La pseudo-gauche australienne défend le pacte d’austérité de Syriza

Lors d'un forum public révélateur à l'Université de Sydney mardi 10 mars, les Verts australiens et le Socialist Alliance, un groupe de la pseudo-gauche, se sont alignés derrière le gouvernement capitaliste dirigé par Syriza en Grèce et ont défendu explicitement l'accord signé avec les autorités européennes le 20 février pour imposer les diktats d'austérité du capital financier.

En Australie, comme dans le monde entier, les événements en Grèce sont devenus un test politique décisif. La réponse des groupes de la pseudo-gauche tels que Socialist Alliance à l'élection de Syriza le 25 janvier et son abjecte capitulation en seulement quatre semaines, a exposé le fait qu'ils sont également devenus une partie de l'establishment politique bourgeois. 

Lee Rhiannon, Dick Nicholls (centre) and Adam Rorris

Chacun des conférenciers à cet événement – Dick Nicholls de Socialist Alliance, le sénateur des Verts Lee Rhiannon et l’ancien analyste de la Banque mondiale Adam Rorris de la Campagne de solidarité Australie-Grèce, pro-Syriza, récemment formée – a insisté pour dire que le gouvernement du premier ministre Alexis Tsipras n’avait pas d’autre choix que d’abandonner sa promesse électorale d’une répudiation des mesures d'austérité et de rechercher l'annulation d'une grande partie de la dette publique de la Grèce. Chacun d'entre eux a exclu toute lutte pour une alternative socialiste par la classe ouvrière.

Nicholls, un correspondant du Green Left Weekly, était le défenseur le plus véhément du pacte conclut par Syriza en février. Il a déclaré que, malgré le fait que Tsipras et ses ministres aient subi des critiques pour avoir agi de la sorte, ils devaient faire des « concessions ». C’était « dans les circonstances, le résultat produisant le moindre mal ». La seule autre solution, a t-il dit, était une « sortie soudaine » de la zone euro, qui n’aurait pas le soutien de la population.

Nicholls était également catégorique dans son soutien pour le programme capitaliste de Syriza. « L'économie grecque devra être plus productive, » a t-il souligné, « et pour cela elle a besoin d’un investissement privé, ainsi que d’une augmentation de l'investissement public. » En d'autres termes, Syriza doit créer les conditions nécessaires pour l’élite de la grande entreprise grecque et les investisseurs étrangers. Nicholls a dit que Syriza favorisait « une économie socialement juste et écologiquement durable », mais même cela était « un très lointain objectif. »

Nicholls a spécifiquement approuvé la plate-forme économique que le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, un défenseur avoué du capitalisme, a écrit avec l'économiste américain James Galbraith sous le titre ‘A Modest Proposal for Resolving the Eurozone Crisis’ (Une proposition modeste pour résoudre la crise de la zone euro). Dans ce texte ils font valoir que l’annulation d’une partie de la dette grecque serait tout à fait bénéfique pour le capitalisme américain et européen. Varoufakis était conférencier à la Faculté d’Economie politique de l'Université de Sydney de 1989 à 2000.

Rorris, l'orateur suivant, a mis l’accent sur les efforts de Syriza pour rassurer les élites financières internationales sur le fait qu'il ne représentait aucune menace pour leurs intérêts. Il s’est vanté de son succès à avoir obtenu la signature de l'ancien chef du Parti libéral John Hewson pour une déclaration par 40 économistes universitaires australiens avant l'élection du 25 janvier. Ces universitaires plaidaient pour un certain allègement de la dette grecque auprès de la « troïka » -- Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international – et pour que le pays ait une « voie plus durable. » Leur déclaration appelait tout futur gouvernement grec à « faire preuve de sérieux dans le traitement des problèmes de gestion des finances publiques », ce qui signifie nécessairement d'autres coupes dans les dépenses sociales.

Rorris a souligné que Syriza était véritablement engagé pour cette « meilleure gestion économique » et ne la voulait pas « à contrecœur. » C’est pourquoi il a décidé, dans l'accord de février, de « reconnaître la dette comme légitime, et de donner aux banques un droit continu de veto sur ses projets, et à s’engager à produire un excédent budgétaire l'année prochaine. »

Au nom des Verts, qui font partie de l'establishment politique de l'Australie depuis plus de deux décennies, Rhiannon a dit qu'elle trouvait « excitant » le défi de Syriza au « néo-libéralisme ». Elle a condamné « certains à gauche » qui ont critiqué le pacte d'austérité de février, insistant sur ​​le fait que « les forces progressistes et de gauche » devaient s’unir pour défendre Syriza.

Faisant écho aux affirmations de Varoufakis, Rhiannon a insisté pour dire que si Syriza échouait, les seuls bénéficiaires seraient les fascistes grecs d’Aube dorée et leurs homologues à travers l'Europe. En réalité, c’est le contraire qui est vrai. En imposant les diktats d'austérité des marchés financiers et en supprimant et démoralisant la résistance de la classe ouvrière, Syriza servira d’antichambre au fascisme, comme l’ont fait des régimes similaires dans les années 1930.

Dans la mesure où Syriza critique le programme d'austérité de la troïka, c’est pour plaider face aux États-Unis et aux puissances européennes pour une politique économique plus stimulante de relance de la croissance. Cependant, l'impérialisme américain n'a plus les ressources nécessaires pour entreprendre une telle politique. Au lieu de cela, son intention est d'utiliser sa puissance militaire pour compenser son déclin et empêcher la réapparition de puissances rivales, dont l'Allemagne.

L’auteur de cet article a demandé aux membres du panel comment ils pouvaient avoir le culot politique de prétendre que Syriza représentait une voie à suivre pour la classe ouvrière en Grèce, en Australie ou n’importe où ailleurs alors que Varoufakis avait publiquement déclaré que l'objectif du gouvernement Syriza était de « sauver le capitalisme » et que Syriza avait déjà répudié la position anti-austérité adoptée pendant les élections.

La question fut accueillie par des rires moqueurs de la part d’un auditoire d'environ 200 personnes, principalement des partisans des Verts et de divers groupes de la pseudo-gauche. La réaction est révélatrice de la politique de cette couche sociale de la classe moyenne, hostile à une lutte politique indépendante des travailleurs pour une perspective socialiste. Aucun des intervenants n’a daigné répondre.

Deux membres des groupes de la pseudo-gauche basés sur la théorie du Capitalisme d’Etat, Socialist Alternative et Solidarité, et dont les filiales grecques font partie de Syriza, ont soulevé des différences tactiques avec la position adoptée par Syriza dans les négociations ayant mené à l'accord de février. Ils se sont plaints de ce que Syriza allait se discréditer en mettant en œuvre les mesures d'austérité. Dans le même temps, ils ont répété que l'unité de « gauche » derrière Syriza n’était pas « sujette à débat. » Ils ont convenu avec les trois intervenants que la « solidarité » avec Syriza était la question primordiale d’actualité au plan international.

Au milieu d'une crise économique et politique qui s’approfondit en Australie, où les milieux populaires sont de plus en plus hostiles aux deux partis traditionnels de gouvernement, le Parti travailliste et le parti Libéral-national, ce milieu tente de jeter les bases d'une coalition de type Syriza pour combler le vide politique. Nicholls a dit que Socialist Alliance avait tenté une fois déjà de créer une telle formation et qu’il fallait « essayer de nouveau. » Rhiannon a dit que Syriza « a réussi son coup » en Grèce, « et nous devons le faire ici! » Les Verts pourraient avoir un « rôle essentiel » dans un tel projet, dit-elle, mais ceci était « plus grand que n’importe quel parti. »

Aucune de ces organisations n'a rien à voir avec le socialisme. Elles cherchent, comme Syriza, à concocter de nouveaux mécanismes politiques pour faire respecter les exigences du système capitaliste en crise et en faillite. Reposant sur ​​des couches de l’élite capitaliste et des secteurs affluents de la classe moyenne, comme leurs homologues dans la coalition de la « gauche radicale » de Syriza, elles se rassemblent selon des paramètres de classe bien définis: pour la défense de l'ordre capitaliste et la subordination de la classe ouvrière à ce dernier.

(Article original publié le 13 mars 2015)

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[23 février 2015]

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