Le Nouveau parti anticapitaliste orienté vers ceux qui critiquent Hollande au sein du Parti socialiste

Le soi-disant de gauche Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a répondu au changement de gouvernement du Parti socialiste (PS) en s'orientant vers les « dissidents » du PS, critiques envers le président François Hollande. Dans une situation où l’effondrement du parti vers lequel le NPA est orienté depuis des décennies s’accélère, celui-ci cherche à forger une nouvelle alliance « de gauche » autour de cette organisation, largement méprisée, du capital financier. 

Ce changement de gouvernement est intervenu après le renvoi par Hollande de deux ministres qui dénonçaient l'Allemagne et les mesures d'austérité impopulaires de Hollande et du Premier ministre Manuel Valls, auxquels ils reprochent de se les être laissés dicter par Berlin. Cela a déclenché de nombreux commentaires sur l’existence d’une crise du pouvoir en France. Le NPA, cependant, écarte avec suffisance cette idée, et suggère au lieu de cela que les éléments « dissidents » du PS peuvent mener un soulèvement contre Hollande en organisant une révolte parlementaire. 

Dans son récent article, « Hollande-Valls, ou l’implacable logique de l’adaptation néolibérale, » le NPA écrit, « Parler aujourd'hui de 'crise de régime', comme l'ont fait à la fois Le Figaro et Libération, relève pourtant d'une certaine exagération. Les institutions politiques continuent en effet de fonctionner. Pour qu'elles se grippent, il faudrait que les « frondeurs » osent s'opposer au gouvernement, donc le mettent en minorité en votant contre le budget et la loi annoncée ‘sur la croissance’. Comme ils ne sont pas prêts à risquer leur poste dans des élections législatives anticipées, on n'en est pas (encore ?) là. » 

Le NPA tente de stabiliser un establishment bourgeois qui vacille en promouvant des illusions grossières sur les « dissidents » du PS qui sont les piliers d’une élite politique française discréditée. Dans une situation où Hollande a dégringolé à 13 pour cent d'opinions favorables dans les sondages, la majorité des « dissidents » du PS a voté, de manière prévisible, pour le gouvernement ouvertement pro-marché de Valls à l'Assemblée nationale ; trente et un se sont abstenus. 

La négation par le NPA du fait qu'il existe une crise du pouvoir bourgeois est contredite par sa propre description de la situation politique. Il compare directement la crise à laquelle est confronté le PS à l'effondrement du parti social-démocrate PASOK en Grèce – qui, de principal parti de gouvernement bourgeois « de gauche » est devenu une force politique mineure après avoir mis en œuvre des mesures d'austérité catastrophiques en dépit d’une massive opposition populaire.  

Le NPA écrit : « Dans ces conditions, une poursuite de l'effondrement et une marginalisation politique, à l'image du processus que le PASOK a connu en Grèce, commencent à devenir des hypothèses crédibles (...) c'est tout le dispositif politique de la bourgeoisie, en place depuis les années 1980, qui est ébranlé ». 

Mais pour les soi-disant « anticapitalistes » réactionnaires du NPA, cela ne constitue pas une crise du pouvoir capitaliste ! 

Que le NPA ose l'admettre ou pas, une crise aux implications révolutionnaires se développe. Le capitalisme français a été ébranlé dans ses fondements par la crise économique mondiale et la menace d'une guerre mondiale issue de la confrontation de l'OTAN avec la Russie à propos de l'Ukraine et de guerres dans tout le Moyen-Orient et en Afrique. Alors que le PS et l'ensemble de l'Union européenne (UE) sont de plus en plus discrédités par leurs politiques d'austérité, Hollande s'est tourné vers le militarisme et vers la guerre – en Syrie, au Mali, en République centrafricaine, en Ukraine et maintenant en Irak – pour relancer les profits et détourner un mécontentement populaire qui monte. 

Dans son assaut réactionnaire contre la classe ouvrière internationale, l'impérialisme français jouit du soutien inconditionnel des couches petites-bourgeoises aisées que représente le NPA. Elles soutiennent l'intervention française en Libye et ont demandé à Hollande d'armer des combattants de l'opposition soutenus par l'occident en Syrie, ce qu'il a fait. Dès le début de la crise en Ukraine, le NPA a soutenu les manifestations de Maidan, emmenées par des groupes fascistes qui ont été à la pointe du putsch de Kiev et de la guerre civile en Ukraine orientale.  

Le NPA a non seulement soutenu le programme de guerres impérialistes à l'étranger de Hollande, mais également son programme de guerre contre la classe ouvrière à l'intérieur. 

Evoquant l'exemple de la loi ‘Hartz IV’ imposée par le gouvernement social-démocrate allemand de Gerhard Schröder, un récent article du NPA note : « Du point de vue de la bourgeoisie française (et même internationale), telle a même été dès le début la fonction possible et souhaitée d'un gouvernement de gauche : faire le sale boulot que [le précédent président français] Sarkozy n'avait été en mesure que d'esquisser, de façon à résoudre le différentiel de compétitivité dont le capitalisme français souffre vis-à-vis de ses principaux concurrents….Reste à savoir si Hollande-Valls seront en mesure de mener ce projet à bien…» 

Le NPA savait cela et a soutenu la politique de la guerre de classe de Hollande quand il l'a soutenu aux élections présidentielles de 2012, affirmant qu'il pourrait être poussé vers la gauche. Son candidat à la présidentielle, Philippe Poutou, qui a reçu 1,2 pour cent des voix au premier tour, a appelé à voter Hollande au second : « Le 6 mai, nous accompagneront tous ceux qui veulent empêcher Nicolas Sarkozy d'avoir un deuxième mandat. Nous disons clairement que nous devons dégager Sarkozy et toute sa bande en votant contre lui. »

Ces commentaires confirment l'analyse du rôle du NPA que faisait alors le World Socialist Web Site.  

Comme l'écrivait le WSWS, « La tentative du NPA de maquiller un vote pour Hollande en une opposition à Sarkozy est un acte de mauvaise foi politique. Le NPA sait très bien que le fond du programme du PS consiste à réaliser des centaines de milliards d'euros de coupes dans les programmes sociaux, à maintenir la participation de la France à l'OTAN, et à poursuivre sa politique à tendance guerrière au Moyen-Orient – avec les guerres de Libye l'an dernier et maintenant en Syrie. Il cherche à désorienter la classe ouvrière en faisant campagne pour un gouvernement PS réactionnaire. » (lire : France: Le Nouveau Parti anticapitaliste soutient le candidat du Parti socialiste au second tour du 6 mai) 

Ce brusque virage à droite des partis de la pseudo-gauche contre la classe ouvrière est un phénomène international qui reflète l’élargissement du gouffre qui sépare la classe ouvrière des organisations de la pseudo-gauche aisée. En Allemagne, Die Linke soutient le retour du militarisme allemand et encourage la participation allemande au bombardement de l'Irak et de la Syrie. Au gouvernement régional de Berlin avec les sociaux-démocrates, ils furent aux avant-postes pour imposer de vastes programmes d'austérité.  

Après avoir rencontré de hauts responsables à Berlin et Paris et s'être rendu à Washington pour passer une audition devant la CIA, Alexis Tsipras du parti grec soi-disant de gauche SYRIZA, a juré de rembourser les prêts usuraires que la Grèce doit aux marchés financiers internationaux s'il arrive au pouvoir. Il a également signalé que les accords permettant à l'OTAN d'avoir des bases en Grèce seront saufs sous un gouvernement SYRIZA. Avec le soutien de forces clés de la politique impérialiste, SYRIZA a bénéficié de la colère populaire contre le PASOK, a recruté des membres de ce parti et a repris l'essentiel de sa base électorale.

Le NPA semble s'orienter vers la construction d'une coalition pourrie du même genre que SYRIZA avec les couches « dissidentes » du PS, ainsi que divers éléments du Front de gauche qui comprend les staliniens. Sa stratégie vieille de quarante ans consistant à s'orienter vers le PS est en ruine. S'accrochant à n’importe quoi, il voit un peu de lumière au bout du tunnel : « La structuration d'une dissidence [du PS], à travers le nouveau courant « Vive la gauche », illustre le fait que la crise du PS est tout sauf résolue, quelles que soient les inconséquences des « frondeurs », y compris du point de vue keynésien-bourgeois au-delà duquel ils ne vont pas. »

L'affirmation implicite du NPA qu'il pourrait constituer une alliance progressiste avec diverses factions du PS est une fraude réactionnaire. Quel est le programme des « dissidents » du PS que le NPA met en avant? L'ex-ministre de l'économie Arnaud Montebourg a insisté pour dire qu'il soutenait les coupes budgétaires de Hollande. « Nous ne devons pas remettre en cause les 50 milliards de coupes, » a-t-il dit, « Mais nous devons bien les utiliser, pour les redonner aux Français. » Montebourg – comme le NPA – veut plus d'argent pour sauver les banques et des crédits plus faciles pour les principaux groupes de pression de la classe dirigeante française et la petite-bourgeoisie aisée. 

L'hystérie anti-allemande de Montebourg reflète la crainte croissante dans la bourgeoisie française de la remilitarisation de l'Allemagne et de la perspective que, avec son intervention en Ukraine et en Europe de l'Est, Berlin pourrait établir une hégémonie économie insurmontable en Europe.  

Des éléments comme Montebourg mettent en avant une stratégie d’alternative pour l'impérialisme français : développer la scission entre la France et l'Allemagne au sein de l'UE et mobiliser d'autres gouvernements d'Europe du Sud, comme l'Italie et l'Espagne, pour qu'ils s'alignent sur la France. Cela les place quelque part entre l’orientation rigide de Hollande sur l'Union européenne (UE) d'un côté, et le Front national néo-fasciste (FN) de l’autre, qui appelle à la sortie de la France de l'Union européenne et de l'euro. 

En fin de compte cependant, les positions des groupes de la pseudo-gauche comme le NPA ont une logique politique objective. Hostiles à la classe ouvrière et à la lutte pour son unité internationale, profondément convaincus de la viabilité du capitalisme et de la non-viabilité du socialisme, ils s'alignent d'eux-mêmes sur les positions nationalistes au sein d’une élite dirigeante qui fonce vers la droite et le FN. Dans les luttes sociales qui vont émerger contre le PS et l'UE, ils vont se révéler être des ennemis acharnés de la classe ouvrière. 

(Article original publié le 20 septembre 2014)

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