La débâcle de la bourse chinoise se répercute sur les marchés mondiaux

Les autorités financières chinoises ont interdit aux grands actionnaires, aux cadres, et aux directeurs de vendre des actions de sociétés cotées en bourse pendant six mois. C’est la dernière d’une série de mesures de plus en plus désespérées pour tenter d’arrêter l'effondrement de la bourse chinoise, alors que tout indique qu’il commence à avoir un impact sur le reste du monde.

Selon les nouvelles régulations, les investisseurs détenant plus de 5 pour cent d’une société doivent garder leurs actions; l’interdiction de vente vaut pour les cadres et membres du conseil d'administration, quel que soit le pourcentage de la société qu’ils détiennent.

Cette mesure fait suite à une nouvelle chute en bourse mercredi. Le Shanghai Composite Index a perdu 5,9 pour cent, et était même en baisse de 8 pour cent à un certain moment la journée. L’index Shenzhen a aussi baissé de 2,5 pour cent. Depuis plus d’une semaine, l’État et les autorités financières dévoilent en vain des mesures pour tenter de ranimer les marchés.

Certains s’inquiètent à présent que l’intervention de l’État pourrait en fait faire empirer la situation. Mark Mobius, président de Templeton Emerging Markets Group, a dit au Sydney Morning Herald que cette suite d’interventions «sent le désespoir. Cela crée davantage de peur en laissant voir qu’ils ont perdu le contrôle...»

Mercredi, on a su que la bourse avait suspendu les échanges d’actions de presque 1.500 sociétés (50 pour cent du marché total), gelant ainsi des capitaux valant 2.600 milliards de dollars. Même ce chiffre sous-estime cependant la crise du marché. Selon les régulations boursières chinoises, on suspend l’échange d’une action dès que son prix baisse de plus de 10 pour cent. Selon une estimation, presque 90 pour cent des actions chinoises auraient été suspendues ou ont atteint cette limite journalière.

En tout, plus de 3.000 milliards $ de richesse se sont volatilisés et les marchés ont chuté de plus de 30 pour cent depuis leur pic il y a un mois. Les sommes qui ont disparu dépassent la valeur totale des bourses française et espagnole réunies et équivalent presque au produit intérieur brut de l’Allemagne, la quatrième économie mondiale.

On a pu voir mercredi des signes manifestes de l’impact mondial de la crise chinoise. Les marchés asiatiques ont chuté, et le marché australien, très sensible à la Chine, a aussi chuté de 2 pour cent. Les marchés européens étaient stables ou en légère hausse, mais Wall Street a enregistré une perte importante.

L’indice Dow Jones a fini en baisse de 1,5 pour cent à son niveau le plus bas depuis 5 mois, tandis que le S&P 500 perdait 1,7 pour cent. Chacun des neuf secteurs de la S&P était en baisse, les valeurs énergétiques et les matières premières étant très touchées. L’indice Vix, qui mesure la volatilité des marchés, et qui est vu comme un indicateur de la nervosité des investisseurs, a grimpé de 21 pour cent pour s’établir à 19,6.

Pour le moment, la principale courroie de transmission de la liquidation des marchés en Chine est la chute rapide des valeurs des matières premières, dont le cuivre et le minerai de fer, qui chutent en parallèle avec les actions chinoises.

Mercredi, le prix à Londres du cuivre, une matière première industrielle importante, a touché son point le plus bas depuis 2009, peu après l’éruption de la crise financière mondiale. Le minerai de fer a chuté de 11 pour cent, l'une des pires performances de son histoire, pour s’établir juste au-dessus de 44 dollars la tonne, comparée à 49,70 dollars mardi. Le prix a chuté de 25 pour cent sur les cinq dernières séances de bourse.

Deux processus poussent la chute de ces matières premières: d’abord, la liquidation d’avoirs par des investisseurs en bourse et des spéculateurs voulant renforcer leurs positions en liquide à court terme, et ensuite l’inquiétude croissante que cette liquidation en bourse entraîne une crise du système financier chinois et une réduction considérable de la croissance économique. Le cuivre sert de garantie pour des prêts, mais on le vend à présent pour couvrir des pertes en actions.

Le déclin vertigineux du prix du minerai de fer, qui a perdu plus des deux tiers de sa valeur depuis 2011, reflète des inquiétudes sur l’impact à long terme de la crise du marché boursier. Mercredi, les gestionnaires de fonds australiens ont fait savoir qu’aux prix actuels, la rentabilité des plus petites sociétés minières qui exploitent ce minerai était remise en question.

En l’absence de tout signe que la chute du marché va se terminer, les mesures prises par les autorités gouvernementales et réglementaires sont devenues de plus en plus désespérées, tout comme le discours qui les accompagne.

Annonçant l’interdiction de six mois sur la vente par les principaux actionnaires, la Commission de régulation des valeurs mobilières en Chine (CSRC) a déclaré qu’il y avait une «atmosphère de panique dans le marché» et a souligné une «forte augmentation de la vente à perte irrationnelle d’actions, provoquant un manque de liquidités». Elle a prévenu qu’elle «traiterait sévèrement» les violateurs éventuels de ses nouveaux règlements.

La Banque populaire de Chine (PBoC) a annoncé qu’elle aidait la Société de financement de valeurs mobilières de la Chine (CSF), société appartenant à l’État, à accéder à des liquidités afin qu’elle puisse «tenir le coup contre l'explosion de risques financiers systémiques ou régionaux».

La référence de la banque aux «risques systémiques» indique des craintes grandissantes que la chute du marché boursier puisse déclencher une crise dans d’autres parties du système financier, tandis que sa référence aux problèmes «régionaux» possibles laisse paraître des préoccupations quant à la stabilité des autorités gouvernementales locales à travers le pays, qui sont lourdement endettées, dans des conditions d’un ralentissement de l’économie.

La signification de la déclaration de la PBoC a été révélée dans un article paru dans le Financial Times: «Ceci est la déclaration la plus claire jusqu'à maintenant sur ce que fait la CSF – l'achat d'actions à l'aide de l'argent fourni directement par le PBoC, une fonction bien différente de son rôle traditionnel de créancier pour les maisons de courtage pour soutenir les prêts marginaux.»

La CSF fournit également du crédit aux maisons de courtage, près de 42 milliards de dollars, pour les aider à acheter des actions, et cherche à augmenter ses propres achats d'actions de plus petites entreprises.

Pour le régime du Parti communiste chinois, l’incapacité du gouvernement et des régulateurs financiers à stopper l’effondrement du marché se transforme rapidement en une catastrophe politique. En novembre 2013, tandis qu'il tentait de trouver une nouvelle avenue de croissance pour l’économie chinoise, le président Xi Jinping a annoncé que désormais, le gouvernement mettrait l’accent sur «le rôle décisif des forces du marché».

Le plan était d’ouvrir de plus en plus le secteur financier au capital international et d'encourager la négociation d’actions par les individus les plus aisés des classes moyennes du pays. Cherchant à cultiver cette couche comme une base sociale importante, il l'a attirée activement vers les marchés boursiers.

Le plan du gouvernement, fondé sur les «forces du marché» qui font maintenant des ravages, s'est retourné contre lui. Il fait face non seulement à l’hostilité de millions de petits commerçants qui ont été perdants dans la chute du marché boursier, mais aussi à la perspective des luttes sociales et politiques de la classe ouvrière, en plein ralentissement de l'économie.

(Article paru d'abord en anglais le 9 juillet 2015)

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