Préparons la désobéissance aux lois anti-syndicales:

Les questions politiques liées à la lutte contre l'austérité

Ce qui suit est le texte d’une déclaration diffusée par des sympathisants du Parti de l’égalité socialiste à une manifestation organisée à Montréal le 3 octobre par les syndicats du secteur public. Nous encourageons nos lecteurs à en imprimer des copies et à les faire circuler dans leur entourage. 

Le gouvernement libéral québécois de Philippe Couillard a déclaré la guerre aux travailleurs. Il saigne à blanc les réseaux de la santé et de l'éducation. Il pille les pensions des travailleurs municipaux. Il exige des reculs majeurs à plus d'un demi-million d'employés du secteur public – gel salarial de deux ans, abolition de postes, augmentation de la charge de travail, report de l’âge de retraite. 

Les coupes massives dans les dépenses sociales vont de pair avec la hausse des tarifs d'électricité et des frais de garderie, et la baisse simultanée de l'impôt sur les riches. Leur objectif plus large est d'accélérer la privatisation des services publics. 

C'est le programme de la classe capitaliste dominante, non seulement au Québec, mais partout au Canada, aux États-Unis et outre-mer. Dans tous les pays, l'élite dirigeante a répondu à la crise financière de 2008, la plus grande crise du capitalisme mondiale depuis la Grande Dépression, en intensifiant l'assaut sur les emplois et en démantelant ce qui reste de l'État-Providence. 

Les employés du secteur public font face à une lutte politique. En rejetant les mesures d'austérité du gouvernement Couillard, ils remettent en cause le programme de toute l'élite capitaliste et entrent en conflit avec le gouvernement, ses lois anti-syndicales et tout l'appareil répressif de l'État. Pour y faire face, ils doivent chercher le soutien de tous les travailleurs en appelant à une vaste mobilisation, au Québec et au Canada, pour la défense des emplois, des salaires et des programmes sociaux. 

Sabotage des syndicats 

Cela requiert une rupture politique et organisationnelle avec les syndicats pro-capitalistes qui sabotent depuis des décennies tout mouvement de résistance aux attaques patronales. 

Une lutte sérieuse pour défendre les services publics, et les conditions de travail des employés qui les prodiguent, aurait un immense écho dans la population. Mais les syndicats font tout pour étouffer la colère des membres de la base et restreindre leur action à des gestes de protestation dans le cadre d'une simple négociation collective. 

Le «Front commun» des syndicats du secteur public a indiqué à maintes reprises que sa priorité était d’en arriver à une entente «négociée» avec le gouvernement, sans avoir à recourir à la «bombe atomique» que serait une grève générale dans le secteur public. S'il a demandé un mandat restreint de «six jours de grève rotative sur une base régionale ou nationale», ce n'est pas pour organiser une véritable lutte contre le gouvernement. C'est une manœuvre pour laisser les travailleurs se défouler, tout en les gardant divisés.

Menace de loi spéciale

Loin de préparer les travailleurs à faire face aux lois antigrèves, la bureaucratie syndicale s'en servira plutôt pour justifier une capitulation immédiate – comme en 2005 après le décret imposant un contrat de travail de sept ans dans le secteur public.

Il ne fait aucun doute que les Libéraux vont adopter une loi spéciale au moindre signe que les syndicats n'arrivent plus à étouffer l'indignation des membres de la base. À l'été 2014, le gouvernement Couillard avait averti qu'une loi spéciale était «en rédaction» pour empêcher un seul jour de grève dans la construction. Au printemps de cette année, il a lancé une sauvage répression policière contre une grève anti-austérité des étudiants.

Quant au gouvernement conservateur de Stephen Harper, il est intervenu plusieurs fois pour criminaliser les débrayages des cheminots, des postiers et des employés d'Air Canada. Le droit de grève a été quasiment aboli au Canada, sans que les syndicats lèvent le petit doigt.

Cette inaction, y compris le silence quasi total des syndicats sur la menace de loi spéciale, découle de leur caractère pro-capitaliste. Par leur intégration croissante à l’État capitaliste, leur participation à des comités tripartites et leur gestion de riches fonds d’investissement, les bureaucrates syndicaux ont développé des intérêts complètement opposés aux travailleurs de la base.

C'est clairement ressorti lors de la grève étudiante de 2012, qui a mobilisé des centaines de milliers de jeunes et offert le potentiel d'un mouvement plus large des travailleurs contre les mesures d'austérité. La bureaucratie syndicale a isolé les étudiants grévistes, avant de détourner leur lutte derrière l'élection du Parti québécois – tout autant un parti de la grande entreprise que les libéraux.

Appels obscènes à Péladeau

Opposés à l'unité des travailleurs du Québec avec leurs frères et sœurs de classe du Canada, les syndicats du Front commun recherchent plutôt le soutien du Parti québécois et de son nouveau chef, l’anti-syndicaliste notoire Pierre-Karl Péladeau.

Le PQ, l'autre parti de gouvernement de l'élite dirigeante, a imposé les coupes sociales les plus dévastatrices de l’histoire du Québec, souvent à l'aide de féroces lois antisyndicales. Quant à Péladeau, le richissime magnat de presse que les syndicats nommaient jadis «le roi du lock-out», il est le porte-parole des sections les plus à droite de l’élite québécoise.

Depuis plus de quarante ans, les syndicats présentent le Parti québécois – et tout le mouvement séparatiste – comme l'allié des travailleurs et une force plus «progressiste» que les Libéraux. C'est un élément central de leurs efforts pour subordonner politiquement les travailleurs à la classe capitaliste.

Dans la campagne électorale fédérale, cela se traduit par des appels à se débarrasser de Harper en votant pour le NPD, le Bloc québécois ou le Parti libéral du Canada – des partis voués d'une façon ou d'une autre à l'austérité capitaliste, au chauvinisme anti-musulman et à la guerre impérialiste.

Leçons de la Grèce

Les vieilles méthodes syndicales de lutte, basées sur la protestation et un programme nationaliste, sont complètement inadéquates. Si l'expérience grecque a démontré une chose, c'est bien l'impossibilité de combattre l'austérité capitaliste sans une mobilisation révolutionnaire des travailleurs à une échelle européenne et internationale.

Syriza – salué par Québec solidaire comme un modèle contre le néo-libéralisme – a soutenu qu'il serait possible d'atténuer l'impact des mesures d'austérité par la voie de la négociation et des appels à Hollande, Merkel et Obama. L'élite dirigeante a vite compris que Syriza, qui représente les intérêts des classes moyennes privilégiées, n'allait pas sortir du cadre des institutions capitalistes européennes. Et elle a continué à exiger plus de chômage et plus de pauvreté pour les travailleurs grecs.

La réponse du gouvernement Syriza a été la capitulation totale avec l'imposition de dizaines de milliards d'euros en coupes sociales, le relèvement de l'âge de la retraite de 62 à 67 ans, la hausse de la taxe de vente, et une nouvelle ronde de privatisations.

Les travailleurs du secteur public du Québec font face aujourd'hui à une situation similaire – une attaque sans précédent sur tous les gains du passé et l'intransigeance d'un premier ministre qui, soutenu par toute l'élite dirigeante québécoise et canadienne, a promis que son «gouvernement ne changera pas son mode de décision selon les manifestations».

Ceux qui prétendent – comme les syndicats ou Québec solidaire – qu'il est possible de repousser cette attaque par la voie de la négociation, sans une mobilisation politique des travailleurs, se préparent à jouer le même rôle traître que Syriza en Grèce. Les centrales syndicales québécoises ont d'ailleurs une longue histoire de luttes ouvrières isolées, sabotées et torpillées.

Une stratégie socialiste

Les travailleurs du secteur public ont besoin d'une nouvelle stratégie de lutte. Il faut préparer dès aujourd’hui une grève générale de tous les employés du secteur public autour des revendications suivantes:

* abrogation des lois anti-grèves;

* hausse salariale immédiate de 20% pour tous les employés du secteur public;

* création de dizaines de milliers d'emplois dans la santé et l'éducation;

* expansion des programmes sociaux par une hausse de l'impôt sur la grande entreprise.

Cette lutte exige la formation de comités de la base, entièrement indépendants des syndicats, qui lanceraient une vaste campagne – sur les lieux de travail, aux bouches de métro et dans les quartiers ouvriers – pour organiser la riposte collective des travailleurs. Un tel mouvement aurait la sympathie des travailleurs partout au pays, sympathie qu'il faudrait transformer en soutien actif au moyen d'une lutte commune contre l'austérité qui est imposée par tous les paliers de gouvernement.

Cette campagne préparerait également la classe ouvrière à peser de tout son poids social pour défier une loi spéciale et exiger la démission du gouvernement Couillard dans une grève générale politique.

Elle devrait avant tout être guidée par une perspective socialiste: la mobilisation de tous les travailleurs du Canada – français, anglais et immigrés – dans la lutte pour un gouvernement ouvrier qui utiliserait les vastes ressources disponibles pour satisfaire les besoins humains, et non le profit individuel.

Nous appelons les travailleurs d'accord avec cette perspective à contacter dès aujourd'hui le Parti de l'égalité socialiste.

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