Merkel et Hollande se rencontrent à Berlin pour discuter de la crise des réfugiés

La chancelière allemande Angela Merkel a rencontré François Hollande lundi pour un sommet à Berlin sur la crise des réfugiés en Europe. Ils ont aussi discuté de la montée des combats en Ukraine avec le président ukrainien proaméricain, Petro Poroshenko. 

Lors d'une conférence de presse, Merkel et Hollande ont proposé d'harmoniser les lois d'asile en Europe et de partager les réfugiés entre les pays européens. Merkel a versé quelques larmes sur des immigrés attaqués lors d'émeutes d'extrême-droite à Heisenau, en Allemagne, et Hollande a insisté qu'une Europe « démocratique » se devait de bien traiter les réfugiés. En fait, les Etats allemand et français projettent de mener des attaques drastiques contre les immigrés et des droits démocratiques fondamentaux. 

Des guerres impérialistes lancées en Syrie et en Libye ont embrasé le Moyen- Orient et le Sahel. Ces guerres, ainsi que la pauvreté écrasante qui touche beaucoup de ces pays, forcent des millions de personnes à émigrer. Dans la seule Syrie, dix millions de personnes ont dû fuir. Des millions d'immigrés arrivent en Europe, des centaines de milliers d’entre eux en Italie et en Grèce. La crise des réfugiés est la plus grave en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. 

En Allemagne, où 40 pour cent des immigrés demandent l'asile, les autorités estiment que 800.000 immigrés pourraient arriver cette année. C'est le double du record précédent, de 440.000, établi en 1992 après la dissolution de l'URSS et la chute du Mur de Berlin. Lors de leur conférence de presse, Merkel et Hollande ont insisté sur une mise en œuvre plus rapide de projets pour construire des camps de détention en Italie et en Grèce, dirigés par l'Union européenne (EU), qui répartiraient ensuite les immigrés qui seraient acceptés plus également à travers l'Europe. 

Ces « hot spots » seraient juridiquement des trous noirs, pouvant détenir des immigrés 18 mois et les déporter vers leurs pays d'origine suivant une règlementation commune. Les immigrés n'auraient pas droit aux protections fournies par le droit d'asile du pays où ils se trouveraient. Si les flux migratoires montaient, l'UE pourrait ensuite suspendre jusqu’aux faibles limites imposées par l'UE à la détention et à la déportation des immigrés dans les camps. 

Les camps partageraient aussi une liste commune de « pays sûrs », modelée sur la loi allemande, d'où l'EU n'accepterait aucun immigré. 

Le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière va accueillir son homologue français, Bernard Cazeneuve, à Berlin jeudi afin de planifier une stratégie commune. Ils discuteront de la modification des accords de Dublin sur les demandes d'asile dans les pays de l'UE. 

« L'Allemagne ne peut pas continuer à accueillir environ 40 pour cent des réfugiés et demandeurs d'asile en Europe comme jusqu'ici », a-t-il dit lundi, soulignant que sinon l'accord de Schengen pourraient s'effondrer. C'était apparemment une menace que l'Allemagne pourrait rétablir des contrôles aux frontières avec d'autres Etats de l'UE afin de bloquer l'afflux des réfugiés qui arrivent de Grèce, des Balkans, ou d'Italie. 

L'Allemagne et la France menacent de mettre tous les Balkans sur la liste de « pays saufs ». Ceci augmenterait la pression sur les gouvernements de cette région pour intensifier leur répression brutale des migrants, afin de bloquer les flux migratoires vers l'Europe de l'Est. 

La Hongrie construit une barrière massive pour empêcher les réfugiés de traverser sa frontière sud, et la police macédonienne a combattu les réfugiés pendant trois jours la semaine dernière pour tenter de les empêcher d'entrer dans le pays. Finalement, les réfugiés ont battu la police et ont pu forcer le passage vers l'Europe. Cependant, beaucoup d'entre eux, dont des femmes et des enfants, font face à des conditions horribles alors qu'ils tentent de traverser le pays sans vivres ou transports. 

Merkel se rend à Vienne jeudi pour un sommet avec des chefs d'Etat des pays balkaniques, dont l'Albanie et le Kosovo, pour discuter de l'immigration. Selon son porte-parole, Steffen Seibert, elle leur demandera « pourquoi tant de milliers de personnes viennent de ces pays ». 

Les propositions développées à Berlin et Paris, débarrassées de leur invocations hypocrites de solidarité humanitaire et de valeurs européennes, soulignent la profonde dégénerescence de la démocratie bourgeoise en Europe. 

Une crise sociale internationale inouïe fait revenir des méthodes de répression dont les masses espéraient qu’elles avaient été reléguées aux oubliettes de l'histoire par la défaite du nazisme. Alors que l'Allemagne met fin à sa politique de retenue militaire et que la présidence française s'arme d'une liste de personnes à assassiner sans forme de procès, le capitalisme européen se dote d'un nouveau réseau de camps de prisonniers. 

Les prémisses d'une désintégration de l'Europe en Etats-nation émergent de plus en plus clairement. L'intégration partielle et très limitée des pays européens, menée sous l'égide de l'UE et de l'accord de Schengen qui éliminaient les contrôles aux frontières entre de nombreux pays européens, cale et se désagrège sous l'impact des tensions diplomatiques provoquées par la crise des réfugiés. 

Après la discussion sur les réfugiés, Merkel et Hollande ont organisé une conférence de presse avec l'oligarque milliardaire et président ukrainien d'extrême-droite, Petro Poroshenko, sur la guerre civile ukrainienne déclenchée par le coup pro-UE à Kiev l'année dernière. 

Au début de l'année, Merkel, Hollande, et Poroshenko ont rencontré le président russe Vladimir Poutine à Minsk pour négocier un cesser-le-feu entre Kiev et les séparatistes pro-russes en Ukraine de l'est, afin d'éviter une escalade en une guerre ouverte entre l'OTAN e t la Russie. Cette fois-ci, ils ont snobé Poutine, qui n'était pas invité à Berlin. 

Actuellement, les combats reprennent en intensité dans les zones contestées de l'Ukraine. Le régime de Kiev déplore cinq victimes dont plusieurs morts, alors que les séparatistes pro-russes rapportent la perte de cinq personnes lors de tirs sur Donetsk. 

A la conférence de presse avec Poroshenko, Merkel et Hollande ont voulu faire pression sur le Kremlin sans risquer une guerre ouverte avec Moscou. Merkel a insisté pour que les deux camps respectent les accords de Minsk et qu'ils démobilisent leurs armes lourdes. Elle a aussi demandé que l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) puisse travailler plus librement en Ukraine, en se plaignant que les séparatistes pro-russes bloquaient le travail des drones et des moniteurs de l'OSCE. 

Elle a soulevé plusieurs dossiers, dont ceux des échanges de prisonniers et de la restauration du commerce russo-ukrainien, qui restent en suspens. 

Les responsables russes ont de leur côté souligné la responsabilité des actions agressives de l'OTAN et de ses truchements ukrainiens dans le conflit. « Nous surveillons étroitement cette réunion et nous surveillerons également ses résultats », a dit le ministre des Affaires Etrangères russe, Serguei Lavrov. « Pour nous, il faut évidemment faire davantage pression sur Kiev. Nous nous attendons à ce que l'Allemagne et la France, qui ont garanti les accords de Minsk, fassent tout leur possible pour s'assurer que [les termes de l'accord] soient respectés inconditionnellement ».

 

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