Allégations de fraude et d'intimidation

L'UAW affirme que la convention collective chez Ford a été acceptée

Le syndicat des Travailleurs unis de l'automobile (United Auto Workers, UAW) a prétendu vendredi soir que le vote concernant son entente avec Ford l'avait emporté avec un écart minime. Au même moment, de nombreuses allégations d'intimidation et de fraude étaient rapportées.

Les travailleurs de l'usine d'assemblage de Dearborn étant les derniers à voter, la convention collective était en voie d'être défaite jeudi: l'UAW dépendait d'un «oui» à forte majorité dans les usines restantes pour ratifier le contrat. Dans les derniers jours du vote, les travailleurs des usines au Kentucky et à Chicago en Illinois avaient rejeté l'entente à deux contre un.

L'UAW prétend avoir réussi cet exploit improbable. «Nos membres ont ratifié l'entente nationale après un long processus et beaucoup de débats», a dit le président de l'UAW Dennis Williams dans une déclaration écrite. Ford a publié une déclaration selon laquelle le contrat «offre une bonne base pour Ford Motor Company, nos employés et nos communautés».

D'après les résultats non officiels publiés sur Facebook vendredi soir, le local 600 de l'UAW, qui est basé à Dearborn, prétend que les travailleurs de Dearborn Truck ont appuyé l'entente à 2620 voix pour et 939 contre, ou 73 pour cent. Un total qui n'incluait pas Dearborn Stamping, Dearborn Engine et une usine plus petite montrait que le contrat avait été accepté avec un écart de 135 votes sur un total de 38.559.

On ne peut absolument pas avoir confiance en la justesse de ces nombres. Beaucoup de travailleurs ont rapporté qu'il y avait opposition généralisée à Dearborn et se sont plaints d'irrégularités durant le vote de vendredi.

Un travailleur de catégorie deux ayant un an d'expérience à Dearborn Stamping, rapportait au WSWS le jour même que «tous ceux à qui j'ai parlé disent qu'ils ont voté contre. Ils sont principalement contre la transition de huit ans pour les travailleurs de catégorie deux. Ils ne pensent pas que cela arrivera. Au Canada, ils ont fait une chose du genre et les travailleurs n'ont toujours pas reçu leur argent.»

Il a dit que l'intégrité du vote était en doute, «J'ai entendu certains dire que le résultat du vote serait ce que veut l'UAW, quoi qu'il arrive.»

Le commentaire le plus populaire sous le message de l'UAW International annonçant la ratification publié sur leur propre page Facebook disait: «Peu importe les votes. Il allait être ratifié quoi qu'il arrive. Ils sont escrocs à ce point.» D'autres travailleurs ont exigé un recomptage et une enquête.

Un autre travailleur écrivant sur Facebook avant que les résultats soient publiés disait qu'il avait parlé à deux représentants locaux du UAW et a écrit qu'«ils ont confiance que le local DTP 600 a voté contre à forte majorité. Mais on verra.»

La conclusion du vote est survenue deux jours après une conférence de presse à laquelle ont participé le vice-président de l'UAW Jimmy Settles et le président du local 600 Bernie Ricke. Ils ont tous deux fait la leçon aux travailleurs et plaidé pour qu'ils votent en faveur de l'entente. Ils se sont plaints que les travailleurs, en particulier les jeunes travailleurs, n'étaient pas suffisamment «éduqués» sur le «processus» de négociation.

Settles et Ricke ont dit aux travailleurs que s'ils votaient «non» ils perdraient leur emploi. Ils ont également souligné que toute grève serait utilisée comme une arme contre les travailleurs. Les grévistes n'auraient qu'une paye de 200 dollars par semaine provenant du fond de grève de 600 millions de dollars de l'UAW. En réponse à des journalistes, Settles a dit que Ford utiliserait des briseurs de grève et que l'UAW ne ferait rien pour les en empêcher.

Afin d'éviter toute question critique, des fiers-à-bras de l'UAW ont fait sortir de force des reporters du WSWS Autoworker Newsletter de la conférence de presse et ont volé le téléphone cellulaire d'un d'entre eux. Un enregistrement vidéo de l'incident a été largement partagé en ligne et vu par plus de dix mille travailleurs de l'automobile. Des travailleurs de l'usine de Detroit ont rapporté qu'elle était partagée et galvanisait l'opposition au contrat.

Les travailleurs qui votaient vendredi devaient tenir tête à toute une rangée de représentants de l'UAW leur demandant qu'ils appuient l'entente. D'après certains articles, des bureaucrates de l'UAW se promenaient en véhicule à travers l'usine vendredi, faisant la promotion d'un vote en faveur du contrat, apportant même des boîtes de scrutin directement aux travailleurs. La période du vote a été prolongée pour donner plus de temps à l'UAW de fabriquer un vote «oui».

Un travailleur a écrit sur Facebook: «Maintenant le syndicat se promène en voiturette pour inciter quiconque n'a pas voté les jours du vote à cocher oui. “Si la convention collective n'est pas signée, vous serez dans la rue!” Et ont-ils le droit de se promener ainsi avec la boîte de scrutin sur la voiturette?»

Un autre a écrit: «Le gars du syndicat se promenait avec la boîte de scrutin sur sa voiture. Après, des gens sont venus me dire qu'ils incitaient les gens à voter oui.»

L'UAW s'est trouvé sous d'immenses pressions de la part des entreprises de l'automobile pour assurer le «oui» chez Ford à tout prix. Les cadres qui sont à la tête de l'organisation sont terrifiés que s'ils échouent à la tâche qui leur est assignée – c'est-à-dire imposer les ententes propatronales – leur relations lucratives avec les sociétés seront menacées.

Tout le processus n'a fait que discréditer encore plus l'UAW, que les travailleurs méprisent et perçoivent comme un syndicat d'entreprise. Il s'agit d'une organisation corporatiste et d'une entreprise en soi, qui conspire avec les sociétés et l'État pour intensifier l'exploitation des travailleurs qu'elle prétend représenter.

L'opposition généralisée à Ford suit la défaite du premier contrat chez Fiat Chrysler (FCA), dont une seconde version a été imposée après une campagne de menaces et de mensonges orchestrée par la firme de relations publiques de l'UAW, BerlinRosen. Ensuite, le vote chez General Motors, où l'UAW prétend que le contrat a été accepté par avec un faible écart, mais que les travailleurs qualifiés l'ont rejeté. D'après la constitution de l'UAW, un contrat national doit être ratifié séparément par les travailleurs de production et les travailleurs qualifiés, mais vendredi, des représentants de l'UAW ont ignoré le vote des travailleurs qualifiés et ont annoncé que la convention collective avait été ratifiée.

L'affirmation selon laquelle il y aurait eu un vote «oui» chez Ford ne fait que confirmer que l'opposition à l'attaque contre les travailleurs de l'automobile ne peut que prendre forme à travers la création d'organisations indépendantes, des comités d'usine de la base, afin d'unir les travailleurs de Ford, GM, FCA et tous les travailleurs avec leurs frères et sœurs à travers le pays et internationalement dans une lutte commune contre les sociétés et leurs valets dans l'UAW et l'AFL-CIO.

(Article paru d'abord en anglais le 21 novembre 2015)

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