Le Parti socialiste a dissimulé son rôle dans le meurtre de Rémi Fraisse

Mercredi, Le Monde et Mediapart ont publié des documents judiciaires qui montrent que les forces de l'ordre savaient pertinemment qu'elles avaient tué le militant écologiste Rémi Fraisse, qui manifestait contre le barrage de Sivens dans le Tarn, la nuit du 25-26 d'octobre. Les premières déclarations du Parti socialiste (PS), qui avait donné l'ordre de durement réprimer la manifestation, étaient donc une tentative de dissimuler sa responsabilité pour l'assassinat de Fraisse.

Le document contient la transcription d'une vidéo des policiers présents sur le site pendant les échauffourées, qui montrent clairement que les policiers savaient que c'était bien leur grenade qui avait tué Fraisse. Nonobstant, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a gardé le silence pendant 48 heures après la mort de Fraisse. La transcription montre que:

* Entre 1h40 et 1h50: La police anti-émeute, équipée de lunettes de vision nocturne, a vu s'effondrer un manifestant juste après qu'ils avaient lancé une grenade offensive contre un groupe de manifestants parmi lesquels se trouvait Fraisse.

* 1h53 : Un policier donne l'ordre d'arrêter de lancer des grenades offensives après avoir vu Fraisse tomber par terre. Un policier dit: «Il est là-bas, le mec. OK, pour l'instant, on le laisse.» Ensuite, il dit : «C'est bon, il va se relever! Il va se relever, c'est bon!»

* 2h00 : Comme Fraisse est toujours couché par terre, les policiers s'approchent de lui. Un haut gradé demande «Il respire ou quoi?», alors qu'un infirmer essaie de le ranimer. 

* 2h03 : Un autre policier dit: «Il est décédé, le mec…Là, c'est vachement grave…Faut pas qu'ils sachent…»

Contacté par Le Monde mardi, le porte-parole de la police a déclaré que dans la dernière phrase, le mot “ils” se réfère aux manifestants, faisant remarquer: “Il fallait éviter que ceux qui agressaient les gendarmes ne redoublent d'ardeurs en apprenant la mort de Rémi Fraisse”.

Ces révélations démontrent que les déclarations contradictoires des autorités–qui ont d'abord prétendu qu'il était impossible de déterminer la cause du décès de Fraisse–étaient des mensonges.

Le matin du 26 octobre, la préfecture du Tarn à Albi a fait une déclaration qui laissait entendre que le corps de Fraisse a été découvert par hasard lors d'une patrouille, et que sa mort n'avait aucun rapport avec les actions de la police: «Le corps d'un homme a été découvert dans la nuit de samedi à dimanche sur le site du barrage contesté de Sivens (Tarn), où des échauffourées avaient eu lieu en marge d'une mobilisation d'opposants.”

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a dit que “le corps d'un jeune homme a été découvert”, sans dire comment il avait été tué.

Même après l'autopsie, qui a démontré que les fragments d'une grenade offensive lancée par les forces de l'ordre avaient tué Fraisse, Cazeneuve a défendu la police, en disant: « Non, il ne s’agit pas d’une bavure, on ne peut pas présenter les choses ainsi. »

Denis Favier, directeur général de la gendarmerie et proche allié du Premier Ministre Manuel Valls, a néansmoins défendu ses troupes, niant qu'elles aient commis une faute cette nuit et soulignant qu'elles avaient informé leurs supérieurs. Samedi, il a dit au Parisien: « Les faits se passent à 1h40, le parquet est avisé à 2 heures et notre autorité de police judiciaire locale à peine une demi-heure plus tard ».

La responsabilité politique de l'assassinat de Fraisse incombe pleinement au gouvernement PS discrédité. Comme partie de sa stratégie d'interdire et de réprimer toute manifestation contre sa politique pro-capitaliste et belliciste, il a ordonné que la police réprime brutalement les manifestants de Sivens, créant ainsi les conditions pour l'assassinat.

Selon Mediapart, “Le commandant du groupement de gendarmes mobiles de Limoges, qui opérait à Sivens le 26 octobre, a déclaré sur PV (procès verbal) que le préfet du Tarn leur avait demandé ‘une extrême fermeté’.”

Cependant, le 13 novembre, Cazeneuve a dit qu'il n'avait pas donné un tel ordre: “Est-ce qu’il y a eu des consignes de ma part pour qu’il y ait de la fermeté dans un contexte où il y avait de la tension? J’ai donné des instructions contraires, je le redis.”

La déclaration de Cazeneuve que ses ordres ont été décommandés soulève la question d'une participation au plus haut niveau de l'Etat–donc, du premier ministre ou du président–dans la formulations des ordres qui ont mené à la mort de Fraisse. Le 13 novembre, Libération a cité un responsible anonyme du PS qui demandait: « Si la consigne de fermeté ne vient pas de Cazeneuve mais que le préfet en a reçu une, qui l’a donnée »?

Libération a répondu à cette question en écrivant: « Derrière le ministre de l’Interieur, certains visant désormais Manual Valls.Le fait que la gendarmerie soit aujourd’hui dirigée par un officier passé par son cabinet en 2012 et 2013 lorsqu’il était ministre de l’Interieur ne fait rien pour calmer ceux qui croient à une ‘stratégie de tension’ implulsée par le Premier ministre ».

L'assassinat de Fraisse est un avertissement pour la classe ouvrière. Le gouvernement et les partis de la pseudo-gauche qui ont appélé à l'élection du président PS François Hollande voilà deux ans ordonneront et sanctionneront les méthodes les plus brutales afin de réprimer les travailleurs et jeunes manifestant contre ses politiques réactionnaires. Il utilise l'assassinat de Fraisse pour créer un précédent que les forces de l'ordre peuvent tuer pour réprimer la contestation sociale en France.

Selon les documents officiels cités par Mediapart, la police antiémeute a lancé plus de 700 grenades la nuit de l'assassinat de Fraisse, y compris 42 grenades offensives.

Fait significatif, la loi de 2011 qui autorise la police à lancer ces grenades contre les manifestants précise aussi que « des armes à feu qui peuvent être utilisées par les forces de l'ordre pour le maintien de l'ordre public », si la police déclare qu'elle est sous le feu des manifestants. La loi stipule que des balles de 7.62-mm peuvent être utilisées.

(Article original paru le 14 novembre 2014)

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