Le Président Hollande met un terme à l'universalité des allocations familiales

La semaine dernière, le gouvernement français a opéré un changement de dernière minute à la section de son budget pour 2015 qui concerne les allocations familiales en modulant celles-ci en fonction des revenus. Ce changement fait partie de mesures plus vastes qui portent la réduction des allocations familiales de 700 millions à 800 millions d'euros. 

L'introduction de la modulation selon le revenu casse le principe directeur des prestations sociales en France depuis la Deuxième Guerre mondiale, celui de « l'universalité ». Ce principe impose que tout le monde doit recevoir les mêmes prestations, en services ou en allocations quelque soit son revenu. 

Cet acte représente une violation de plus par le Président Hollande des promesses faites lors de sa campagne présidentielle. En mars 2012, pendant sa campagne, il a dit : « Je reste attaché à l’universalité des allocations familiales, qui sont également une manière d'étendre la reconnaissance de la nation à la famille dans toutes ses formes. Ainsi, ces allocations ne seront pas modulées en fonction des revenus. » 

Hollande avait déjà lâché un ‘ballon d'essai’ sur le sujet dès le mois de mars de cette année. Toutefois, il avait dû y renoncer quand l'UMP (Union pour une majorité populaire), principal parti de l'opposition de droite, le Parti communiste français et l'Union nationale des associations familiales s'y étaient opposés. Or, cette fois-ci, le gouvernement a profité des revendications d'un groupe de députés du Parti Socialiste (PS) pour justifier cet amendement tardif. 

Dans l'amendement du gouvernement, si le revenu mensuel d'une famille avec deux enfants dépasse 6.000 euros, les allocations familiales seront réduites de 50 pourcent. Si la famille a trois enfants, le seuil est de 6.500 euros, pour quatre enfants il est de 7.000 euros, etc. De plus il y a un deuxième seuil à 8.000 euros pour une famille à deux enfants (il est augmenté de 500 euros pour chaque enfant supplémentaire comme au premier seuil) où les allocations seront réduites de 75 pourcent. 

La promotion par le gouvernement des ces nouvelles coupures de budget a des implications beaucoup plus larges qu’une simple attaque des ménages français ayant des revenus supérieurs à 6.000 euros par mois. 

Elle est destinée à affaiblir le soutien pour les allocations familiales et les autres prestations sociales de l'Etat dans les couches les plus affluentes de la classe moyenne, ceci n´étant qu'un prélude à la destruction des prestations sociales et des doits sociaux gagnés par les ouvriers en France depuis la fin de la guerre. Ces réductions rendront les allocations familiales presque insignifiantes pour les couches les plus aisées de la population, les encourageant à soutenir une élimination complète des prestations familiales. 

La réduction de 100 millions d'euros des allocations familiales n'est qu'un petit geste en direction de la Commission Européenne (CE), qui examine actuellement le budget français, après les critiques de la part de responsables de l'Union Européenne ayant attaqué ce budget pour son insuffisance dans la réduction des dépenses. 

La version actuelle du budget français va produire un supplément de dette de l'Etat équivalent à 4,3 pourcent du PIB (Produit Intérieur Brut) de la France alors que l'Accord de Maastricht exige que le déficit budgétaire ne dépasse pas 3 pourcent du PIB. 

Ces 100 millions d'euros de coupes des allocations familiales ne représentent toutefois que très peu par rapport au PIB français. Il semble donc peu probable qu'ils auront une influence quelconque sur la décision de Bruxelles quant au budget français. 

Avec les nouveaux pouvoirs que la CE a reçu au cours de l'année, cet organisme pourrait obliger Paris à des coupes plus sévères encore et, dans le cas d'un refus de la part de Paris, elle pourrait imposer des sanctions totalisant plusieurs milliards d'euros. 

L'attaque de l'universalité des allocations familiales par le président PS Hollande, élu avec l'appui des principaux groupes de la pseudo-gauche en France, comme le Front de Gauche et le Nouveau Parti anticapitaliste, est d´une grande signification historique et politique. Celle-ci représente l'échec du capitalisme européen, qui n´a pas d´argent pour les travailleurs malgré les milliards et même les milliers de milliards d'euros qu'il fournit aux banques, et attaque au contraire les droits sociaux fondamentaux des travailleurs. 

L'universalité des prestations sociales faisait partie du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) qui réunissait les forces politiques qui ont fondé la Quatrième république bourgeoise une fois renversés l'occupation nazie et le régime collaborationniste de Vichy. Le CNR était composé du Parti Communiste Français et de forces sociales-démocrates et de droite loyales au Général de Gaulle. 

Ainsi, le programme du CNR s'engageait, au nom du capitalisme français de l'après-guerre, à : « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». 

Ce programme a été formulé au moment où le capitalisme avait été totalement discrédité par les crimes du fascisme en France et dans toute l'Europe. Les capitalistes étaient obligés d´y inclure beaucoup de concessions telles que le système de sécurité sociale et ses branches santé, famille et retraite. Ce fut sur cette base que les staliniens ont étouffé la révolution sociale après la Deuxième Guerre mondiale. 

Aujourd'hui, après des décennies de coupes incessantes des prestations et les droits sociaux par les partis bourgeois de tous bords, l'incompatibilité fondamentale des ces droits sociaux avec le pouvoir capitaliste est encore plus évidente. Pour défendre ces droits, la classe ouvrière doit entreprendre une lutte contre les nouvelles « grandes féodalités économiques et financières » qui fixent l'ordre du jour en France comme dans toute l'Europe. 

(Article original paru le 18 octobre 2014)

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