Air France porte plainte pour violence contre des travailleurs pour briser la résistance aux licenciements

Air France a procédé jeudi aux licenciements pour « faute lourde » de quatre travailleurs sans indemnités ni préavis. La compagnie aérienne a de plus déposé contre eux des plaintes pour « violence ». Ils doivent être jugés en correctionnelle le 2 décembre prochain.

Un cinquième travailleur, représentant du personnel, fait l’objet d’une procédure de licenciement spécifique en raison de son statut et va connaître le même sort si l’Inspection du Travail donne son accord.

Par ailleurs, onze salariés, faisant aussi partie du personnel au sol, ont également écopé d’une mise à pied sans solde de 15 jours pour avoir participé, selon la compagnie, à l’« effraction » d’une simple grille d’accès.

La nature brutale de ces sanctions doit être vue comme une mise en garde aux travailleurs d’Air France et à la classe ouvrière tout entière. Avec un licenciement pour « faute lourde » et un casier judiciaire si les plaintes sont suivies de condamnations, ces travailleurs n’ont presque aucune chance de retrouver du travail. Le message est : résistez aux attaques contre vos emplois, votre niveau de vie ou vos conditions de travail et vous vous retrouverez à la rue.

Les actions d’Air France font suite à une réunion du Comité d’Entreprise du groupe le 5 octobre en aval de laquelle avaient été annoncés 2.900 licenciements. Air France avait déjà éliminé 15.000 emplois, soit un quart des 63.000 salariés d’Air France, depuis 2012. Quand la réunion allait commencer, il y avait des travailleurs sur place et la tension était explosive.

La sécurité pour la réunion était minimale et des travailleurs ont pris à partie deux cadres d’Air France, le DRH d’Air France, Xavier Broseta, et Pierre Plissonnier, le chef de l’activité long-courrier d’Air France, et ont déchiré leurs chemises.

La suite a été captée par les médias qui ont montré les deux cadres escaladant des grilles sans chemises, entourés par des agents de sécurité. Vidéos et photos furent utilisées pour une énorme campagne médiatique contre les travailleurs d’Air France.

Le premier Ministre Manuel Valls est intervenu immédiatement en soutenant Air France; il a qualifié les travailleurs de « voyous » et les a menacé de « sanctions lourdes ». Le président, François Hollande, a également soutenu Air France, condamnant des violences « inacceptables. »

La colère des travailleurs était tout à fait prévisible et Air France a délibérément créé une situation où une telle chose devenait probable. Quelques jours avant, le PDG du groupe, Alexandre de Juniac, avait organisé des négociations avec les pilotes où Air France exigeait que ceux-ci travaillent 100 heures de plus par an sans augmentation de salaire. Quand les pilotes ont refusé, de Juniac a dit que la seule alternative était les 2.900 licenciements et a essayé de leur en faire porter la responsabilité.

Mais Air France peut faire ce genre de provocations parce que la direction a le soutien infaillible du gouvernement du Parti socialiste (PS), du président Hollande et des syndicats. L’année dernière Valls et le gouvernement avaient déjà apporté leur soutien à Air France dans la grève des pilotes. Le syndicat des pilotes, le SNPL, avait abandonné la grève sans consulter la base au moment précis où Air France était dans les plus grandes difficultés.

C’est pour cela que la direction d’Air France peut frapper des travailleurs de licenciements immédiats connaissant d’avance la réaction du gouvernement et celle des syndicats, dont la CGT qui n’a appelé qu’à une grève de protestation d’un jour le 19 novembre. Pour tous les syndicats l’affaire est réglée, les travailleurs resteront licenciés et ces précédents seront réutilisés par le patronat dans de prochaines attaques.

Les « sanctions lourdes » exigées par Valls au nom du gouvernement sont une tentative d’intimider les travailleurs. Le gouvernement et le patronat ont peur que la colère qui monte dans la classe ouvrière en France ne devienne incontrôlable.

Hollande et son gouvernement du Parti socialiste sont le régime le plus haï par la classe ouvrière et la majorité de la population en France au moins depuis Deuxième Guerre mondiale. Après trois ans et demi d’austérité exigés par la classe dirigeante, Hollande et le gouvernement Valls sont au plus bas dans les sondages.

Auparavant, dans la plupart des luttes ouvrières ces dernières années les syndicats et les employeurs choisissaient un bureaucrate syndical au discours radical. Souvent, il s'agissait de la fermeture d'une usine. Son rôle était de contrôler politiquement les actions des travailleurs pour qu'ils ne puissent pas gagner.

Un exemple en est Xavier Matthieu délégué de la CGT à l’usine Continental de Clairoix en 2009. Matthieu a poussé les travailleurs dans toutes sortes d’aventures qui n’ont en rien fait avancer leur lutte. La plus spectaculaire fut l’attaque de la sous-préfecture de Compiègne où Matthieu a encouragé les travailleurs à dégrader les bureaux. À la suite de cette aventure, il a été poursuivi en justice et condamné à 4.000 euros d’amende. L’amende a été prise en charge par Continental ; après avoir veillé à la fermeture de l’usine, Matthieu fait carrière comme acteur.

À Air France, aujourd’hui, la situation est très différente. Il s’agit d’une entreprise d’à peu près 45.000 employés qui ont vécu quatre projets de restructuration en quatre ans et qui ont perdu 15.000 de leurs collègues. Une vraie poudrière dont le gouvernement et la classe dirigeante ont très peur.

Dans une vidéo prise après que les travailleurs d'Air France aient envahi la réunion du Comité d'Entreprise, on y voit l'intervention d'une hôtesse au sol, Erika Nguyen Van Vai, 33 ans, qui dit: « On nous a demandé de faire des efforts, on les a fait, cela fait 4 ans que nos salaires n'ont pas évolué, qu'on travaille pour rien et c'est nous qui trinquons. On nous demande d'être gentils et que les acquis évoluent. Moi je touche 1800 euros, c'est ça qui ruine la France » ?

 

 

Loading