Comme la combativité des travailleurs grandit, l'UAW dépose un « préavis de grève » pour Fiat Chrysler

Le syndicat UAW (United Auto Workers) a informé la direction de Fiat Chrysler Automobiles (FCA) mardi qu'il annulerait le contrat de travail prolongé avec la société et pourrait lancer une grève si aucun nouvel accord n'était conclu le 7 octobre avant minuit, heure de l'Est.

Le préavis de grève est la dernière d'une série d'improvisations de la part de l'UAW suite au « non » massif la semaine dernière à un accord soutenu par le syndicat et la direction de Fiat Chrysler. L'UAW ne s'était pas attendu au rejet de son accord au rabais, et l’a encore moins désiré. Il est clairement désemparé, cherche désespérément une politique, et ne sait pas très bien quoi faire. 

L'UAW avait annoncé un accord de principe avec le constructeur automobile le 15 septembre, un jour seulement après avoir annoncé qu'il choisissait Fiat Chrysler comme société cible. Il n'y a pas eu de négociations au sens traditionnel du terme. On a présenté à l'UAW un contrat établi par la société et que celui-ci pensait pouvoir faire passer en force dans des scrutins où les travailleurs avait un fusil sur la tempe, avant qu’ils ne sachent exactement sur quoi ils votaient. 

Ces plans ont été perturbés lorsque les travailleurs sont intervenus. L'opposition a été organisée via Facebook et d'autres médias sociaux, où l' Autoworker Newsletter du WSWS (Bulletin des travailleurs de l’automobile) a joué un rôle central, fourni aux travailleurs des informations sur le contrat et lutté contre les mensonges de la société et de l'UAW. 

En réponse, tant Fiat Chrysler que l'UAW ont affirmé qu’il n’avaient pas mieux à offrir. La semaine dernière, le président de l'UAW Dennis Williams a déclaré à une réunion de dirigeants syndicaux qu’« il n'y a pas plus d'argent dans la caisse ». Parmi les options envisagées par l'UAW il y a celle de forcer les travailleurs de FCA à revoter sur le même contrat ou un contrat similaire, ou bien commencer des négociations chez Ford ou General Motors dans l'espoir qu'un « oui » dans l'une de ces entreprises fasse basculer l’avantage actuel des travailleurs. 

C'est l'action de la base qui a obligé l'UAW à déposer le préavis de grève. Mais du point de vue du syndicat, une grève aurait pour but de lui fournir une couverture pour qu'il accepte un accord dicté par la société. Si l'UAW appelle à la grève, il n’y laisserait probablement participer qu’une fraction des 40.000 travailleurs de Fiat Chrysler dans quelques sites choisis. C’est exactement ce que l'UAW a fait en 2007 quand il a appelé à deux jours de « grève Hollywood » chez GM et à un débrayage de six heures chez Chrysler, avant d'accepter le système haï des salaires à deux niveaux. 

Les médias patronaux sont bien conscients de l'objectif d'une telle manœuvre cynique. « Il reste la possibilité que les deux côtés fassent de réels progrès et que les préparatifs de grève soient simplement du théâtre pour apaiser les membres de l'UAW en colère contre les dirigeants syndicaux à cause de l'accord du mois dernier qui était bien en deçà de leurs attentes », a écrit le Detroit Free Press mardi. « Du point de vue de l'UAW, il serait politiquement presque plus astucieux de faire débrayer tout le monde si c'était un moyen de servir de soupape de sécurité », a dit au journal l'avocat de Détroit spécialisé en droit du travail Gary Klotz.

Selon une « source UAW » citée par le site Web de l'industrie Automotive News, l'UAW pourrait appeler aux débrayages dans quelques usines de l'Indiana, de l'Ohio et du Michigan. Cela lui permettrait de débourser le moins possible de sa caisse de grève de $ 600 millions, tandis que les travailleurs d'autres usines, au chômage technique en raison d'une pénurie de pièces, seraient contraints de solliciter des allocations de chômage.

En même temps, l'UAW et la fédération AFL-CIO, recourant à des mesures désespérées pour tenter de contrer la colère des travailleurs, ont intensifié leur attaque du WSWS. Dans une déclaration lundi sur la page Facebook de l'UAW, Williams a accusé « des groupes extérieurs » qui « aiment semer la zizanie chez les gens » d’être responsable pour le « non ».

Puis, mardi il y eut un communiqué de Bruce Miller, conseiller juridique principal de l'AFL-CIO pour la région métropolitaine de Detroit, qui attaquait spécifiquement le WSWS. Traitant le World Socialist Web Site de « vautour extérieur ... cherchant à profiter de la crise pour avancer ses propres desseins », Miller écrit: « Ces gens veulent voir l'UAW dans la tourmente, car c’est de la tourmente qu’ils espèrent qu’une nouvelle révolution viendra ».

En réponse à ces déclarations, Jerry White, le rédacteur en chef de l’Autoworker Newsletter du WSWS, a dit: « L'UAW attaque le Bulletin, parce que c’est la seule source où les travailleurs peuvent avoir des informations et voir exprimés leurs intérêts et griefs ». Il a ajouté, « Ce genre de chasse aux communistes ne ​​trompera pas les travailleurs. Ils vont la voir pour ce qu’elle est: une tentative flagrante de délégitimer l'opposition pour imposer un contrat pourri ».

White dit encore, « L'UAW a pour ses membres un mépris total et pense que les travailleurs ne savent pas reconnaître un accord pourri quand ils en voient un. Ils n’ont rien réfuté de ce que le WSWS a écrit et révélé ».

Les travailleurs de l’automobile montrent toujours un incroyable degré de colère et de combativité, et nombreux sont ceux qui veulent engager la lutte contre les constructeurs automobiles. En réponse au commentaire de Williams sur les «agitateurs extérieurs», un travailleur a posté sur Facebook: « Rappelez-vous, un agitateur est la chose dans la machine à laver qui détache la saleté ».

Les travailleurs devraient rester sur leurs gardes. Aucune confiance ne peut être accordée à l'UAW. L'élan et la vigilance des travailleurs doivent passer à la prochaine étape qui est d’organiser dans chaque usine des comités d'usine de la base, dirigés par les travailleurs les plus militants et ayant la conscience de classe la plus développée.

Si les travailleurs doivent mener une bataille sérieuse contre un Fiat-Chrysler soutenu par toutes les sociétés automobiles et leurs investisseurs de Wall Street, il faut que les travailleurs de la base enlèvent la conduite de la lutte des mains de l'UAW, qui est antidémocratique et n’est pas responsable devant les membres.

Une lutte sérieuse exigerait: 1) Une grève impliquant toutes les usines et installations de Fiat-Chrysler; 2) La mobilisation des travailleurs de GM et Ford pour stopper l'industrie automobile toute entière; 3) Un appel à l'aide adressé aux travailleurs de tous les États-Unis et de l'étranger, qui font face eux-aussi à des attaques incessantes sur leurs emplois et conditions de vie.

Une telle lutte mènerait immédiatement à une confrontation avec l'administration Obama qui a utilisé la faillite de GM et Chrysler en 2009 pour étendre le système du salaire à deux niveaux et faire porter le fardeau des coûts de santé aux travailleurs. Cela est devenu le modèle pour une attaque de toute la classe ouvrière et a contribué, avec le plan de sauvetage de Wall Street, à alimenter le plus grand transfert de richesse du bas vers le haut de l'histoire américaine.

Les patrons de l'automobile, l'UAW, les politiciens de la grande entreprise et tous les défenseurs du système capitaliste sont de dangereux ennemis, mais la classe ouvrière est plus puissante encore. Si les travailleurs de l'automobile peuvent se libérer des chaînes du syndicat jaune qu’est l’UAW, ils peuvent commencer une contre-offensive de la classe ouvrière toute entière, métallurgistes, travailleurs des télécommunications, enseignants et autres travailleurs du secteur public, pour renverser des décennies de reculs organisés par les syndicats et lutter pour l'égalité sociale.

Tout dépend maintenant de l'initiative indépendante des travailleurs. Ils ne peuvent permettre de se voir trahis une nouvelle fois par les laquais patronaux de Solidarity House (siège de l’UAW). Dans ce combat, l’Autoworker Newsletter du WSWS continuera d’armer les travailleurs avec l'information et la stratégie politique dont ils ont besoin et de lutter pour mobiliser la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde en soutien à cette bataille critique.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2015)

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