalisme économique des années 1930. »

En fait, le caractère du programme du FN découle directement de la politique criminelle pratiquée par les banques, et en particulier celle des partis bourgeois banqueroutiers de « gauche » en Europe. Cinq ans après que les marchés financiers, l’UE et le gouvernement social-démocrate PASOK ont commencé à démanteler l’Etat providence grec, les partis sociaux-démocrates sont considérés de par l’Europe comme un instrument de la dictature des banques. De vastes couches de travailleurs haïssent l’euro et l’UE.

Le PS et ses satellites soi-disant de gauche tels le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) se sont révélés être des organisations profondément réactionnaires. Leur politique de libre-marché et leur ferme alignement sur la politique étrangère américaine sont, vus d’un point de vue historique, exceptionnels, même dans le contexte de la politique impérialiste française. Ils n’ont pas seulement adopté la politique de libre-marché mais promu l’UE que le PS a contribué à créer. Ils se sont alignés sur les interventions menées par les Etats-Unis en Syrie et en Ukraine, collaborant étroitement avec Washington dans les guerres impérialistes françaises en Afrique sub-saharienne.

Le vide politique créé à gauche du fait de l’évolution réactionnaire des partis bourgeois de « gauche » a permis au FN de se présenter comme l’unique parti d’opposition en avançant de manière démagogique une politique associée à la politique bourgeoise française de « gauche » d’une autre époque.

Le FN n’a pas seulement déclaré son opposition à l’euro et à l’UE sur la base d’une politique monétaire large. Il a aussi critiqué la politique internationale impopulaire du PS et du NPA, ainsi que leur alignement sur Washington et Berlin dans la crise ukrainienne – bien que les forces fascistes, soutenues par l’impérialisme en Ukraine, telles le parti Svoboda, sont affiliées au FN.

Lors d’une visite en Russie ce mois-ci, la dirigeante du FN, Marine Le Pen, avait dit que la Russie était injustement « diabolisée » et qu’une campagne contre la Russie a été concoctée au plus haut niveau hiérarchique de la direction de l’UE tout en bénéficiant de l’appui explicite des Etats-Unis. Elle a déclaré être étonnée « qu’au sein de l’Union européenne, une guerre froide ait été déclarée contre la Russie, ce qui nuit à nos relations ».

C’est un fait d’une très grande importance que le parti politique à avoir exprimé la plus forte opposition à l’intervention provocatrice occidentale en Ukraine soit les néo-fascistes. Le fait que l’extrême-droite apparaît comme une alternative bourgeoise à la politique discréditée des groupes bourgeois de « gauche » souligne la direction violente prise par l’impérialisme français dans le contexte de l’aggravation de la crise du capitalisme européen.

Ceci prouve l’urgence de la création d’une nouvelle direction politique de la classe ouvrière luttant sur la base d’une plateforme socialiste et internationaliste contre le capitalisme et tous ses représentants, allant des partis de la pseudo-gauche jusqu’aux néofascistes en passant par la « gauche » bourgeoise.

Tous les lecteurs sont invités à participer à la réunion du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) à Paris, le dimanche 11 mai pour les élections européennes. Pour de plus amples renseignements cliquez ici.

(Article original paru le 30 avril 2014)

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