Obama fait la leçon au G20

À la veille du sommet du G20 qui s’est ouvert dimanche en Turquie, le président Barack Obama a publié un commentaire dans le Financial Times vantant son programme économique, « orienté vers la croissance » et « vers la classe moyenne », comme un modèle pour les autres grandes économies.

Sous le titre: « La voix audacieuse de l’Amérique ne peut être la seule », Obama fait un bilan enthousiaste et absurde du prétendu succès de sa politique économique et fait à l’Europe, à la Chine, au Japon et aux pays émergents un exposé sur les mesures à prendre pour donner une forte impulsion à leurs économies en panne ou en baisse et inverser le ralentissement économique mondial.

Que les États-Unis, dont l’économie croît au taux anémique d’environ 2 pour cent, soient considérés comme un « exemple positif » dans le monde en dit long sur l’échec du G20 à engendrer une véritable reprise après le krach financier et la récession de 2008. Les premières phrases du commentaire d’Obama dans le Financial Times louant le G20 pour avoir « reconstruit l’économie mondiale sur une base plus résistante » et s’être révélé « le premier forum de coopération économique internationale » sonnent creux dans les conditions d’une crise montante et en l’absence d’accord sur une politique commune pour y remédier.

Les chefs de gouvernement du G20 se réunissent alors que la croissance se ralentit, que les conflits commerciaux s’aggravent et que la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine diverge de celle des banques centrales de la Grande-Bretagne, de l’Union européenne et du Japon. Personne ne croit sérieusement que ce sommet créera une politique commune et cohérente pour répondre à la crise.

Il y a peu, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a abaissé de nouveau sa projection pour la croissance économique mondiale en 2015 et 2016 et averti d’un « ralentissement spectaculaire de la croissance du commerce mondial. » L’économiste en chef de l’OCDE, Catherine Mann a dit que les 2 pour cent de croissance du commerce projetés pour 2015 étaient un niveau faible « associé à la récession mondiale. »

En octobre, le Fonds monétaire international (FMI) avait indiqué que la croissance mondiale serait à son plus bas niveau depuis la crise financière de 2008-2009. En avril, il avait averti qu’il n’y avait pas de perspective d’un proche retour aux taux de croissance d’avant la crise et mis l’accent sur la réduction de 25 pour cent de l’investissement productif dans les pays industrialisés anciens d’Amérique du Nord et d’Europe.

Le numéro du Financial Times comportant l’article d’Obama avait aussi en première page un article sur une nouvelle chute du prix du pétrole et des métaux et une chute de la demande de matières primaires alors que le ralentissement de la Chine se montre plus fort qu’on ne pensait. Le journal notait que l’Index Bloomberg des matières primaires était tombé à son niveau le plus bas depuis 2008.

La présentation de l’état de l’économie américaine dans l’article d’Obama est un mélange de demi-vérités, de distorsions et de mensonges. Obama se vante d’avoir supervisé la création de 13,5 millions d’emplois et une baisse à 5 pour cent du taux de chômage. Il oublie de dire que la grande majorité des emplois décemment rémunérés anéantis depuis 2008 ont été remplacés par des emplois à bas salaires, qu’une grande partie des nouveaux emplois sont temporaires ou à temps partiel et que le taux de participation au marché du travail, jauge bien plus précise du marché du travail que le taux de chômage officiel, reste à des niveaux bas quasi record.

Au nom d’un « programme économique de la classe moyenne, » Obama a travaillé à faire baisser les salaires, les pensions et les prestations de santé des travailleurs pour faire des États-Unis une économie de main-d’œuvre à bon marché. Sa faillite forcée de General Motors et Chrysler en 2009, qui incluait une réduction de moitié des salaires de tous les travailleurs nouvellement embauchés, a donné le ton pour une attaque de la classe ouvrière à l’échelle nationale, qui se poursuit sans relâche.

Le résultat a été une forte croissance de la pauvreté et de l’inégalité sociale. Ces deux dernières semaines, des études ont montré que la moitié des travailleurs américains gagnaient moins de 30.000 dollars par an et 40 pour cent moins de 20.000 dollars, et que la dévastation économique a entraîné une forte hausse du taux de mortalité chez les travailleurs blancs d’âge moyen. La supposée concentration d’Obama sur le bien-être de la « classe moyenne » a produit une économie dans laquelle 95 pour cent des hausses de revenus vont au un pour cent le plus riche de la population.

Obama présente sa politique économique comme « orientée vers la croissance » et plaide pour une politique d’austérité un peu moins onéreuse en Europe. Mais, en réalité, Obama a présidé à une attaque sans précédent des dépenses sociales. Le taux d’augmentation des dépenses discrétionnaires non militaires et le niveau de ces dépenses en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) ont rétréci sous Obama à des niveaux jamais vus depuis l’Administration Eisenhower dans les années 1950.

Alors que les coupons alimentaires, l’aide au chauffage, à l’éducation, au logement, les prestations de chômage et d’assurance-maladie ont tous été sabrés, les dépenses militaires ont explosé. Dans son article du Financial Times, Obama présente l’accord sur le budget du mois dernier avec les républicains comme un modèle pour les autres pays. Mais ce budget impose des milliards de réductions du programme d’invalidité de la Sécurité sociale et, une fois de plus, lamine le financement de Medicare.

Obama vante aussi sa réforme des soins de santé comme l’expansion de la couverture à 17,6 millions de personnes de plus. Il oublie de dire que cela laisse des dizaines de millions d’Américains sans assurance santé et impose des réductions draconiennes à l’accès des travailleurs aux médicaments, aux tests et aux procédures médicales et augmente leurs frais directs.

Malgré l’immense aubaine pour les banques, les sociétés et les élites financières offerte par le programme d’Obama, le taux de croissance des États-Unis reste extrêmement faible historiquement. Le taux moyen d’augmentation de 2 pour cent du PIB sous Obama est la moitié du taux des reprises précédentes et un point de pourcentage de moins que la moyenne globale pour la période d’après-guerre. Ceci est en grande partie dû au fait que la politique de l’Administration ait été conçue pour dynamiser le marché boursier et d’autres formes d’activités spéculatives et parasitaires, tandis que les sociétés et les banques privaient l’économie d’investissement productif.

Les recommandations d’Obama en matière de politique soulignent le programme international réactionnaire de l’impérialisme américain. Il exige que la Chine « libère sa classe moyenne émergente en accélérant sa transition d’une économie tirée par la consommation. » Ceci est le langage codé pour dire que la Chine doit démanteler son secteur public, accélérer son programme de privatisation et ouvrir le pays à l’exploitation sans frein par les pouvoirs impérialistes.

Au nom de l’élargissement de la force de travail, il a fait l’éloge de l’Europe pour avoir accepté un petit pourcentage des réfugiés fuyant la dévastation causée par les guerres américaines au Moyen-Orient et en Afrique. Il qualifie la politique européenne de la porte fermée pour la grande majorité des demandeurs d’asile et le traitement brutal de ceux qui parviennent à entrer dans l’UE d’« intervention humanitaire ». Mais c’est aussi, ajoute-t-il, « une opportunité économique qu’il vaut la peine de saisir. »

Autrement dit, les migrants autorisés à entrer dans l’UE devraient être transformés en quasi-esclaves pour augmenter les bénéfices des sociétés transnationales américaines et européennes.

Il cite l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) comme modèle pour la politique commerciale mondiale. Ce bloc commercial dominé par les Etats-Unis, visant à exclure la Chine et à complémenter son encerclement diplomatique et militaire et les préparatifs de guerre du « pivot vers l’Asie » contre ce pays, illustre l’utilisation croissante du commerce comme arme économique et la division du monde en blocs commerciaux rivaux – le prélude, historiquement, à la guerre mondiale.

Ce processus s’accélérera lorsque la Réserve fédérale américaine commencera à relever ses taux d’intérêt à partir du mois prochain tandis que les autres grandes banques centrales se préparent à abaisser encore les leurs.

Le commentaire d’Obama, examiné objectivement, n’indique pas une base pour une reprise mondiale mais plutôt la profondeur de la crise du capitalisme américain et mondial et l’impossibilité de toute résolution progressiste en dehors de la révolution socialiste.

(Article paru d'abord en anglais le 14 novembre 2015)

Loading