Canada: Les groupes de la pseudo-gauche dénoncent Mulcair afin de mieux promouvoir les syndicats et le NPD

La mauvaise performance du Nouveau Parti démocratique (NPD) lors des élections fédérales canadiennes du mois dernier a provoqué le désarroi et le découragement parmi les organisations de la pseudo-gauche des classes moyennes que sont Action socialiste, International Socialists et La Riposte.

Les sociaux-démocrates ont subi une défaite écrasante le 19 octobre, perdant leur statut d'opposition officielle au parlement, la majorité de leurs sièges et un tiers de leur part du vote populaire.

La débâcle du NPD au scrutin signifie «qu'une opportunité historique a été manquée», s'est plainte La Riposte. Les International Socialists (IS) n'étaient pas moins endeuillés. Ils ont déclaré que c'était une «tragédie» que ce soit les libéraux et non le NPD qui ont profité de la colère populaire contre Stephen Harper et ses conservateurs de droite. IS se sont plaints de la perte de «beaucoup de députés qui avaient appuyé des mouvements sociaux, tels qu'Andrew Cash, Peggy Nash et Rathika Sitsabeisan».

Action socialiste a employé des termes similaires concernant le départ de sociaux-démocrates de droite du parlement: «Beaucoup de bons députés, comme Megan Leslie (chef adjoint) et Andrew Cash, ont essuyé la défaite. Ils nous manqueront.»

Les trois organisations ont rapidement attribué toute la responsabilité ou presque pour la réhabilitation politique des libéraux au dirigeant du NPD Thomas Mulcair et une clique de ses conseillers.

Action socialiste et La Riposte, qui fonctionnent tous deux en tant que «groupes dynamiques» loyaux à l'intérieur du NPD, exhortent maintenant leurs collègues néo-démocrates à remplacer Mulcair à la direction du parti. Cela, disent-ils, permettrait au NPD de tourner à gauche et servir d'instrument pour la lutte de la classe ouvrière contre le programme de guerre de classe de la bourgeoisie.

«Le NPD, le seul parti de masse travailliste en Amérique du Nord», proclamait le dirigeant d'Action socialiste, Barry Weisleder, «demeure viable en tant qu'opposant de gauche potentiel à l'austérité capitaliste, l'injustice climatique, l'inégalité sociale, le racisme, le sexisme et la guerre.»

Tout ceci vise le maintien de l'autorité du NPD et des syndicats procapitalistes. Mais ces organisations apparemment de gauche étouffent la lutte des classes depuis des décennies, imposant des baisses de salaire et l'élimination d'emplois et d'autres concessions, tout en aidant la bourgeoisie à démanteler les services publics et sociaux qu'ils présentaient par le passé comme la preuve que le capitalisme pouvait être «humanisé».

Une importante expression politique de ce processus est la promotion des libéraux en tant que progressistes par les sociaux-démocrates et les syndicats. Rappelons que les libéraux ont pavé la voie à Harper en mettant en œuvre les plus importantes coupes budgétaires dans l'histoire du Canada et en entraînant le Canada en guerre en Yougoslavie et en Afghanistan lors de leur dernier mandat.

Silence sur la campagne des syndicats «N'importe qui sauf harper» et la coalition libéraux-NPD de 2008

Les syndicats ont joué un rôle critique dans la victoire électorale des libéraux. Ils ont versé des millions de dollars dans la campagne «N'importe qui sauf Harper» et ont ouvertement appelé à l'élection de députés libéraux s'ils étaient bien placés pour défaire le candidat conservateur local. Cette initiative du «vote stratégique» a été décisive pour permettre au parti traditionnel de la bourgeoisie canadienne de renouveler son image en tant qu'alternative «progressiste» à Harper et agent de «réel changement». Elle a atteint sa conclusion logique la semaine dernière quand la direction du Congrès du travail du Canada (CTC) a tenu une réunion privée avec le nouveau premier ministre Justin Trudeau pour discuter de la façon dont les syndicats pouvaient collaborer avec le nouveau gouvernement.

Il est remarquable que dans leurs estimations du résultat de l'élection, Action socialiste, IS et La Riposte aient réussi à éviter de mentionner ne serait-ce qu'une seule critique des syndicats. Ils ne les critiquent pas pour avoir mené la campagne électorale proaustérité, promilitaire «Harper-lite» du NPD. Ils ne les dénoncent pas non plus pour avoir dirigé la campagne prolibérale «N'importe qui sauf Harper».

Au lieu de cela, ils combinent de façon hypocrite une critique du «vote stratégique» avec un silence remarquable sur les organisations qui ont mené l'initiative pour ce même «vote stratégique» et qui ont aidé à porter au pouvoir un gouvernement libéral qui est voué à redorer l'image du programme conservateur d'austérité, d'attaques sur les droits démocratiques et de guerre impérialiste.

Depuis au moins une décennie, le NPD et les syndicats ont systématiquement appuyé les libéraux en tant que parti progressiste et activement travaillé pour une coalition gouvernementale entre le NPD et les libéraux.

En décembre 2008, le NPD, avec l'appui enthousiaste du CTC et de la Confédération des syndicats nationaux du Québec (CSN), était d'accord pour jouer le rôle de partenaire d'un gouvernement dirigé par les libéraux. L'entente de coalition, dont la mise en oeuvre a été empêchée par la fermeture du parlement dans un coup d'État constitutionnel, promettait un gouvernement libéraux-NPD qui aurait réduit l'imposition des entreprises de 50 milliards de dollars, mené la guerre en Afghanistan jusqu'en 2011 et maintenu l'objectif de «responsabilité financière». Seulement quelques semaines après l'éruption de la crise du capitalisme la plus importante depuis la Grande Dépression, l'entente a démontré que le NPD est entièrement voué à la défense des intérêts de la bourgeoisie canadienne et sont État, et qu'il est prêt à le faire en collaboration avec son parti de gouvernement traditionnel.

Mais au cours des sept dernières années, incluant pendant la campagne électorale récente, Action socialiste, IS et La Riposte ont maintenu un silence presque total sur la coalition avortée libéraux-NPD et les méthodes antidémocratiques que Harper, avec l'appui écrasant de la grande entreprise, a utilisées pour empêcher son arrivée au pouvoir. Dans l'ensemble des articles produit par ces organisations d de la pseudo-gauche depuis 2008, on ne peut que trouver une poignée de références à cette entente de coalition.

De la même façon, tout en incitant les travailleurs à voter pour le NPD le 19 octobre, Action socialiste, IS et La Riposte se sont tus quand le NPD a annoncé publiquement vouloir devenir partenaire des libéraux, préférablement dans un gouvernement de coalition, une fois que les votes seraient comptés.

Mulcair est certainement un droitiste invétéré. Ancien ministre libéral du Québec et admirateur avoué de Margaret Thatcher, il a entretenu l'idée de prendre un poste dans le gouvernement Harper avant de devenir la recrue vedette de la campagne du chef Jack Layton visant à rallier les «progressistes» de «tous les partis».

Mais Mulcair n'est pas une aberration. Comme tous les partis sociaux-démocrates dans le monde, le NPD s'est depuis longtemps débarrassé de son engagement pour des réformes ou de son association, aussi ténue soit-elle, avec la lutte des classes et a embrassé l'austérité et la guerre. À travers l'Europe, les gouvernements sociaux-démocrates, que ce soit celui mené par Tony Blair en Grande-Bretagne, Gerhard Schröder en Allemagne, Geoge Papandreou en Grèce, ou François Hollande en France, ont mené l'assaut sur la classe ouvrière pour restructurer les relations de classe en faveur de la grande entreprise à travers d'importantes réductions des dépenses, des privatisations et des attaques sur les droits démocratiques.

La pseudo-gauche tente d'éviter toute discussion de ce sale héritage parce qu'il mine totalement leur affirmation que le NPD est un «parti ouvrier», «fondamentalement différent» de ses rivaux politiques à cause de ses liens avec les syndicats. De plus, ils tentent de cacher leur propre complicité dans les actions du NPD et des syndicats qui imposent l'austérité capitaliste et tentent de canaliser l'opposition sociale grandissante derrière l'élection d'un gouvernement de la grande entreprise «progressiste», qu'il soit dirigé par Trudeau ou Mulcair.

La campagne «Stop Hudak» et l'étranglement de la lutte des classes

Action socialiste, IS et La Riposte ont tous fait la promotion – et continuent d'en faire un exemple – de la campagne «Stop Hudak» des syndicats de l'Ontario: l'initiative que les syndicats canadiens ont affirmé être leur modèle pour leur campagne prolibérale «N'importe qui sauf les conservateurs» dans les élections fédérales de 2015. Ainsi, dans un article publié fin septembre, Action socialiste a acclamé le président sortant de la Fédération du travail de l'Ontario, Sid Ryan, pour avoir «rallié le mouvement ouvrier pour vaincre le chef du parti conservateur qui hait les syndicats, Tim Hudak».

En réalité, sous le prétexte de «stopper» l'arrivée de Tim Hudak au pouvoir en Ontario, les syndicats ont eu le dessus sur le NPD en appuyant un gouvernement provincial libéral minoritaire, de l'automne 2012 jusqu'en avril 2014, qui a imposé des coupes budgétaires brutales et criminalisé les grèves des enseignants. Ensuite dans l'élection provinciale de juin 2014, les syndicats, avec Ryan en tête, ont prôné la réélection des libéraux, les aidant a reprendre une majorité parlementaire.

Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne, qui jouit des liens les plus étroits avec le nouveau gouvernement de Trudeau, a intensifié son programme d'austérité et, avec la privatisation d'Hydro One, est en train d'achever la plus importante privatisation au Canada depuis une génération, tout en continuant à recevoir l'appui de la bureaucratie syndicale.

Les protestations hypocrites anti-Hudak – quelques rencontres et manifestations – que les organisations de la pseudo-gauche présentent comme une «lutte de la classe ouvrière» étaient en fait une couverture politique pour l'intégration accrue des syndicats, à travers leur appui déterminé pour le gouvernement libéral de l'Ontario, dans l'imposition de l'austérité capitaliste.

En effet, la bureaucratie syndicale a réagi à la menace de Hudak d'importer des lois anti-ouvrières du type «droit au travail» à l'américaine en tentant de démontrer à la grande entreprise qu'elles n'étaient pas nécessaires; parce que, comme des représentants tels que l'ancien président du CTC Ken Georgetti avaient ouvertement dit, les syndicats jouent un rôle vital pour assurer la «paix» en milieu de travail et augmenter la productivité des entreprises.

Même si ce n'est jamais mentionné dans les pages de la presse de la pseudo-gauche, il est significatif que Hudak ait en fin de compte abandonné sa proposition de loi de «droit au travail» à cause de l'opposition d'un grand nombre des plus importants employeurs de l'Ontario, incluant les fabricants automobiles. Ils lui ont dit qu'ils percevaient leurs «partenaires» syndicaux comme d'importants atouts et qu'ils ne voulaient pas voir cette relation menacée.

IS, Action socialiste et La Riposte ont continué leur promotion de la campagne «Stop Hudak» en s'alliant au Canadian People's Social Forum parrainé par les syndicats en août 2014. Présenté comme une rencontre d'activistes sociaux et de mouvements de protestation, le Forum était en fait un atelier de planification pour le lancement d'une campagne nationale pour le «vote stratégique» et l'élection d'un gouvernement «progressiste» en 2015. Le slogan révélateur du forum était «Combattre Harper et au-delà».

La relation entre la pseudo-gauche apparemment marxiste et la bureaucratie syndicale et sa campagne «N'importe qui sauf Harper» est aussi illustrée par l'évolution de Mike Palecek, l'ancien dirigeant de La Riposte qui est devenu le chef du Syndicat des travailleurs des postes en mai dernier. En 18 mois ou moins, Palecek a fait la transition d'un supposé marxiste révolutionnaire au président du STTP et l'un des plus ardents défenseurs de la campagne «N'importe qui sauf Harper». La semaine dernière, il s'est joint à d'autres dirigeants du CTC pour célébrer l'élection de Trudeau et offrir sa collaboration au nouveau premier ministre. Mais La Riposte n'a pas émis la moindre critique de Palecek et n'a pas expliqué la raison de son départ de l'organisation. On ne peut interpréter ce silence que comme l'indication que La Riposte est enthousiaste de continuer à collaborer avec lui.

Redonner vie au NPD

IS et La Riposte ont des différences tactiques concernant le NPD, le premier préférant maintenir une distance organisationnelle alors que le dernier opère en son sein. Mais tous les deux, en plus d'Action socialiste, propagent le mensonge que le NPD est une «organisation ouvrière» qui peut servir d'instrument «viable» pour la résistance de la classe ouvrière.

Ceci trouve son expression la plus claire dans l'appel que les trois organisations font pour que le NPD imite le Parti travailliste britannique sous son nouveau dirigeant «de gauche» Jeremy Corbyn.

IS exhorte le NPD à être «plus Corbyn» et «moins Blair». Action socialiste prétend de façon similaire que le NPD peut être «ressuscité» avec une pression de la «gauche», ajoutant que «nous découvrirons le Jeremy Corbyn canadien dans la lutte».

La Riposte, pour sa part, est occupée à identifier les candidats potentiels pour le rôle du «Corbyn canadien». Son but, comme elle l'admet ouvertement, est de soutenir le NPD et le «sauver» de l'effondrement sous le poids de ses politiques de droite. «Les gens de la gauche tels que Niki Ashton et Jenny Kwan, implore La Riposte, doivent s'élever et demander un virage à gauche et un renouvellement de la direction. Alexandre Boulerice à Montréal… penche parfois à gauche. Erin Weir en Saskatchewan pourrait aussi jouer un rôle similaire.»

Le résultat de la campagne Corbyn a en fait démontré l'impasse pour la classe ouvrière de toute perspective qui vise à ressusciter la sociale démocratie. Depuis qu'il est devenu le dirigeant des travaillistes, Corbyn, au «nom du maintien de l'unité du parti», capitule sur toutes les questions importantes devant la droite qui domine ce parti de réaction sociale et de guerre impérialiste.

Voilà des preuves de plus que les travaillistes, le NPD et leurs partenaires sociaux-démocrates internationalement, avec les syndicats, se sont transformés au cours du dernier quart de siècle en des organisations de la grande entreprise qui sont insensibles et profondément hostiles envers les intérêts et aspirations de la classe ouvrière, ne différant pas véritablement de leurs adversaires libéraux et conservateurs.

À la différence d'Action socialiste et de La Riposte, IS mettent davantage l'accent sur ce qu'ils appellent les «mouvements populaires» en dehors du parlement. Mais ceci n'a rien avoir avec la mobilisation de la classe ouvrière en tant que force politique indépendante en opposition à l'ordre social capitaliste. Au lieu de cela, IS conçoivent de telles initiatives comme un mécanisme pour faire pression sur le nouveau gouvernement libéral et les appareils syndicaux. Après avoir présenté une liste de promesses électorales typiquement mensongères des libéraux dans leur principal article postélectoral, IS exhortent leurs lecteurs «à profiter des sentiments anti-Harper pour faire pression sur Trudeau».

Action socialiste, IS et La Riposte jouent le rôle d'agents de relations publiques et d'avocats des bureaucraties ouvrières, de leur étranglement de la lutte des classes et de leur imposition des diktats réactionnaires de la grande entreprise. Pendant que ces groupes expriment occasionnellement quelques phrases socialistes, ils sont des organisations des sections privilégiées des classes moyennes et sont déterminés à maintenir la classe ouvrière sous la domination politique et le contrôle des syndicats et du NPD.

Il est essentiel de démasquer systématiquement ces organisations anti-socialistes et anti-ouvrières de la pseudo-gauche pour développer un mouvement politique de la classe ouvrière réellement indépendant et bâtir sa direction révolutionnaire.

(Article paru d'abord en anglais le 19 novembre 2015)

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