Al-Sissi, chef du coup d’Etat en Egypte, annonce sa candidature à la présidentielle

Mercredi soir, le dirigeant du coup d’Etat en Egypte, le maréchal Abdel-Fattah al-Sissi, a officiellement annoncé son projet de se présenter aux prochaines élections présidentielles. Il s’agit de la dernière initiative en date de la campagne soigneusement planifiée de la junte soutenue par les Etats-Unis d’installer au pouvoir son dirigeant au poste de président de façon à resserrer son emprise sur le pays et à confronter brutalement l’opposition croissante de la classe ouvrière.

Le discours à la nation d’al-Sissi, diffusé à la télévision, était un mélange cynique de verbiage nationaliste et de menaces à peine voilées. « En toute humilité, je me tiens devant vous pour annoncer mon intention de briguer la présidence de la République arabe d’Egypte, » a dit al-Sissi. « Seul votre soutien m’accordera ce grand honneur. » Après avoir annoncé sa soi-disant démission de l’armée, il a ajouté qu’il se considérait lui-même comme « un soldat au service de mon pays, à quelque titre que ce soit souhaité par les Egyptiens. »

L’affirmation d’al-Sissi de vouloir agir dans l’intérêt de la population égyptienne et un mensonge grotesque. Il y a quelques jours seulement, le ministre égyptien du Commerce, de l’industrie et de l’investissement, Mounir Fakhry Abdel Nour, avait comparé al-Sissi à l’ancien dictateur chilien, le général Augusto Pinochet, exigeant que « ce pays tel qu’il est actuellement a besoin d’un homme fort capable de le rassembler… L’ordre public est bon pour l’investissement et l’économie. »

Tout comme dans le cas de Pinochet, al-Sissi est un dictateur soutenu par les Etats-Unis et qui est prêt à recourir à des méthodes de type fasciste pour réprimer la classe ouvrière au bénéfice de ses sponsors impérialistes et du capital financier international.

Dans son discours, al-Sissi a menacé de soumettre les masses égyptiennes appauvries à l’austérité et à la souffrance. Il a averti : « Je ne saurais faire de miracles. Je propose en revanche de travailler dur et de faire preuve d’abnégation, » afin de « remettre sur pied » l’Egypte.

Al-Sissi a cyniquement cherché à envelopper sa déclaration de guerre contre la classe ouvrière du manteau de la démocratie. « Ma détermination à me présenter aux élections ne prive pas les autres du droit d’y participer. Je serais content de voir réussir le candidat, quel qu'il soit, choisi par le peuple, » a-t-il déclaré en ajoutant espérer une « nation pour tous sans exclusion. »

Ces propos émanent d’un homme qui a supervisé au cours de ces derniers mois des massacres sanglants et une répression à grande échelle. Depuis le coup d’Etat du 3 juillet 2013, la junte militaire a, sous la direction d’al-Sissi, violemment dispersé d’innombrables sit-in, manifestations et grèves, en tuant au moins 1.400 personnes et en jetant plus de 16.000 en prison. Elle a interdit les Frères musulmans (FM), principal parti bourgeois de l’opposition égyptienne, promulgué des lois anti-manifestation et ancré dans la constitution la consolidation du régime militaire.

Lundi, dans un acte de meurtre politique de masse, un tribunal égyptien a condamné à mort 529 partisans des FM. D’autres procès pour l'exemple sont prévus. Quelques heures seulement avant le discours d’al-Sissi, le parquet égyptien avait ordonné que 919 autres membres des FM – dont le Guide suprême des FM, Mohamed Badie, et le dirigeant de leur bras politique, Saad al-Katatni – soient jugés pour des chefs d’accusation incluant le meurtre et le terrorisme.

Alors que la junte est en train d’intensifier sa campagne de terreur, d’intimidation et carrément de meurtre politique, les puissances impérialistes ont fait une critique de pure forme des condamnations à mort. En effet, le président du Conseil européen, Herman van Rompuy, a déclaré, après avoir rencontré le président américain Barack Obama mercredi à Bruxelles, que les Etats-Unis et l’UE étaient « consternés » par ces condamnations. Mais ces puissances impérialistes ont néanmoins associé à ces critiques des déclarations de soutien pour l'accession d'un meurtrier de masse au poste de président.

Avec un cynisme consommé, la porte-parole du Conseil sur la sécurité nationale de la Maison Blanche, Bernadette Meehan, a dit dans un communiqué : « Au fur et à mesure que le processus électoral progresse, nous exhortons les autorités égyptiennes à veiller à ce que les élections soient libres, régulières et transparentes ; que tous les candidats soient en mesure de mener une campagne libre sans crainte de harcèlement ou d’intimidation ; et que les opinions de toute la population égyptienne soit pleinement représentées. »

Le journal égyptien Ahram Online cite un « ambassadeur européen » disant : « Il [al-Sissi] a un esprit très calculateur et je ne suis pas surpris qu’il ait pris tout ce temps, bien que trop long, pour faire son annonce. »

La candidature d’al-Sissi à la présidence expose la fraude de la supposée « transition démocratique » qui est promue tant par les puissances impérialistes, la junte militaire que par les partis politiques officiels en Egypte.

Plus de trois ans après l’éviction révolutionnaire du dictateur de longue date et laquais des Etats-Unis, Hosni Moubarak, l’élite dirigeante égyptienne et ses partisans impérialistes ont décidé de mettre en place une dictature directe encore plus brutale pour mettre un terme à toutes les grèves et protestations.

Le discours d’al-Sissi a été prononcé dans le contexte d’une crise sociale grandissante et d’une nouvelle explosion des luttes de classe. Selon Democracy Meter, un centre de recherche égyptien, le nombre de grèves et de protestations en Egypte a atteint le chiffre record de 1.044 en février. Mardi, le journal égyptien en ligne Mada Masr écrivait que « malgré les tentatives officielles de mettre fin à une vague de troubles sociaux… un large éventail de la main-d’œuvre égyptienne s'est lancée mardi dans des grèves nationales ». Le journal indique : « Des médecins, des dentistes, des pharmaciens, des postiers, des travailleurs du textile, du personnel de garde et autres, ont tous débrayé pendant 24 heures. »

La junte est prête à exercer une terreur brutale contre la classe ouvrière. Selon des articles de presse, les forces de police ont arrêté mardi, durant des descentes de police effectuées à l’aube dans la deuxième ville d’Egypte, à Alexandrie, les dirigeants du mouvement de grève qui avait rassemblé 50.000 postiers. Le chef de la poste aurait affirmé que les travailleurs sont affiliés aux FM ce qu’ont nié les membres de leur famille. Au cours de ces deux derniers jours, des forces de sécurité ont brutalement réprimé les étudiants qui protestaient au Caire contre le verdict de la peine de mort prononcé contre les membres des FM. Au moins un étudiant a été tué.

Les violentes tentatives entreprises par la junte pour écraser toute contestation soulignent le caractère contre-révolutionnaire des organisations politiques libérales et de « gauche » de la classe moyenne aisée égyptienne. Des organisations tels le Front de Salut National (NSF) et Tamarod, et leurs partisans de pseudo-gauche, tout particulièrement le groupe nommé à tort Socialistes révolutionnaires (SR), ont joué un rôle clé pour canaliser derrière l’armée les protestations de masse à l’encontre de Mohamed Morsi.

Actuellement, la plupart de ces groupes soutiennent directement la présidence d’al-Sissi. Le mouvement Tamarod a accordé son soutien plein et entier à al-Sissi. Dans un communiqué publié mercredi, il a affirmé que « notre choix en faveur d’une figure clé comme le maréchal [al-Sissi] est représentatif d’une vaste section de la population égyptienne. »

Le politicien nassérien Hamdeen Sabahi, un dirigeant du NSF et du parti Karama, jusque-là l’unique autre candidat présidentiel, a salué dans un Tweet la candidature d’al-Sissi. « Je salue la candidature d’al-Sissi, et nous prévoyons… des élections démocratiques qui [sont] transparentes en garantissant la neutralité de la nation et de la volonté de la population de choisir librement leur président. »

Le libéral Parti de la Constitution, anciennement dirigé par Mohammed El Baradei, a également laissé entrevoir son soutien, en déclarant qu’« après avoir démissionné de l’armée al-Sissi a le droit de se lancer dans la course en tant que citoyen civil. »

(Article original paru le 28 mars 2014)

Voir aussi:

Il faut empêcher le Pinochet égyptien d’assassiner 529 prisonniers membres des Frères musulmans!

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