Pire crise des réfugiés à l'échelle mondiale depuis la Deuxième Guerre mondiale

La crise mondiale des réfugiés est plus grave qu'elle ne l'a jamais été à aucun autre moment depuis la Deuxième Guerre mondiale, selon un rapport publié lundi par Amnistie Internationale.

Le rapport ne fournit qu'une image partielle de la catastrophe produite par le capitalisme mondial et les opérations impérialistes dans diverses parties du monde, notamment en Syrie, en Afrique du Nord et en Méditerranée, en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne. 

Le camp Dadaab au Kenya compte près de 50.000 réfugiés [source: Agence des Nations Unies pour les réfugiés]

Des dizaines de millions de personnes ont été forcées de fuir leurs maisons et de parcourir de grandes distances pour tenter d'échapper à la guerre, à la dévastation économique et aux persécutions politiques. Ces réfugiés sont souvent confrontés à des conditions déplorables dans les pays où ils fuient, et de plus en plus, ils sont détournés ou périssent en voyage.

Amnistie rapporte qu'en 2013, pour la première fois depuis les années 1940, le nombre de réfugiés était estimé à plus de 50 millions de personnes. Dans les deux années qui ont suivi, des millions d'autres se sont rajoutées.

La situation en Syrie et dans les pays voisins du Moyen-Orient est particulièrement grave. Si l'on compte les personnes déplacées à l'intérieur du pays, «plus de la moitié de la population de la Syrie est réfugiée, selon le rapport. Quelque quatre millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont fui le pays et sont réfugiés, ce qui fait de cette crise de réfugiés l'une des plus importantes de l'histoire.»

Amnistie fustige les grandes puissances pour avoir omis de prêter assistance devant la flambée de la population de réfugiés, dont beaucoup ont fini au Liban (où 20 pour cent de la population se compose désormais de réfugiés syriens), en Jordanie et dans la Turquie voisine. L'organisme note que l'appel humanitaire des Nations Unies pour lever 4,5 milliards de dollars afin d'aider les réfugiés syriens n'avait atteint que 23 pour cent de son objectif au début de juin.

L'ensemble du fonds d'urgence des Nations Unies pour les réfugiés syriens est inférieur à un pour cent du budget annuel de l'Armée américaine.

«Le nombre total de places offertes aux réfugiés de la Syrie est inférieur à 90 000, ce qui représente seulement 2,2 pour cent des réfugiés dans les principaux pays d'accueil (Liban, Jordanie et Turquie)», indique le rapport. Face à une population en augmentation rapide et aux prises avec des fonds limités, le Programme alimentaire mondial a été contraint de réduire son niveau d'aide alimentaire à moins de 0,46 $ par jour pour les réfugiés syriens en Jordanie et à 0,62 $ par jour pour les réfugiés au Liban.

La situation désespérée des réfugiés en provenance de Syrie trahit les prétentions «humanitaires» des opérations impérialistes dans la région. Cette crise est le résultat direct de la guerre civile alimentée dans le pays par les États-Unis, qui comprend le financement des organisations fondamentalistes islamiques dans le cadre de leur campagne pour renverser le président syrien Bachar Al-Assad.

L'administration Obama utilise maintenant la crise créée par l'impérialisme américain pour justifier l'expansion de ses opérations militaires en Syrie et en Irak, ciblant ostensiblement l'État islamique. L'invasion de 2003 et l'occupation de l'Irak même ont produit des millions de réfugiés.

Amnistie signale également de nouvelles restrictions en ce qui a trait au franchissement de la frontière imposées par le Liban, la Turquie et la Jordanie, tous alliés des États-Unis. La Turquie a fermé la quasi-totalité de ses postes-frontière avec la Syrie. Au cours du week-end, les forces militaires turques ont utilisé un canon à eau contre les réfugiés fuyant les combats à la frontière sud-est de la ville turque d'Akçakale.

Le rapport ne dit rien sur les origines de la crise. La guerre civile en Syrie est aussi une principale force motrice de la forte augmentation du nombre de réfugiés qui cherchent à traverser la Méditerranée. Beaucoup de Syriens ont fui vers la Libye où, avec les réfugiés en provenance d'autres parties du Moyen-Orient et d'Afrique, ils sont confrontés à des conditions désastreuses dans un pays déchiré depuis la guerre de l'OTAN en 2011.

La Libye est déchirée entre milices islamistes rivales, dont beaucoup ont été financées et armées dans le cadre de la campagne menée par les États-Unis pour renverser le gouvernement de Mouammar Kadhafi. Les réfugiés en Libye cherchant à trouver un bateau pour traverser la mer et se rendre en Italie sont victimes de harcèlement, de tortures, d'agressions sexuelles, d'extorsions et de travaux forcés.

En avril, deux bateaux bondés de réfugiés ont coulé en Méditerranée, tuant plus de 1200 personnes. Au cours des cinq premiers mois de l'année, 1865 personnes ont péri en tentant le voyage, par rapport à 425 durant la même période l'an dernier. Le rapport note que «l'augmentation dramatique du nombre de vies perdues est en partie due à la décision prise par l'Italie et l'Union européenne (UE) de mettre fin à l'opération de la marine italienne Mare Nostrum à la fin de 2014 pour la remplacer par une opération de l'UE nettement plus limitée.»

La réponse des puissances impérialistes européennes, qui ont soutenu la guerre en Libye afin de tenter de reprendre le contrôle de leurs anciennes colonies, a été de renforcer la «forteresse Europe» et de bloquer le flux de réfugiés. Le mois dernier, l'UE a adopté un système de quotas pour n'accepter que 20.000 réfugiés, une infime fraction du total de gens qui cherchent à fuir la Libye.

Dans le même temps, les puissances européennes citent la crise des réfugiés comme une justification pour préparer des frappes militaires en Libye même, celles-ci visant en premier lieu à couler les bateaux utilisés pour le transport des réfugiés à travers la Méditerranée.

Une catastrophe similaire s'est développée en Asie du Sud-Est et en Asie-Pacifique dans la première moitié de 2015, alors que des bateaux remplis de réfugiés du Myanmar et du Bangladesh ont été repoussés par l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et l'Australie. On estime jusqu'ici que 300 personnes sont mortes en mer, de faim, de déshydratation ou d'abus cette année. 

Le rapport d'Amnistie note que le refus initial des gouvernements de la région d'accepter les réfugiés était une «violation flagrante de leurs obligations internationales». Il poursuit en affirmant que «la politique de traitement au large de l'Australie – où le pays emmène les demandeurs d'asile qui tentent d'atteindre ses côtes par la mer dans des centres de détention situés sur les iles de Nauru et Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) – est un cas particulièrement abominable... Les conditions humiliantes et délibérément difficiles qui sont imposées dans les centres de détention australiens ont été conçues pour faire pression sur les demandeurs d'asile afin qu'ils retournent dans leur pays d'origine, qu'ils soient ou non des réfugiés.»

Le gouvernement australien du premier ministre Tony Abbott est actuellement confronté à des allégations selon lesquelles il aurait payé des passeurs afin de retourner des demandeurs d'asile en Indonésie, des allégations que le gouvernement a reconnues tacitement. Ces actions illégales soulignent le rôle central de l'Australie comme fer de lance de la persécution des réfugiés dans toute la région.

En Afrique subsaharienne, on estime le nombre de réfugiés à 3 millions de personnes, le résultat de vagues de personnes fuyant les guerres et les conflits de différentes parties du continent, dont le Nigeria, le Soudan du Sud, la République centrafricaine et le Burundi. Ces guerres sont toujours reliées à des luttes pour accaparer les ressources naturelles, les puissances impérialistes n'ayant d'intérêt dans la région profondément appauvrie que comme une source de pétrole et de minéraux.

La conclusion du rapport d'Amnistie est prévisible, avec ses appels impuissants aux gouvernements pour faire plus. «La crise mondiale des réfugiés ne sera pas résolue à moins que la communauté internationale ne reconnaisse qu'elle est un problème mondial et la traite en tant que tel», conclut le rapport.

La situation catastrophique à laquelle font face les réfugiés n'est toutefois qu'une expression particulièrement horrible d'un système social et économique en faillite. L'afflux de réfugiés est un produit direct de la guerre et de la contre-révolution sociale sans fin. La persécution des personnes déracinées par l'impérialisme est inséparable de l'assaut sur les droits démocratiques et sociaux de la classe ouvrière dans tous les pays.

(Article paru d'abord en anglais le 16 juin 2015)

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