Québec solidaire accueille le retour au pouvoir des libéraux à Ottawa

Québec solidaire (QS), qui se présente frauduleusement comme un parti «de gauche», a salué la victoire du Parti libéral du Canada aux élections fédérales du 19 octobre, facilitant ainsi les efforts de la classe dirigeante canadienne pour perpétuer sous un autre visage sa politique d'austérité capitaliste au pays et de militarisme à l'étranger. 

«Après neuf ans de despotisme conservateur», a déclaré la porte-parole de QS, Françoise David, «il est maintenant permis d’espérer autre chose que des politiques anti-démocratiques, anti-femmes, anti-réfugiés, anti-environnementales et guerrières». Cet espoir que cherche à entretenir Québec solidaire n'est que de la pure tromperie visant à désarmer politiquement les travailleurs et les jeunes. 

Ce que l'élite dirigeante canadienne prépare en réalité, derrière les fausses promesses de «changement» du nouveau premier ministre Justin Trudeau, c'est l'élargissement de son assaut sur les services publics et les droits démocratiques au pays, et le renforcement de son étroite collaboration avec Washington dans les guerres de conquête au Moyen-Orient et la confrontation avec la Chine et la Russie. 

Lors des élections, QS a participé à la campagne «n'importe qui sauf Harper» visant à détourner l'hostilité populaire aux conservateurs vers un vote pour tel ou tel autre représentant de la grande entreprise – que ce soient les libéraux, le NPD qui a mené une campagne de droite axée sur le resserrement des dépenses, ou le Bloc québécois pro-indépendantiste qui a mis le militarisme et le chauvinisme antimusulman au cœur de ses interventions. 

Québec solidaire partage ainsi une responsabilité politique dans les attaques anti-ouvrières qui vont suivre le retour au pouvoir des libéraux, le parti de gouvernement préféré de la classe dirigeante canadienne pour une bonne partie du siècle passé. 

La dernière fois qu'ils ont été au pouvoir, les libéraux de Chrétien-Martin ont fait les plus grandes coupes dans les dépenses sociales de l'histoire du pays pour ensuite transférer les économies obtenues vers les couches les plus riches de la société, sous la forme de baisses massives d'impôt sur les profits des entreprises et les revenus personnels. Ce sont aussi les libéraux qui ont envoyé les Forces armées canadiennes participer aux guerres menées par les États-Unis en Yougoslavie et en Afghanistan pour le contrôle de régions géostratégiques ou riches en pétrole et gaz naturel. 

La campagne «n'importe qui sauf Harper», menée principalement par la bureaucratie syndicale, visait à empêcher que la colère accumulée des travailleurs contre le Parti conservateur ne se transforme en opposition à toute la classe dirigeante canadienne. Cette campagne reflétait dans le domaine de la politique officielle les efforts que déploient tous les jours la bureaucratie syndicale pour étouffer la lutte des classes en divisant les travailleurs et en imposant les concessions exigées par les patrons. 

L'attitude favorable de Québec solidaire envers les libéraux n’est pas nouvelle. En 2008, QS avait appuyé une tentative de coalition entre le NPD et les libéraux qui était basée sur l'engagement à accorder des baisses d'impôts de 50 milliards de dollars aux entreprises et à poursuivre la mission de combat de l'armée canadienne en Afghanistan jusqu'en 2011. Au niveau provincial, Québec solidaire a présenté le Parti libéral ontarien de Kathleen Wynne comme un modèle à suivre parce qu’il a étalé le retour à l’équilibre budgétaire sur quelques années. Le modèle de QS est un parti d’austérité, qui a imposé un gel de salaire de deux ans dans la fonction publique, privatisé Hydro One et criminalisé des grèves d’enseignants. 

La participation à la campagne pour évincer Harper à tout prix a amené Québec solidaire à adopter une position officielle de «neutralité» qui a provoqué de vives tensions internes. Une importante section du parti, proche du Bloc québécois indépendantiste, ne voulait en aucun cas appuyer le NPD social-démocrate, dénoncé en tant que parti fédéraliste. 

Cette section était sensible aux critiques soulevées par le Bloc québécois suite aux élections fédérales de 2011, après que Françoise David et Amir Khadir de Québec solidaire aient accueilli «la vague orange» qui avait permis au NPD de remporter pour la première fois une majorité de sièges au Québec. Ces critiques se sont accentuées lors des élections de 2015 après la posture de «neutralité» adoptée par QS, qui lui a valu un reproche amer du chef du Bloc Gilles Duceppe avec sa déclaration qu’il serait cohérent que les «souverainistes appuient les souverainistes». 

Le Bloc québécois est le parti frère sur la scène fédérale du Parti québécois (PQ), l’autre parti de gouvernement de l’élite dirigeante québécoise et le représentant de ses fractions les plus nationalistes qui préconisent la séparation avec le Canada et l’établissement d’une république capitaliste du Québec qui ferait partie de l’OTAN et de l’ALENA et serait mieux adaptée à la défense de leurs propres intérêts. 

Le PQ, qui a imposé les plus grandes coupes dans les dépenses sociales chaque fois qu’il a été au pouvoir au Québec, est aujourd’hui dirigé par le richissime propriétaire de l’empire médiatique Québecor et porte-parole de longue date des sections les plus rapaces de l’élite dirigeante québécoise, Pierre-Karl Péladeau. 

Tout au long de la campagne électorale, le Bloc a agi en allié objectif des conservateurs. Il a soutenu et amplifié l’agitation antimusulmane de Stephen Harper autour de cas isolés de femmes ayant porté le niqab – voile islamique recouvrant le visage – lors des cérémonies de citoyenneté. Et le Bloc est allé plus loin que les conservateurs en matière de politique étrangère en exigeant que le Canada envoie des troupes au sol au Moyen-Orient. 

Rien de tout cela n’a pas empêché Québec solidaire de maintenir ses liens étroits avec le Bloc et tout le mouvement souverainiste québécois. Manon Massé, députée de Québec Solidaire, a signé le bulletin de candidature de Gilles Duceppe, alors chef du Bloc québécois. Des membres de QS étaient sur l’exécutif du Bloc dans Laurier-Ste-Marie, le comté de Duceppe. Amir Khadir, un autre député et haut dirigeant de QS, s'est dit «attristé» du départ de Gilles Duceppe à la tête du Bloc québécois suite à sa défaite dans son propre comté. 

Alors que le Bloc et d’autres partis de l’establishment cherchent à faire des immigrants les boucs-émissaires de la crise du système capitaliste, et à justifier les guerres de pillage au Moyen-Orient en invoquant de manière hypocrite l'égalité homme-femme, Québec solidaire donne une couverture «de gauche» aux débats réactionnaires des représentants politiques et médiatiques de la classe dirigeante. 

QS a pris part pendant des années à la controverse artificielle autour des accommodements supposément excessifs envers les minorités ethniques et religieuses. Il a ensuite accueilli, au nom de la laïcité, la Charte des valeurs québécoises du PQ visant à interdire aux travailleuses musulmanes du secteur public de porter le foulard, sous peine de congédiement. En septembre dernier, Québec solidaire s’est rallié aux dénonciations démagogiques du niqab en votant pour une motion qui exhortait les partis fédéraux à «s'engager formellement à interdire le vote à visage couvert». 

C’est de la pure hypocrisie pour Andres Fontecilla, président et co-porte-parole de QS, de «déplorer» après coup que le Bloc ait utilisé un «débat identitaire» durant sa campagne. Ni cette déclaration, ni le fait d’avoir introduit une motion à l'Assemblée nationale contre les «déclarations à caractère islamophobe», ne peut cacher l’épais dossier de Québec solidaire qui démontre une grande tolérance, voire un soutien actif, pour le tournant de l’élite dirigeante vers le chauvinisme et la xénophobie. 

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