Canada: Le NPD promet un budget équilibré et veut une force militaire plus importante

Dans la foulée de l'effondrement de la bourse la semaine dernière, le dirigeant du Nouveau Parti démocratique Thomas Mulcair a réaffirmé que son parti promettait un budget équilibré, tout en maintenant les baisses d'impôts que les gouvernements libéraux et conservateurs ont offertes aux sociétés et aux riches au cours des 15 dernières années.

Lors d'une escale de sa campagne à Hamilton en Ontario le 25 août, Mulcair a à nouveau critiqué les conservateurs pour avoir été incapables d'équilibrer le budget depuis 2008. «Notre premier budget sera un budget équilibré», a-t-il affirmé. En réponse aux questions des journalistes, le dirigeant du NPD, qui est appuyé par les syndicats, a rejeté à plusieurs reprises l'idée d'entretenir même un petit déficit budgétaire, malgré les difficultés auxquelles fait face l'économie canadienne.

Le dévouement ferme de Mulcair à un «budget équilibré» vise à rassurer la grande entreprise qu'un gouvernement néo-démocrate va défendre fidèlement ses intérêts. Les travailleurs doivent voir comme un avertissement le fait qu'en réponse à l’aggravation de la crise du système capitaliste, les sociaux-démocrates canadiens mettront en oeuvre des mesures d'austérité, éliminant des milliards de dollars en dépenses sociales. En effet, l'implication du refrain de Mulcair concernant l'incapacité des conservateurs d'équilibrer le budget est que les coupes de dizaines de milliards de dollars qu'ils ont faites depuis 2010 ne sont pas suffisantes.

De plus en plus d’analystes financiers croient que le budget pour l'année en cours sera en déficit à cause d'un ralentissement de l’économie – l'économie du Canada s’est contractée dans les six premiers mois de 2015 – et des déclins importants dans les prix du pétrole et d'autres matières premières. En juillet, le bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) a laissé entendre que le gouvernement aurait un déficit budgétaire de 1 milliard de dollars plutôt qu'un excédent de 1,4 milliard promis par le ministre des Finances Joe Oliver dans le budget d'avril. Depuis le rapport du DPB, le pétrole et les prix des marchandises ont continué de chuter – entraînant des ajustements supplémentaires à la baisse dans les estimations de croissance économique canadienne – et les marchés financiers mondiaux ont été ébranlés par le ralentissement économique de la Chine.

La bourse TSX de Toronto a chuté de 5 pour cent lundi de la semaine dernière. Les actions des secteurs de l'énergie et des mines ont été particulièrement touchées à cause des craintes que le ralentissement de la croissance en Chine réduise le volume et la valeur des exportations des matières premières. On croit de plus en plus que la Banque du Canada va réduire son taux d'intérêt de base pour la troisième fois cette année lors d'une prochaine rencontre le 9 septembre.

Le premier ministre Harper a réagi aux turbulences des marchés boursiers de la semaine dernière en rendant publique une discussion qu'il a eue avec le gouverneur de la Banque du Canada l’après-midi du 24 août. Cette démarche inhabituelle était calculée pour rassurer les marchés que son gouvernement fera tout en son pouvoir pour défendre les intérêts et la richesse de l'élite financière. En automne 2008, Harper, avec l'appui des autres principaux partis, a organisé l'acquisition par la Société canadienne d'hypothèques et de logement de milliards de dollars en hypothèques afin d'améliorer la position des banques privées canadiennes.

Mardi dernier, Harper a tenté d'utiliser la volatilité des marchés à son avantage, affirmant que cela était la preuve qu’il fallait de la «discipline» dans les dépenses et des impôts peu élevés. Il a attaqué les libéraux et le NPD prétendant qu'ils proposent d'augmenter les impôts et le niveau des dépenses gouvernementales.

Il s'agit d'un mensonge flagrant. Le NPD, tel que Mulcair l'a réaffirmé la semaine dernière, est voué à un budget équilibré et à aucune augmentation d'impôts sur le revenu personnel. Au nom de la création d'emploi, il a l'intention de faire passer le taux d'imposition pour les petites et moyennes entreprises de 11 à 9 pour cent.

Auparavant, Mulcair avait affirmé que l'élimination de la mesure des conservateurs du partage des revenus, un changement d'imposition qui avantagerait principalement des couples à revenus élevés, aiderait à équilibrer le budget. Mais mercredi, il a admis que cela serait insuffisant et que d'autres changements – ce qui veut dire des réductions dans les dépenses – seraient nécessaires. «Nous aurons un programme entièrement calculé. Tout le monde verra ce que sera le plan du NPD à toutes les étapes», a-t-il dit à London en Ontario.

Andrew Thomson, qui est mis de l'avant comme le potentiel ministre des Finances dans un gouvernement fédéral du NPD, a révélé une fois de plus les implications de la promesse du parti d'un budget équilibré en entrevue avec Radio-Canada pour l'émission «Power in Politics». «En tant qu'ex-ministre des Finances (de la Saskatchewan), a dit Thomson, je sais que le budget, c'est avant tout une question de priorités – et nous faisons, dans l’ordre, les choses qui sont les plus importantes pour les Canadiens.» Répondant à la question si cela voulait dire l'élimination des dépenses dans certains secteurs, il a répondu : «Je crois que c'est inévitable.»

En ce qui concerne la promesse du NPD d'augmenter le taux d'imposition pour les grandes entreprises, celle-ci disparaît rapidement, ou pour être plus précis, s'avère un exercice purement rhétorique. Muclair évite constamment de donner des détails concrets, mais en début août, il a laissé entendre que toute augmentation serait «légère» et «graduelle». Plus récemment, il a dit que le NPD maintiendrait le taux d'imposition des entreprises sous la moyenne qui régnait pendant la dernière décennie durant laquelle le gouvernement conservateur était au pouvoir. Puisque le taux moyen d'imposition des entreprises sous Harper était de 17,5 pour cent, et que le taux fédéral présent est à 15 pour cent, des observateurs présument que l'augmentation sous un gouvernement Mulcair serait dans l'ordre du 1 pour cent. C'est une goutte dans l'océan qui ne fera pas grand-chose pour augmenter les revenus gouvernementaux.

La plateforme du NPD est tellement à droite que les libéraux propatronaux, le parti gouvernemental préféré de la bourgeoisie canadienne pour la majeure partie du 20e siècle, se présentent comme une option de «gauche » aux sociaux-démocrates.

Le chef libéral Justin Trudeau a attaqué Mulcair la semaine dernière pour sa détermination à vouloir équilibrer le budget à tout prix. «Pourquoi, a demandé Trudeau, veut-il retirer des milliards de dollars d'une économie en récession et quels investissements publics éliminera-t-il pour le faire?» Trudeau a ensuite ajouté de façon démagogique, «Le choix de ces élections est ... entre des emplois et de la croissance ou bien de l'austérité et des coupes – et Tom Mulcair vient de faire le mauvais choix.»

Les références répétées de Trudeau à la croissance au lieu des réductions budgétaires reflètent les différends politiques qui existent plus largement au sein de la classe dirigeante internationalement sur la meilleure façon de répondre à la crise mondiale du capitalisme. Aux États-Unis et en Europe, les politiciens de la grande entreprise qui prétendent vouloir la «croissance» se sont avérés tout aussi hostiles aux intérêts de la classe ouvrière que ceux qui défendent ouvertement des mesures d'austérité. Les gouvernements «pro-croissance» se concentrent sur l’aide aux grandes entreprises à travers des baisses d’impôt, ainsi que l'augmentation des subventions, des investissements en infrastructure, des «réformes» pro-marché anti-ouvrières et des taxes régressives sur la consommation. De telles politiques de «croissance» sont financées par les programmes d'assouplissement quantitatif des banques centrales : une véritable aubaine pour l'élite financière.

Le portrait que peint Trudeau des libéraux en tant que parti qui défend les travailleurs et qui est opposé à l'austérité est totalement malhonnête – car il s'inscrit entièrement dans la tradition des libéraux qui ont à maintes reprises dénoncé les politiques de droite des conservateurs lors de campagnes électorales pour les mettre en oeuvre une fois arrivés au pouvoir. C'est justement aux côtés de l'ancien ministre des Finances et premier ministre Paul Martin que Trudeau critiquait Mulcair. Sous Martin, les libéraux ont imposé les plus importantes réductions dans les dépenses de l'histoire du Canada dans les années 1990, ravageant le système de santé, l'éducation et les services sociaux essentiels, incluant l'assurance-emploi et l’aide sociale.

Les libéraux continuent de brandir le bilan des gouvernements Martin-Chrétien en tant que preuve que ce sont eux, et non pas les conservateurs, qui sont le véritable parti de la «responsabilité fiscale». Tout comme Mulcair, Trudeau ne rate jamais l’occasion d’attaquer Harper et les conservateurs de la droite pour avoir accumulé les déficits après avoir hérité d'un budget excédentaire des libéraux. De plus, Trudeau a bien souligné qu'un gouvernement libéral équilibrera rapidement le budget, la seule différence par rapport au NPD de Mulcair étant que les libéraux refusent de promettre de le faire durant leur première année au pouvoir.

Le NPD, ayant largement convaincu l'élite dirigeante de son profil économique de droite, semble maintenant préparer un nouveau front de la campagne électorale en attaquant les conservateurs pour n'avoir pas assez dépensé pour l’armée. Dans les faits, les dépenses pour l’armée canadienne sous Harper ont augmenté radicalement. En 2011, avant que les conservateurs imposent leurs réductions prévues par leur programme d'austérité généralisée, le Canada dépensait plus pour l’armée en dollars réels (ajustés à l'inflation) qu'en tout temps depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Lors d'une conférence de presse mardi, Mulcair a réprimandé le gouvernement Harper pour ne pas avoir complété une série de projets de modernisation des Forces armées canadiennes. Il a ajouté que les dépenses actuelles pour l’armée canadienne, l'équivalent d'un pour cent du PIB, sont inadéquates.

Ces paroles ont été dites le même jour que fut publié un article du chroniqueur Lawrence Martin pour le Globe and Mail qui prédisait que le NPD ferait de l'appui pour l’armée une question majeure dans les semaines à venir. Citant sans les nommer des conseillers de premier plan du parti, Martin a suggéré que Mulcair pourrait exiger plus de ressources pour l’armée. «Vous pouvez imaginer, a confié un conseiller à Martin, Tom qui, en septembre, accuse Harper d’avoir réduit les dépenses militaires à un pour cent du PIB. Nous allons l'augmenter à 1,2 pour cent. Nous avons négligé notre armée et nous allons y remédier.»

Martin a fait référence aux nombreuses poudrières dans le monde qui rendent l'augmentation des dépenses militaires supposément nécessaires, telles que la «menace russe» et la «brutalité de l’EI».

Une telle proposition serait entièrement conforme à la défense enthousiaste par le NPD de l'impérialisme canadien. Depuis le bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN en 1999, le parti a appuyé une intervention militaire canadienne après l'autre, incluant la guerre en Afghanistan, le rôle du Canada dans le renversement du président élu d'Haïti en 2004, la guerre de changement de régime menée par les États-Unis en Libye, et le déploiement actuel de troupes, d'avions et de navires canadiens aux frontières de la Russie. Bien que le NPD ait voté contre la prolongation de la participation du Canada à la guerre menée actuellement par les États-Unis au Moyen-Orient jusqu'en avril, la contre-proposition qu'il a faite au parlement prévoyait le déploiement de soldats canadiens pour fournir des armes à l'armée irakienne et à la milice kurde basée en Irak pour des raisons «humanitaires».

(Article paru en anglais le 27 août 2015)

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