Dans la foulée du discours d’Obama, le débat à l’ONU dominé par le « terrorisme » et la guerre.

Au cours du débat qui a suivi le discours éhonté prononcé mercredi par le président Barack Obama à l’Assemblée générale des Nations unies et réclamant que le monde entier se range derrière sa guerre en Irak et en Syrie, tous les dirigeants des principaux pays alliés se sont solidarisés avec le militarisme américain.

Les dirigeants d’autres régimes ont cherché à tirer profit de l’hystérie sur la « terreur » afin de justifier leurs propres crimes et leur propre répression. Et, pour des raisons qui leur sont propres, certains peu nombreux ont défié la caractérisation cynique et quasi délirante de la situation mondiale faite par Obama et attribuèrent à Washington même la crise au Moyen-Orient.

Le matin du jeudi 18 septembre, le président iranien Hassan Rohani fut l’un des premiers à prendre la parole. Il a lié une dénonciation du rôle joué dans la région par les Etats-Unis à l’espoir que son gouvernement pourrait trouver un arrangement avec l’impérialisme américain et européen grâce à des négociations au sujet du programme nucléaire iranien.

Il a déclaré que « l’extrémisme » dans la région était « le fruit du colonialisme d’hier » et une « réaction au racisme d’hier ». Il a accusé des « agences de renseignement » non désignées d’avoir « mis des couteaux entre les mains de fous. »

Il a directement nommé les dix dernières années de guerre menée par les Etats-Unis dans la région comme la source de la crise actuelle. « Les bévues stratégiques de l’Occident au Moyen-Orient, en Asie centrale et dans le Caucase ont transformé ces parties du monde en un havre pour terroristes et extrémistes, » a-t-il dit à l’Assemblée générale.

« L’agression militaire de l’Afghanistan et de l’Irak et les ingérences abusives dans la situation qui s’est développée en Syrie sont des exemples patents de cette approche stratégique erronée au Moyen-Orient, » a-t-il dit. « Etant donné qu’une approche non pacifique, l’agression et l’occupation ciblent la vie et les moyens d’existence des gens ordinaires, il en résulte différentes conséquences psychologiques comportementales adverses qui se manifestent actuellement sous la forme de violences et d’assassinats au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et qui attirent même certains citoyens d’autres parties du monde. »

Les termes « bévues stratégiques » et « approche stratégique erronée » utilisés pour décrire les crimes historiques commis par l’impérialisme dans la région, des crimes qui se poursuivent et s’aggravent avec l’actuelle intervention en Irak et en Syrie, sont révélateurs. Le gouvernement Rohani, qui représente les intérêts de la bourgeoisie iranienne, cherche à parvenir à un accord avec les Etats-Unis et leurs alliés qui lèverait les sanctions imposées sous prétexte de punir Téhéran pour son programme nucléaire.

De la même façon, Rohani a décrit les sanctions comme étant une « erreur stratégique ». Il a déclaré, « Un accord final concernant le programme nucléaire pacifique de l’Iran peut servir de nouveau départ à une collaboration multilatérale visant à promouvoir la sécurité, la paix et le développement, » et un tel accord représenterait une « occasion historique » pour l’Occident, probablement pour poursuivre ses intérêts en ayant le régime iranien comme allié.

En vue de concrétiser de tels objectifs, Rohani a rencontré en marge de l’Assemblée générale le premier ministre britannique David Cameron – les premières discussions anglo-iraniennes du genre depuis le renversement du Shah en 1979 – ainsi que le président français François Hollande et le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.

Cameron et Hollande se sont tous deux montrés d’accord avec le discours belliqueux d’Obama, réaffirmant leur détermination de participer pleinement à l’intervention menée par l’impérialisme américain. Les dirigeants des deux puissances qui avaient autrefois colonisé l’Irak et la Syrie, tout comme la plus grande partie de la région, se sont posés en champions des valeurs universelles de la liberté, de la démocratie et de la civilisation.

Hollande a débuté son allocution en disant que la France vivait une tragédie suite à la décapitation du touriste français Hervé Gourdel aux mains d’un groupe islamiste algérien. Il a insisté pour dire que le meurtre visait le peuple français parce qu’il est « un peuple épris de liberté et qui défend la dignité humaine contre la barbarie. » La France a été la première grande puissance à s’associer au bombardement américain en Irak. Alors qu’ils s’étaient abstenus de lancer des frappes en Syrie, les responsables français ont signalé que ceci aussi était maintenant envisagé.

Hollande a évoqué la force de l’action militaire dans une guerre contre le « terrorisme [qui] ne connaît pas de frontières. » Il s’est aussi vanté du rôle joué par l’impérialisme français au Mali où il a entrepris une intervention prolongée sans approbation de l’ONU afin de poursuivre ses ambitions néocoloniales en Afrique sous couvert de lutte « contre le terrorisme. »

Il a conclu son allocution par une déclaration cynique et démagogique comme quoi la « France ne cèdera jamais au terrorisme, parce que c’est son devoir, son honneur. »

Cameron a pareillement insisté sur la détermination de son gouvernement de rejoindre la guerre menée par les Etats-Unis, déclarant qu’il fallait être « intransigeant et utiliser tous les moyens disponibles, y compris la force militaire, pour traquer ces terroristes. »

Il a dit en insistant « Nous ne devons pas laisser les erreurs du passé servir d’excuse à l’indifférence ou à l’inaction. » Cameron a omis de préciser si ces « erreurs » comprenaient la destruction de la société irakienne dans la guerre prédatrice des Etats-Unis, lancée en 2003 avec le concours de la Grande-Bretagne, ou encore la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN qui a laissé la Libye en proie à une guerre civile et au chaos ou bien encore l’armement et le soutien par l’occident de milices islamistes contre le gouvernement syrien de Bachar al Assad.

Le premier ministre britannique s’est aussi servi de ses remarques pour justifier l’extension de la « guerre contre le terrorisme » à une arène bien plus large comprenant le Nigeria, la Somalie, la Libye et le Yémen.

Dans un discours prononcé jeudi après-midi le premier ministre australien Tony Abbott a dit clairement qu’il partageait l’avis d’Obama, dénonçant la « rage meurtrière » de l’EI tout comme « l’agression » russe en Ukraine. Plus tôt, lors d’une session spéciale du Conseil de sécurité qui a adopté une résolution générale sur les « combattants terroristes étrangers, » Abbott a promis un soutien « inébranlable et inflexible » de son gouvernement pour la « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis.

L’homme fort de l’armée égyptienne, le président Abdel-Fattah al-Sissi, l’un des anciens alliés de l’Amérique que Washington s’efforce d’aligner derrière la guerre en Irak et en Syrie, s’est servi de ses remarques pour transformer la « guerre contre le terrorisme » occidentale en une couverture pour justifier le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir et la brutale répression qu’il mène depuis.

« Le monde commence à appréhender la réalité et à comprendre pourquoi les Egyptiens se sont révoltés contre l’extrémisme qui voulait briser l’unité de la nation, » a dit al-Sissi. Il faisait allusion au gouvernement élu du président Mohamed Morsi, des Frères musulmans, qui fut renversé en juillet de l’année dernière par l’armée et qu’il a assimilé à l’EI.

Il a prétendu que depuis le coup d’Etat, le régime égyptien – qui a condamné des milliers de personnes à la peine de mort ou à de longues peines d’emprisonnement pour des délits politiques et qui détient des dizaines de milliers d’autres personnes dans ses prisons – était en train d’édifier un « Etat civil démocratique » dans le respect de la loi et des droits humains.

D’autres alliés régionaux de Washington ont profité de l’Assemblée générale pour s’en prendre les uns aux autres. Le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, par exemple, qui s’est exprimé deux heures à peine après le général Sissi, a déclaré, « Le président élu d’Egypte a été renversé par un coup d’Etat, » en ajoutant, « Les Nations unies et les pays démocratiques n’ont rien fait et la personne qui a organisé le coup d’Etat est légitimée. »

Des chefs d’Etat d’Amérique du Sud, Nicolas Maduro du Venezuela et Evo Morales de Bolivie ont également défié les affirmations délirantes d’Obama selon lesquelles le rôle joué par l’Amérique dans le monde était de s’opposer à ceux qui « tyrannisent » les pays plus petits. Ces deux gouvernements ont dû faire face à plusieurs tentatives de subversion et de déstabilisation. Tous deux sont confrontés à des troubles sociaux grandissants au sein de la classe ouvrière et considèrent sans aucun doute les discours prononcés à l’ONU comme une occasion de détourner l’opposition venant de la gauche.

Maduro a dit aux membres de l’Assemblée générale, « Le Venezuela a dû endurer l’intimidation et un complot permanent de la part des forces impérialistes et des forces alliées à l’impérialisme américain qui ont à maintes reprises tenté de saper la démocratie. » Il a rendu Washington responsable du coup d’Etat manqué de 2012 ainsi que des récents soulèvements survenus dans le pays et provoqués par des protestations droitières qui exigent la chute de son gouvernement.

Il a également blâmé Washington pour les violences au Moyen-Orient, condamnant « l’attaque terroriste perpétrée par l’OTAN et ses alliés à l’encontre de la Syrie il y a un an et demi en vue d’un changement de régime. »

Quant à Morales, il a dit, « La Bolivie condamne et rejette l’intervention des Etats-Unis d’Amérique en Irak qui a provoqué l’actuelle crise dans ce pays. » Il a rappelé que Washington avait « dit que l’Irak possédait de vastes quantités d’armes de destruction massive et ce stratagème s’est révélé être l’un des plus gros mensonges de l’histoire de l’impérialisme. »

Les enseignements tirés de la guerre en Irak, a ajouté Morales, étaient que « partout où les Etats-Unis intervenaient, ils laissaient derrière eux la destruction, la haine, la misère et la mort, mais laissaient aussi la richesse aux mains de ceux qui profitent des guerres, les multinationales de l’armement et de l’industrie pétrolière. »

Le président bolivien a conclu en disant, « Chaque année nous entendons ici M. Obama prononcer un discours belliqueux, lourd d’arrogance et de menaces à l’adresse de la population mondiale. C’est également un discours d’un fanatisme extrémiste. »

La plupart des discours sont tenus devant la salle au moins à moitié vide de l’Assemblée générale, une expression graphique de l’impuissance de l’ONU dont la charte fondatrice a été transformée en lettre morte tandis que l’impérialisme américain poursuit une politique avouée de « guerre préventive », c’est-à-dire d’agression.

(Article original paru le 26 septembre 2014)

Loading