Le Canada appuie la nouvelle guerre de Washington au Moyen-Orient

Avec l'appui total de l'élite patronale du pays, le Canada adhère à la nouvelle «coalition des volontaires» que l'impérialisme américain met sur pied pour faire la guerre en Irak, en Syrie et ailleurs.

Déclenchée sous le prétexte de combattre et vaincre l'État islamique (ÉI), cette guerre est la suite et le développement des guerres que les États-Unis ont menées au cours du dernier quart de siècle au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique du Nord. Ses objectifs impérialistes sont de garantir la domination stratégique incontestée des États-Unis au Moyen-Orient, de loin la plus importante région productrice de pétrole au monde.

Plus précisément, cette guerre vise à soutenir le régime satellite des États-Unis qui a été installé à Bagdad après l'invasion illégale de l'Irak en 2003 et à intensifier la campagne américaine de «changement de régime» en Syrie.

Le président américain Barack Obama a annoncé mercredi dernier que les États-Unis allaient intervenir directement dans la guerre en Syrie – d'abord avec des frappes aériennes – et offrir davantage d'armes, d’entraînement et d'appui logistique aux forces «rebelles» qui ont été organisées en Syrie par les États-Unis et leurs alliés, dont l'Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar.

Lors d'une audience parlementaire mardi dernier, le gouvernement conservateur du Canada a admis que les forces spéciales des Forces armées canadiennes (FAC) étaient déjà dans le nord de l'Irak.

Il s'agit d'un premier contingent d'un déploiement qui, selon le gouvernement, devrait compter jusqu'à une centaine de membres du Régiment d'opérations spéciales du Canada qui a pour tâche d’entraîner les Peshmerga, les milices kurdes qui sont actuellement alliées avec le gouvernement à Bagdad.

Le gouvernement affirme que ce déploiement est limité à 30 jours. Mais même les grands médias pro-guerre ont dû reconnaître qu'il s'agissait d'un subterfuge évident du premier ministre Stephen Harper et de son gouvernement pour se donner du temps afin d'habituer la population du Canada à l'idée d'une intervention beaucoup plus longue et importante du pays dans la nouvelle guerre de Washington au Moyen-Orient.

Harper et ses principaux ministres ont dit à maintes reprises que le gouvernement est en discussion avec les États-Unis et d'autres alliés sur le rôle que doit jouer le Canada dans la coalition de guerre. S'adressant au Comité des Affaires étrangères de la Chambre des communes, le ministre de la Défense Rob Nicholson a qualifié l'envoi de forces spéciales canadiennes en Irak de «premier» déploiement.

Il est de plus en plus envisagé dans les discussions publiques que le Canada déploie une partie de son escadron de chasseurs CF-18. L'aviation du Canada a une longue histoire de collaboration étroite avec le Pentagone: elle a joué un rôle important lors de la guerre aérienne de 1999 contre la Yougoslavie et dans le «changement de régime» de 2011 en Libye.

Jeudi, le chef libéral Justin Trudeau a dit que son parti, qui a déjà donné son appui au déploiement de forces spéciales en Irak, était prêt à soutenir l'envoi de chasseurs canadiens en Irak si le gouvernement Harper en faisait la recommandation.

Depuis la mi-août, deux avions cargo de l'Aviation royale canadienne transportent du matériel militaire vers l'Irak.

Lorsqu'un quelqu'un a demandé, durant une audience du Comité des Affaires étrangères, ce que les Forces armées canadiennes pourraient enseigner précisément aux combattants expérimentés des Peshmerga, le chef d'état-major des FAC Thomas Lawson s'est vanté de l'expérience de combat qui a été acquise par l'armée canadienne au front de la guerre en Afghanistan durant plus d'une décennie. «Nous avons la chance au Canada, a déclaré Lawson, d'avoir participé à des combats en Afghanistan, ce qui nous donne l'énorme avantage de pouvoir conseiller et aider. Et c'est exactement ce que demandent maintenant les Peshmerga de leurs alliés occidentaux.»

Harper, Nicholson et le ministre des Affaires étrangères John Baird tentent de justifier l'intervention militaire du Canada en Irak à l'aide de remarques sensationnalistes sur l'ÉI, cherchant à exploiter le dégoût de la population face à l'exécution filmée de deux journalistes américains et à la violence sectaire de l'EI. Baird a déclaré que la lutte contre le terrorisme islamique était la «plus importante lutte de notre génération». Nicholson a affirmé que l'ÉI était «une menace croissante bien réelle à la civilisation même».

Ce genre de langage a été utilisé sans arrêt par les gouvernements des États-Unis et du Canada et les grands médias depuis que George W. Bush a profité des attaques du 11 septembre 2001 pour annoncer une «guerre contre le terrorisme». Il a été employé pour justifier des guerres d'agression à l'étranger et une attaque massive contre les droits démocratiques au pays, y compris l'interdiction de la dissidence populaire et l'espionnage des communications électroniques par l'État.

Même si la vérité est souvent la première victime de la guerre, les affirmations que les États-Unis et le Canada interviennent en Irak et en Syrie pour des raisons humanitaires et de lutte contre le terrorisme sont particulièrement révoltantes.

Sans l’intervention de l'impérialisme américain en tant que prédateur – intervention encouragée et appuyée par le Canada – l'EI n'existerait pas aujourd'hui en Irak ou en Syrie. L'invasion illégale de l'Irak en 2003 par les États-Unis et le Royaume-Uni a causé la mort d'un million de personnes et mis en lambeaux le tissu social du pays. Pour contrer la résistance, les États-Unis ont attisé ouvertement les divisions ethniques, religieuses et sectaires. En Syrie, tentant de reproduire les méthodes qu'ils avaient employées en Libye en 2011 pour renverser le régime de Kadhafi, les États-Unis et leurs alliés ont armé des groupes radicaux islamiques, y compris ceux qui allaient devenir plus tard l'ÉI.

Évidemment, le rôle destructeur de l'impérialisme au Moyen-Orient n'est pratiquement jamais mentionné dans les médias.

Pour ce qui est du NPD social-démocrate, il contribue une fois de plus à présenter l'intervention militaire canadienne comme un geste «humanitaire», tout comme il l'avait fait pour la participation du Canada dans les guerres menées par les États-Unis contre la Yougoslavie, l'Afghanistan et la Libye. Pour faire preuve d'une «solidarité de tous les partis» dans le soutien du gouvernement irakien par l'Occident et de la guerre anti-ÉI des États-Unis, le porte-parole en matière d'Affaires étrangères du NPD, Paul Dewar, s'est joint au début du mois à son homologue libéral Marc Garneau et à Baird dans une visite de deux jours de Bagdad et Ebril, la capitale de la région kurde de l'Irak.

Le NPD prétend qu'il n'a pas encore décidé s'il allait appuyer explicitement le déploiement de forces spéciales des FAC en Irak. Il affirme qu'il faudrait plus de renseignements et un débat parlementaire complet.

Cette attitude n'est que de la comédie. Le NPD ne s'oppose pas en principe à ce que le Canada soit l'allié de l'impérialisme américain au Moyen-Orient. Il craint seulement d'être associé à une campagne qui est vue largement comme le prolongement de la guerre en Irak. De plus, le NPD n'a pas oublié les nombreuses critiques de la position ouvertement pro-Israël qu'il a adoptée dans la guerre contre Gaza.

Aucune crédibilité ne devrait être accordée à Harper quand il jure que les FAC n’effectueront pas de «mission de combat» en Irak ou que le Canada ne participera pas à une intervention militaire des États-Unis contre la Syrie.

L’élite dirigeante du Canada est depuis longtemps arrivée à la conclusion que pour défendre et promouvoir ses intérêts impérialistes sur la scène mondiale, elle doit s’allier encore plus étroitement avec les États-Unis et jouer un rôle de première ligne dans leurs efforts visant à contrer le déclin relatif de leur position économique en usant de leur armée pour rétablir leur hégémonie mondiale.

L’offensive actuelle contre l’ÉI n’est qu’une étape de plus dans une guerre perpétuelle des États-Unis pour dominer stratégiquement le Moyen-Orient. Cette guerre fait rage en Irak et en Syrie et elle pourrait rapidement se transformer en une guerre régionale et même en un conflit des grandes puissances.

Les plus proches alliés du régime baasiste de Syrie sont l’Iran et la Russie. Durant la dernière décennie, les États-Unis ont maintes fois menacé de déclarer la guerre à l’Iran sous le faux prétexte, jamais démontré, que la République islamique fabriquait l’arme nucléaire. Contre la Russie, les puissances occidentales – le Canada et le gouvernement Harper jouant un rôle particulièrement provocateur – intensifient une campagne de sanctions et de menaces militaires depuis que Moscou a tenté de faire reculer le coup d’État, instigué par les États-Unis et l’Allemagne, contre le président élu de l’Ukraine.

À l’audience du Comité des Affaires étrangères de la semaine dernière, Baird a vertement dénoncé l’Iran, qualifiant le pays de «plus important commanditaire de terrorisme au monde» et affirmant qu’il avait eu «une influence très déstabilisatrice dans pratiquement tous les pays» de la région.

L’armée canadienne participe depuis longtemps à l’élaboration de plans de guerre contre la Syrie et l’Iran. En avril dernier, le quotidien Ottawa Citizen rapportait que des documents internes du Ministère de la Défense nationale prévoyaient «au moins cinq scénarios» dans lesquels les FAC «pourraient intervenir dans la guerre civile en Syrie».

Le Canada va en guerre une fois de plus, car la classe dirigeante canadienne évalue qu’elle doit agir de la sorte pour maintenir et renforcer son partenariat avec Washington. Mais comme le Canada est partie prenante de la finance mondiale et des secteurs du pétrole et du gaz naturel, il veut avoir sa «place à la table de négociation» dans la réorganisation du Moyen-Orient. Les sociétés canadiennes ont près d’un milliard en actifs en Irak et sont particulièrement actives au nord du pays, dans la région à majorité kurde, où les forces spéciales canadiennes ont été déployées.

Il y a peu d’appui dans la population du Canada, surtout parmi la classe ouvrière, pour le programme militariste d’agression de la classe dirigeante. Mais l’opposition à la guerre impérialiste ne peut s’exprimer dans la politique officielle. C’est pourquoi une lutte contre la guerre nécessite la mobilisation de la classe ouvrière, en tant que force indépendante, en opposition à tout l’ordre social et politique.

(Article paru d'abord en anglais le 13 septembre 2014)

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