Perspectives

La nouvelle aristocratie en Grande-Bretagne

Commentant les conditions sociales à la fin du 18ème siècle, Thomas Paine écrivait, « Le contraste entre la richesse et la misère continuellement en contact et offensant l’œil, ressemble à des corps vivants et morts enchaînés ensemble. »

Plus de 200 ans plus tard, la critique cinglante de l’inégalité sociale par Paine s'applique avec plus de puissance encore à la Grande-Bretagne des temps modernes comme le prouve la publication, dans le Sunday Times du week-end dernier, de la récente Liste annuelle des riches.

Les 1.000 individus les plus riches de Grande-Bretagne contrôlent actuellement l’équivalent d’un tiers du rendement économique total, soit 519 milliards de livres Sterling (877 milliards de dollar US). Durant la dernière décennie, le nombre de milliardaires a triplé, conférant le douteux privilège au Royaume-Uni d’être le pays comptant le plus de milliardaires par habitant dans le monde. Le montant de richesse nécessaire pour accéder aux cercles sacro-saints des 500 plus riches individus du Royaume-Uni a plus que doublé au cours de la décennie passée, augmentant de près de 20 pour cent en à peine une année.

Des statistiques distinctes montrent que le 1 pour cent au sommet, soit 600.000 personnes, possèdent plus de richesse que les 55 pour cent les plus pauvres de la population, soit 33 millions de personnes. Sur les 9,5 milliers de milliards de livres Sterling de biens immobiliers, de capital de retraite et d'actifs financiers du pays, ce 1 pour cent contrôle un montant ahurissant de 5,225 milliers de milliards de livres Sterling. A elles seules, les cinq familles les plus riches du Royaume-Uni sont plus fortunées que les 20 pour cent en bas de l’échelle, à savoir les 12,6 millions de personnes vivant actuellement en dessous le seuil de pauvreté.

L’apparition au sommet de la société de l’aristocratie financière des temps modernes est directement liée à l’appauvrissement de couches de plus en plus vastes de la population laborieuse. Au cours des dix dernières années, la richesse des 1.000 personnes les plus riches de Grande-Bretagne a doublé. Durant la même période, les finances d’Etat ont été pillées dans le but de fournir un renflouement à hauteur de plusieurs milliards à précisément ces mêmes couches dont les gains mal acquis ont été réalisés grâce à des actes de spéculation financière et de pure criminalité.

Pour la classe ouvrière, le renflouement bancaire a introduit une ère sans précédent d’attaques contre les niveaux de vie et les services sociaux dont dépendent des millions de personnes. Alors que les riches se vautrent dans la richesse, le recours à la soupe populaire et aux banques alimentaires atteint des niveaux inouïs, les salaires sont drastiquement réduits et les services publics supprimés ou privatisés.

Ceci fait partie d’un processus international qui est le même dans tous les pays. La crise financière de 2008 a été le signal pour que la classe dirigeante entreprenne l’assaut le plus brutal contre la classe ouvrière depuis les années afin de reprendre tous les acquis qu’elle avait été contrainte de concéder durant la période d’après-guerre. Les conséquences d’une telle politique ont été illustrées en début d’année dans un rapport publié par Oxfam indiquant que les 85 individus les plus riches possèdent plus de richesse que la moitié de la population mondiale la plus pauvre, soit 3,5 milliards de gens.

Tandis que certaines sections de l’establishment de la génération précédente auraient été embarrassées par de tels niveaux d’inégalité sociale, les principaux journaux du dimanche ont publié des articles sur le classement des riches sans émettre la moindre critique à l’égard de l’accumulation obscène de la richesse au sommet de la société. Il n'y a pas eu une parole de protestation contre la déclaration de Phillip Beresford, qui établit la Liste des Riches, selon laquelle l’accumulation d’une fortune à hauteur de plusieurs milliards de livres Sterling par une oligarchie financière « apporte plus d’emplois et de richesses pour le pays. »

La vérité est que les oligarques ultra-riches figurant sur la Liste des riches sont une caste parasitaire qui absorbe toute la richesse de la société. Les sommes gargantuesques détenues par cette élite ont été accumulées grâce à une spéculation financière et non par l’investissement dans l’économie productive. Londres est devenue le terrain de jeux des milliardaires du monde précisément parce qu’elle est synonyme de dérèglementation financière et de pratiques corrompues et que cette situation a produite, y compris la manipulation du taux interbancaire de référence sur le marché londonien, le Libor.

Toute discussion d'une reprise économique ne concerne exclusivement que les riches. Les marchés boursiers sont plus élevés que jamais, les prix de l’immobilier sont époustouflants tandis que les salaires continuent de stagner ou de décliner pour la grande majorité. Les chiffres de la croissance économique qui sont présentés comme marquant la fin de la crise émanent en grande majorité du secteur financier qui compte pour plus de 40 pour cent du rendement économique britannique.

L’acceptation sans réserve des niveaux répugnants d’inégalité sociale par tous les principaux partis politiques est frappante. Toutes les sections de l’establishment politique sont achetées et dévoués aux représentants de l’oligarchie financière. Elles poursuivent des panacées de droite depuis des années en proclamant que l’inégalité sociale est l’ordre naturel des choses. Conformément à ce schéma, les riches accèdent au sommet en raison de leur talent et de leur succès, et le reste de la société doit être reconnaissant pour les « retombées » de richesse qui sont générées. Depuis que dans les années 1980, Thatcher avait lancé son offensive contre la classe ouvrière, ceci s’est avéré dévastateur pour les travailleurs.

Le Parti travailliste, quand il était au pouvoir, avait repris sans difficulté là où les conservateurs s’étaient arrêtés, en privatisant les services publics et en encourageant la croissance d’un vaste secteur financier de plus en plus coupé de l’ensemble de l'économie. Lorsque la crise financière avait éclaté en 2008, c’était le Labour (Parti travailliste) qui avait procédé au renflouement des banques et qui avait commencé à imposer un brutal programme d’austérité. Ses alliés au sein des syndicats n’avaient pas organisé la moindre grande grève pour s’opposer aux attaques dévastatrices contre les emplois et le niveau de vie des travailleurs.

Actuellement, le maintien même du strict minimum nécessaire à la vie quotidienne pour la vaste majorité des gens est incompatible avec l’existence d’une aristocratie financière dont la vaste richesse n'apporte rien à la société. C’est-à-dire qu'il est impossible de résoudre un seul des problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés sans mener une lutte politique contre la cause profonde de l’inégalité sociale qui ne cesse d'empirer, à savoir le système capitaliste de profit.

La société doit être libérée de la mainmise de cette caste parasitaire qui se trouve à son sommet et qui dicte tous les aspects de la vie politique et économique. Pour cela il faut constituer un gouvernement ouvrier et appliquer un système socialiste de production planifiée pour les besoins et non le profit.

Cette tâche essentielle n’est possible que par l’unification de la classe ouvrière en Grande-Bretagne avec ses frères et sœurs partout en Europe et internationalement. C’est la tâche à laquelle le Socialist Equality Party en Grande-Bretagne et notre parti frère, le Partei für Soziale Gleichheit, se consacrent et qui forme la base fondamentale de notre campagne pour les élections européennes.

(Article original paru le 23 mai 2014)

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